Une occasion de réforme parlementaire ratée

Nomination du nouveau Speaker

On aura beau parler de changement, certaines institutions semblent être intactes et immuables…

By Prakash Neerohoo

La nomination du Speaker de la nouvelle Assemblée législative issue des élections du 10 novembre fait l’objet d’un certain débat sur les réseaux sociaux, dont la presse écrite s’est fait l’écho. Il parait qu’il n’y ait pas de consensus dans l’opinion publique sur le choix de Mme Shirin

Aumeeruddy-Cziffra comme la titulaire de ce poste constitutionnel pour la prochaine mandature. Cependant, à moins d’un revirement à la dernière heure, il est clair que l’on s’achemine vers sa nomination avec l’accord officiel des quatre partis du gouvernement (Ptr-MMM-ND-ReA).

La nomination de Mme Cziffra est une proposition du MMM que le Parti travailliste et d’autres alliés ont acceptée. Elle est présentée comme une démarche « féministe » visant à mettre une femme sur le perchoir au moment où la parité de genre est absente au Parlement (seulement dix femmes sur 60 députés). Mais au-delà du symbolisme frappant de la démarche, il y a une question de fond à considérer, notamment le mode de nomination du Speaker dans le contexte d’une meilleure gouvernance des affaires de l’Etat.

“La plupart de nos Speakers depuis l’indépendance ont été des hommes de loi ou des élus (Sir Harilal Vaghjee, Sir Ramesh Jeewoolall, Alan Ganoo, Ajay Daby, Razack Peeroo, Premnath Ramnah, Kailash Purryag) et certains d’entre eux avaient les deux qualités, ce qui rehaussait leur statut. Ils s’étaient tous acquittés de leur tâche honorablement.  Toutefois, dans les années 1990, le gouvernement MSM a rompu avec cette tradition pour nommer une personne non élue à ce poste et, dans certains cas, le (la) titulaire n’avait aucune formation légale. Ce changement s’est accompagné d’une dégradation du niveau des débats au Parlement…”


D’abord, il faut dire que ceux qui contestent cette nomination ne placent pas le débat sur un plan personnel. Ils reconnaissent à la personne en question certaines compétences. Elle a été députée, ministre de la Justice, ambassadrice en France, « Ombudsman for Children » et président d’un tribunal (Public Bodies Appeal Tribunal) sous différents gouvernements d’obédience MMM ou MSM entre 1982 et 2021. Elle a donc l’expérience parlementaire et les compétences légales nécessaires pour assumer les fonctions de présidente du Parlement. En revanche, certains trouveraient à redire au parcours politique tumultueux de la personne qui a été marqué par des allégeances partisanes en mutation au fil des années. Est-ce un retour de la vieille garde ? se demandent-ils.

Speaker élu ou non-élu ?

La question fondamentale est de savoir si l’on veut d’un Speaker élu (député) qui soit indépendant et comptable de ses actes au public ou d’un Speaker non-élu (non-député) nommé par le Premier ministre qui ne soit redevable qu’au gouvernement du jour. La majorité absolue de l’alliance au pouvoir après le scrutin du 10 novembre offrait l’occasion de réformer le mode de nomination du Speaker en vue d’assurer l’impartialité et l’indépendance du (de la) titulaire du poste. L’article 32 de la Constitution de Maurice prévoit que le Speaker soit choisi parmi les députés élus ou autrement, et ce, sur une motion soutenue par la majorité des membres du Parlement. (Voir la référence ci-dessous).
Comme d’autres pays du Commonwealth à démocratie parlementaire, Maurice avait une tradition de choisir le Speaker parmi les députés élus, ce qui imposait sur le (la) titulaire du poste l’obligation de rendre compte de ses actes à l’électorat s’il (elle) devait briguer de nouveau le suffrage populaire. Pour garder une bonne image, il (elle) devait se montrer impartial(e) et indépendant(e) dans la conduite des travaux parlementaires.

La plupart de nos Speakers depuis l’indépendance ont été des hommes de loi ou des élus (Sir Harilal Vaghjee, Sir Ramesh Jeewoolall, Alan Ganoo, Ajay Daby, Razack Peeroo, Premnath Ramnah, Kailash Purryag) et certains d’entre eux avaient les deux qualités, ce qui rehaussait leur statut. Ils s’étaient tous acquittés de leur tâche honorablement.  Toutefois, dans les années 1990, le gouvernement MSM a rompu avec cette tradition pour nommer une personne non élue à ce poste et, dans certains cas, le (la) titulaire n’avait aucune formation légale (exemples : Maya Hanoomanjee et Iswardeo Seetaram).Ce changement s’est accompagné d’une dégradation du niveau des débats au Parlement.

Foire d’empoigne

Les frasques de l’ancien Speaker Phokeer, un individu non élu, ont laissé de mauvais souvenirs chez la majorité des Mauriciens. Au lieu d’être un haut lieu du débat national, le Parlement était devenu une foire d’empoigne où la partisannerie, les railleries et autres remarques désobligeantes prenaient le dessus sur les règles de conduite honorables. L’expulsion de certains députés de l’opposition de la séance parlementaire du jour et leur suspension pour plusieurs séances procédaient d’un acte arbitraire qui a été même contesté par voie de motion devant la Cour suprême.

Cependant, le judiciaire ne s’est pas prononcé sur ces plaintes déposées par plusieurs députés, lesquelles ont été rendues caduques par l’élection d’un nouveau Parlement. On ne saura donc jamais si le Speaker est sujet à un contrôle quelconque de la part d’une autorité supérieure ou s’il est entièrement souverain dans l’exercice de ses fonctions avec tous les abus imaginables.Read More… Become a Subscriber


Mauritius Times ePaper Friday 29 November 2024

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