“La bataille est loin d’être jouée”
|Interview: Jocelyn Chan Low, Historien
‘Attendons voir s’il y aura vraiment un « move » politique qui pourrait se transformer en un game changer…’
* Political Financing Bill: ‘Certains y voient une manœuvre pour mettre l’affaire des ‘coffre forts’ à l’avant-plan et piéger ainsi l’opposition’
* ‘Dans le jeu politique à Maurice le patronyme Duval reste un symbole puissant’
Dans l’atmosphère enfiévrée des meetings du 1er mai à Maurice, l’impact des deux principales alliances politiques – l’alliance gouvernementale et l’alliance de l’opposition PTr-MMM-ND – sur leurs partisans et la masse indécise de l’électorat est au cœur des discussions. Alors que ces rassemblements traditionnels continuent de susciter un engouement marqué, ils soulèvent également des questions sur l’authenticité de la mobilisation politique dans un paysage de plus en plus dominé par les réseaux sociaux et l’accès instantané à l’information. Dans notre entretien cette semaine, Jocelyn Chan Low, historien, offre une analyse perspicace des enjeux entourant ces événements politiques emblématiques, tout en scrutant les dynamiques sous-jacentes qui pourraient façonner le paysage politique à l’approche des élections générales.
Mauritius Times: Malgré le fait que l’assistance aux meetings du 1er Mai ne soit pas nécessairement un indicateur fiable de la popularité des deux principales alliances actuellement, pensez-vous que l’alliance gouvernementale et celle de l’opposition PTr-MMM ont réussi à atteindre leurs objectifs respectifs en termes d’impact sur leurs troupes et sympathisants, mais surtout sur la masse des indécis au sein de l’électorat? Selon vous, laquelle des deux alliances a mieux réussi à atteindre cet objectif?
Jocelyn Chan Low: La bataille des ‘foules’ du1er Mai s’est installée depuis quelque temps comme un élément folklorique de notre culture politique, d’ailleurs très archaïque et passéiste à l’ère de l’internet et des réseaux sociaux. En fait, il est surtout une compétition de moyens et de logistiques impliquant de très gros coûts financiers pour un exercice de communication politique.
Tout est bon pour grossir la foule – flotte d’autobus mise gratuitement à la disposition de partisans souvent rémunérés, y compris des travailleurs étrangers, avec en supplément briani, picnic à la plage, etc. Et je crois qu’une grande partie de l’électorat, y compris les indécis, ont compris depuis longtemps que c’est un jeu de dupes.
Il est vrai que, cette année-ci, les rassemblements du 1er mai marquent véritablement le début de la campagne électorale pour des élections générales qui ne sauraient tarder. De ce fait l’opposition, qui avait pris un certain retards sur le terrain et qui avait été secouée par le départ de Xavier Duval et du PMSD se devait de réussir la mobilisation de ses partisans. Et elle a réussi avec brio en mobilisant une bonne foule de partisans enthousiastes bien qu’il faudrait aussi analyser le profil sociologique de la foule à son rassemblement.
Du côté de l’alliance gouvernementale, avec les moyens à sa disposition, le but recherché était sans doute une foule de loin supérieure à celle de l’opposition pour se présenter comme la favorite pour les prochaines élections générales, malgré l’usure du pouvoir et les allégations de scandales, etc. A-t-elle réussi son pari ? Pour l’observateur objectif, à moins d’avoir été sur place pour constater de visu la foule présente, il est difficile de répondre à cette question car les reportages consacrés à ces rassemblements sont malheureusement – d’une manière générale – biaisés d’un côté comme de l’autre.
Quant aux images qui circulent sur les réseaux sociaux, il faut faire très attention aux effets d’optique : aujourd’hui, même un téléphone portable bas de gamme est doté de cinq caméras qui donnent la possibilité de ‘grossir’ n’importe quelle foule à travers un “wide-angle shot”…
* Ce qui est particulièrement frappant, c’est l’ampleur des mesures prises par l’alliance au pouvoir pour entraver la mobilisation des sympathisants de l’alliance PTr-MMM lors de son rassemblement à Port Louis, entre autres la suspension des services du Metro Express jusqu’à la fin des rassemblements, l’interdiction de l’usage des drones pour le 1er Mai, ainsi que l’érection d’une barricade dans l’enceinte de la Municipalité de Port Louis. Toutes ces actions semblent indiquer un sentiment de panique au sein de l’alliance gouvernementale. Pourrait-on dire qu’elle est sur le fil du rasoir et que ses dirigeants en sont conscients ?
Cela n’est guère surprenant. Depuis des années, divers gouvernements ont pratiqué ouvertement toutes sortes de tracasseries contre l’opposition du jour, par exemple dans l’octroi des permis pour les rassemblements, les restrictions du nombre d’autobus alloués, etc. Une fois dans l’opposition, ces mêmes dirigeants se sont plaints quand ces mêmes mesures ont été utilisées à leur encontre…
Il est vrai que cette fois-ci, il est question d’un nouveau mode de transport – le métro léger – et la décision de Metro Express a pénalisé grandement le public voyageur, dont une infime partie seulement aurait utilisé ses services pour se rendre au rassemblement de Port louis, de Vacoas, de Rose Hill et de Curepipe.
Quant à la décision de la Municipalité de Port Louis, à leur décharge, il y a effectivement un problème de sécurité. Le “clock tower” se trouvant devant la municipalité est très délabré, beyond repair, la rouille des armatures ayant induit des éclatements de béton. En fait, le 21 septembre 2023, la Municipalité a déjà soumis un appel d’offres pour sa démolition. Cela aurait été irresponsable de laisser des personnes s’approcher d’une structure qui doit être démolie pour des raisons de sécurité.
Bien sûr, l’opposition clame haut et fort que c’est un signe de panique du gouvernement. Et c’est de bonne guerre.
* Au-delà de ces rassemblements, il faut aussi reconnaitre que tout n’est pas encore joué. Il reste au MSM la possibilité de recourir à d’autres mesures populistes lors du prochain exercice budgétaire, qui semble-t-il aura bien lieu, outre l’utilisation de l’appareil de l’État et surtout la MBC-TV ainsi que la carte du PMSD de Xavier Duval. Pensez-vous que ces stratégies électoralistes auront un impact sur la grande masse des indécis?
Il est certainement évident que rien n’est joué et que tout va se décider pendant la campagne, voire la veille du scrutin.
Il est vrai que le MSM n’a obtenu que 37,8% des suffrages lors des dernières élections contre 32,7% pour l’alliance Ptr-PMSD, et 20,5% pour le MMM. Cependant on ne pourrait, comme le font certains déjà, additionner tout simplement les votes obtenus par l’opposition… Comment alors expliquer que le dernier sondage de « Synthèses » révèle que plus de 68% des sondés ne sont plus attachés aux partis traditionnels et voteraient pour un nouveau leader politique comme Premier ministre ? Et que malgré les allégations de scandales qui ont foisonné depuis 2019, l’opposition ne progresse pas alors que le gouvernement recule?
Il y a effectivement un problème de crédibilité au sein de l’opposition parlementaire que ses dirigeants auront à résoudre alors que la stratégie de Pravind Jugnauth consiste justement à accentuer ce credibility gap (ce manque de crédibilité) entre les dirigeants de l’opposition et la population. D’ailleurs à diverses reprises il a évoqué des ‘preuves’ qu’il détiendrait au sujet des maldonnes de certains dirigeants de l’opposition, à l’instar des liasses de dollars neufs jamais mis dans le circuit commercial et retrouvées dans le ‘coffre fort de NCR – mais sans jamais dévoiler aucune preuve précise à ce jour…
En outre, malgré les allégations de passe-droits, d’autoritarisme, de manipulation des institutions et autres scandales, le gouvernement a un bilan social assez remarquable – avec l’octroi du salaire minimum, de l’income support, de l’augmentation de la pension de vieillesse, de la gratuité de l’éducation de la maternelle à l’université, de la construction de logements sociaux, etc.
Et il faut s’attendre à d’autres mesures populaires telles que la publication du rapport de National Wage Council sur les anomalies salariales suite à l’augmentation du salaire minimum et un budget foncièrement électoraliste. Cet élargissement significatif de l’État providence ne peut que lui apporter des dividendes des dividendes auprès des seniors et de ceux en bas de l’échelle sociale.
A cela, il faut ajouter la “money politics” et ses effets pervers, l’exploitation des secousses inévitables résultant de la finalisation de la liste des candidats de l’opposition tout comme l’utilisation de la victoire de Modi en Inde dans son électorat traditionnel, et les attaques sous la ceinture au cours d’une campagne qui sera très rude et sans merci.
La partie est effectivement loin d’être jouée.
* Malgré les affirmations des dirigeants de l’opposition et de l’alliance gouvernementale, le PMSD – qu’il soit considéré comme valant cinq sous ou même moins que cela, en tant que symbole porté par le nom Duval – demeure important, surtout dans le contexte des élections. Après le départ de Xavier Duval, nous avons assisté à l’ascension de Richard Duval sur le ‘front bench’ de l’opposition lors d’une conférence de presse, et il est probable que le MSM cherchera à tendre la main au PMSD dans les prochains jours. Que représente encore le nom Duval au sein de l’électorat, en particulier chez les “Joes”?
Pour répondre à cette question il faudra d’abord analyser ce que Adele Simmons avait décrit comme le creole politics, un aspect de l’ethnic politics à l’île Maurice.
A un moment où la population générale se sentait vulnérabilisée avec les débats autour de l’indépendance du pays, Gaëtan Duval s’est habilement présenté comme le “King Creole”, reprenant un titre d’Elvis Presley qui en fait évoquait un style de jazz.
Gaëtan Duval a beaucoup surfé dessus au point que pendant les négociations avec le PTr avant les élections de 1982, il parvint à extraire de Sir Kher Jagatsingh un document attestant que le PTr reconnaissait le PMSD et SGD comme le seul représentant de la population générale.
C’est à ce titre que le PMSD s’est retrouvé dans plusieurs coalitions gouvernementales depuis l’indépendance. Aujourd’hui, les sondages démontrent que le PMSD ne représente pas plus de 2% de l’électorat, mais sa force réside surtout dans sa représentativité symbolique bien au-delà de cet électorat.
Dans un contexte où une grande partie de l’électorat est indécise, le PMSD représente cette caution créole bien plus que les ex-militants, alliés du MSM, ne pourraient procurer à Pravind Jugnauth. Dans le jeu politique à Maurice le patronyme Duval reste un symbole puissant d’où l’ascension de Richard Duval au sein de l’alliance de l’opposition parlementaire et les chants de sirènes du MSM et de ses alliés d’un côté, et de Linion Moris de l’autre, envers Xavier Luc Duval.
* Une alliance entre le PTr et le PMSD crée une synergie plus durable et viable que celle entre les Travaillistes et le MMM, comme le passé l’a démontré. Cela soulève deux questions : cette alliance entre le PTr et le MMM sera-t-elle viable ou non dans un contexte de partage du pouvoir, et Navin Ramgoolam a-t-il commis une erreur en abandonnant le soutien que représentait le PMSD, autrefois son allié naturel?
Il faut souligner que l’alliance entre le Ptr et le PMSD n’a pas été de tout repos à ses débuts, notamment en raison de la personnalité exubérante de Sir Gaëtan Duval, soutenu par de gros intérêts locaux et étrangers. Mais au fil des années, SGD et le PMSD ont fini par ne plus être perçus comme une menace par les dirigeants et les partisans du Ptr – mais plutôt comme un allié indispensable pour contrer le MMM à l’instar de ce qui s’est passé en 1976, 1983 et 1987.
Quant à Paul Bérenger, il traine toujours les séquelles de la cassure de 1983 et de la campagne malhonnête contre les ‘Rs 57 millions à l’industrie sucrière’ qui s’ensuivit. En outre, PRB s’est présenté comme PM à plusieurs élections générales alors que les ambitions du PMSD ont toujours été bien moindres. Cependant, dans la nouvelle alliance, le MMM a accepté précisément le rôle de « junior partner ». En outre, les leaders veulent sans doute figurer dans l’Histoire avec un certain nombre de réalisations. Ce sont là des facteurs de stabilité.
Quant à l’abandon du PMSD par le Ptr, il faut souligner qu’il y a deux versions qui s’affrontent pour expliquer la cassure de l’alliance. D’un côté, Xavier Luc Duval affirme qu’il a toujours agi de bonne foi vis-à-vis de ses anciens partenaires mais que c’est le refus de Bérenger de faire des concessions ainsi que ses agissements qui ont entraîné le retrait du PMSD de l’alliance.
Mais d’autres n’hésitent pas à affirmer que le PMD était déjà en négociation pour obtenir un meilleur accord, un better deal, avec le MSM et faisait tout pour traîner les négociations en longueur afin de faire capoter la mobilisation du 1er mai. Dans ce cas de figure, NCR aurait – avec raison – déjoué le piège tendu par le PMSD.
* Par ailleurs, dans une élection où la compétition s’annonce serrée, le choix des candidats en fonction de leurs expériences et compétences, leur image publique, leurs qualités personnelles, et le programme électoral joueront-ils un rôle crucial dans la décision des électeurs?
Si l’on se fie aux sondages effectués jusqu’ici, la grosse majorité des électeurs sont non seulement indécis mais extrêmement déçus de la classe politique actuelle et aspirent à du nouveau.
Il faut ajouter à cela que nos dirigeants politiques sont des sexagénaires dans un pays où les jeunes sont hyper connectés et peuvent constater ce qui se passe dans d’autres démocraties. De jeunes dirigeants politiques sont nommés à la tête du gouvernement. La question de la représentativité féminine au niveau de la politique est aussi devenue un enjeu important dans notre société où la performance des filles à tous les niveaux de l’éducation est bien supérieure à celle des garçons.
On ne saurait alors se contenter uniquement de la représentativité ethnique comme auparavant dans le choix des candidats. Il est vrai que les alliances préélectorales restreignent grandement la capacité d’effectuer des changements dans la liste des candidats. Pourtant c’est un aspect central si l’on veut vraiment incarner la rupture et adapter son offre politique à ce que réclame l’électorat.
Quant au programme électoral, l’alliance PTr-MMM-ND a déjà annoncé des mesures phares de leur programme électoral. On y voit à la fois des changements à la constitution, des mesures d’assainissement des institutions mais surtout un élargissement important de l‘état-providence, avec le transport, l’internet gratuit, l’allocation aux veuves maintenue au-delà de l’âge de 60 ans, sans compter l’abolition de l’impôt sur la pension de vieillesse et les revenus de moins d’un million de roupies.
Mais force est de constater que le PMSD a aussi énuméré certaines de ses propositions à sa conférence de presse, tenue samedi dernier, et que le gouvernement viendra sans doute avec des propositions allant dans la même direction, voire même introduira certaines de ces propositions dans le prochain budget qui sera évidemment électoraliste.
* En plus du choix des candidats et du programme électoral, qui sont des éléments essentiels influençant la décision des électeurs lors d’une élection serrée, existe-t-il d’autres facteurs pouvant jouer un rôle déterminant dans la victoire d’une alliance plutôt que d’une autre lors de des prochaines élections aussi importantes que celles de 1967?
Comme nous l’avons souligné ici même à diverses occasions, l’opposition a beaucoup souffert de ce credibility gap entre la population et ses dirigeants. Ainsi, la solution serait d’introduire de nouveaux éléments plus crédibles au sein même de l’équipe dirigeante de la nouvelle alliance qui seront plus à même de vendre son programme de changement à la population.
Au niveau du leadership, il faut souligner un élément important.
Bérenger, dans son discours, a évoqué des changements politiques importants qui devraient intervenir d’ici les prochaines semaines tout en soulignant que Navin Ramgoolam serait présenté comme PM et que, d’ici les prochaines élections générales, ce sera un travailliste qui sera au pouvoir. Est-ce que cela signifie l’émergence finalement d’un nouveau élément, homme ou femme, si longtemps attendu qui sera porteur de cette transition, de cette rupture tant souhaité par le gros de l’électorat?
Attendons voir s’il y aura vraiment un « move » politique qui pourrait potentiellement, si toutes les conditions sont réunies, se transformer en un game changer.
Cependant, il y a un autre aspect à ne pas négliger : avec autant d’indécis et de désillusions par rapport à la classe politique traditionnelle et les grandes similitudes au niveau des programmes sans compter l’émergence et le travail de terrain de l’opposition extra parlementaire, le poids du vote coupé ou des opérations de pas met tou dizef dan enn sel panier risque d’être cette fois-ci plus important qu’auparavant avec des effets imprévisibles sur l’issue du vote dans certaines circonscriptions.
* Pour assurer la pérennité de l’alliance PTr-MMM au pouvoir, en plus des éléments nécessaires tels que des objectifs communs, la confiance mutuelle, la flexibilité et un équilibre dans le partage du pouvoir, y a-t-il d’autres éléments à prendre en compte eu égard à la culture politique de chaque parti et les personnalités de leurs dirigeants ?
A chaque changement de régime, le danger vient souvent de l’appétit démesuré d’individus qui -malheureusement – arrivent à s’infiltrer dans l’entourage des dirigeants ou de ces carapates qui ont tendance à changer de camp quand ils sentent le vent tourner. C’est là où la qualité de leadership des dirigeants est primordiale.
* Le prochain gouvernement sera confronté à un vaste chantier. Outre le rétablissement de l’ordre et de la paix, l’assurance d’une bonne gouvernance, la maîtrise des finances publiques, la réduction de la dette publique et la lutte contre la corruption et le trafic de drogue sont probablement des priorités évidentes. Quelles autres priorités considérez-vous comme essentielles?
La priorité des priorités devrait être comment augmenter notre résilience face aux divers défis qui se profilent à l’horizon. Malheureusement dans nos analyses nous souffrons trop de nombrilisme, sans doute dû à notre insularité. Or, il y a des développements en cours au niveau mondial qui risquent d’avoir un impact considérable sur nous.
D’abord, les experts soulignent l’accélération des effets du changement climatique. Par exemple, mars 2024 a été le mois le plus chaud jamais enregistré dans le monde, s’inscrivant dans une série de dix records mensuels où la température a atteint des pics historiques.
Tous les experts s’accordent à dire que si la température ne baisse pas d’ici la fin de l’année, nous entrerons en territoire inconnu, signalant une nouvelle ère de changement climatique, déjouant ainsi tous les modèles de prévisions utilisés jusqu’ici. A cela, il faut ajouter les inondations sans précédent à Dubaï, au Guangdong en Chine, au Kenya, et même à Maurice où la région d’Albion a reçu plus de 300 mm de pluie en quelques heures seulement.
Avec le bétonnage tous azimuts, la négligence, le laxisme des autorités, etc., les zones sinistrées telles que Port Louis risquent de s’accroître. Au-delà de la construction des drains, il y a toute une politique de relogement et d’aménagement du territoire à mettre en place, même si cela va à l’encontre des intérêts de puissants lobbies. Il faut ajouter à cela, le rehaussement du niveau de la mer qui risque de s’accélérer si nous entrons dans une nouvelle ère de changement climatique, ce qui aura un impact considérable sur notre modèle de tourisme.
Mais il y a pire : le réchauffement en coursa un coût économique et un rapport d’experts – publié le mois dernier dans le journal Nature et repris par The Guardian et autres titres de presse sérieux -, révèle que l’accélération du changement climatique entraînera une récession de l’économie mondiale de 19% au cours de ces 26 prochaines années. Non seulement l’économie de tous les pays du sud va être bouleversée mais même des pays de la zone euro telle la France pourrait connaître une contraction de 10% à 20%. Or l’île Maurice, totalement intégrée dans l’économie mondiale, est extrêmement vulnérable à ce qui se passe ailleurs.
De même, tous les observateurs de la scène internationale concèdent que nous sommes rentrés de plein pied dans un ère de relations internationales où les risques de guerre entre les grandes puissances sont réels et où la mobilisation et le réarmement sont à l’agenda. Or qu’en est-il des projets d’autosuffisance alimentaire qu’on a brièvement agité pendant la pandémie de la Covid 19 ?
Comme le souligne à juste titre le parti Lalit, l’autosuffisance alimentaire devrait être la priorité des propriétés et non les projets IRS qui non seulement entraînent une nouvelle colonisation du pays à travers un processus de gentrification mondiale, mais diminue la superficie de terres cultivables sur une île, par définition un territoire exigu.
* Par ailleurs, vous partagez probablement l’opinion selon laquelle il existe une hypocrisie manifeste concernant le projet de légiférer sur le financement des partis politiques. Pensez-vous que les partis politiques et les financiers du secteur privé ont vraiment intérêt à rendre transparent ce financement politique et à le placer sous le contrôle des autorités publiques?
En ce qu’il s’agit du financement des partis politiques, ce qui se passe actuellement est tout simplement scandaleux. Tout le monde sait pertinemment bien que la politique est devenue au fil des années “a million-dollar business” et que d’énormes sommes d’argent circulent dans les partis politiques en toute opacité quant à la provenance et l’utilisation de ces fonds. Et paradoxalement, c’est cette même classe politique qui va parler sur les estrades de “good governance”, de lutte contre le blanchiment d’argent!
Il est grand temps d’assainir la situation. Pourtant les tentatives d’y mettre un terme n’ont jamais abouti. Il est vrai qu’il n’y a pas de solution idéale, mais il faut bien commencer quelque part. Bien sûr, il est légitime de se poser la question si la volonté d’y mettre fin à ce système mafieux existe réellement, eu égard aux spéculations et aux rumeurs quant à l’enrichissement inexpliqué de certains dans la classe politique.
De l’autre, comme le souligne Tijo Salverda dans sa thèse sur les élites à Maurice, comment expliquer l’influence considérable d’une certaine élite qui exerçait une hégémonie à la fois politique, économique et sociale à l’époque coloniale-dans l’île Maurice post indépendance? Le financement des partis politiques serait-il le mécanisme qui lie le pouvoir économique au pouvoir politique ? Es-ce que le contrôle, voire le financement, des partis par l’état serait à même de briser ce lien de dépendance?
* Il n’y a donc pas lieu de commenter la récente démarche du gouvernement visant à introduire le “Political Financing Bill” et d’évaluer la justesse de ses propositions si ce n’est de s’interroger sur les calculs du gouvernement. Qu’en pensez-vous?
Bien sûr, la démarche du gouvernement visant à introduire le “Political Financing Bill” peut paraître suspecte ne serait-ce que pour une simple raison de temps : on ne peut pas faire des consultations publiques sur un sujet aussi complexe dans un délai aussi court. Certains y voient une manœuvre pour mettre l’affaire des ‘coffre forts’ à l’avant-plan et piéger ainsi l’opposition. L’alliance PTr-MMM-ND, ayant décidé de voter contre, le projet est mort-né. Mais la position de Nando Bodha est très intéressante. Il votera le projet de loi même s’il a des réserves. ‘C’est mieux que rien…’ dit-il.
Mauritius Times ePaper Friday 3 May 2024
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