Délocalisation, décentralisation et déconcentration de Port-Louis
|Propositions de Think MAURITIUS
Les inondations du 30 mars dernier, à Port-Louis, ont créé un traumatisme au sein de la population. Ceux qui vivent ou qui travaillent à Port-Louis ont vraiment peur pour leur sécurité. Parallèlement, les événements du 30 mars ont déclenché une réflexion sur la fragilité de Port-Louis et la nécessité de ne pas mettre davantage de pression sur son écosystème. THINK MAURITIUS se propose de structurer ce mouvement.
Souvent la nature a ses propres lois que nous choisissons d’ignorer à nos dépens.
Malheureusement, c’est ce que nous sommes en train de faire à Port-Louis. Le gouvernement va de l’avant avec des projets pour y faciliter l’accès et compte injecter plus de Rs100 milliards au cours des dix prochaines années pour améliorer les infrastructures liées directement ou indirectement à Port-Louis. Ainsi, il y aura la création de nouveaux bâtiments et des infrastructures routières avec une augmentation des risques d’étranglement de la capitale et des catastrophes naturelles ou humaines. Il y aura davantage de pression sur l’écosystème de Port-Louis.
Existence d’une alternative
A THINK MAURITIUS, nous pensons que ces projets ne sont pas viables dans le long terme. Il faudrait revoir notre modèle de développement pour éviter la répétition des événements du 30 mars. Au lieu de tout centraliser à Port-Louis, il faudrait délocaliser et décentraliser certaines activités. Cela aurait pour effet de réduire la congestion sur les routes principales du pays, et de plus, la pollution, la perte en carburant, les heures perdues dans les embouteillages, le stress des automobilistes et autres voyageurs, et aussi les risques de désastres naturels. La Capitale pourrait alors respirer et développer d’autres activités sur le plan artistique, culturel et touristique.
Une telle démarche demande une approche globale nécessitant la participation de tous – gouvernement, autorités locales, associations citoyennes, organisations non-gouvernementales, techniciens, administrateurs et autres individus ayant les compétences nécessaires -pour cerner tous les aspects du problème et dégager une vision collective. Evidemment, cette réflexion devrait se tenir à l’abri des lobbies.
Facteurs limitant l’expansion de Port-Louis
1. Géographie
Exigüité : Avec une superficie de 6.4 km2 (centre administratif et commercial) la Capitale est condamnée à une asphyxie certaine si le rythme de développent actuel est maintenu.
Topographie : Port Louis ressemble à une cuvette bordée à l’ouest par une chaîne de montagnes et à l’est par l’océan. L’accès à la Capitale a lieu principalement par l’autoroute du nord et l’autoroute du sud, ce qui cause d’énormes problèmes de circulation aux heures de pointe et pose aussi le problème d’évacuation des lieux en cas de catastrophe.
Hydrologie : La déforestation des flancs des montagnes entourant Port-Louis, la terre argileuse résistant à l’infiltration de l’eau et le développement immobilier à Port-Louis ont réduit la capacité d’absorption d’eau de pluie. Conscients des dangers d’inondation depuis plus de deux siècles, les Français, eux, avaient construit un système de drains pour toujours évacuer le surplus d’eau à travers de larges canaux vers la mer. Nos gouvernants, eux, ont vite fait de les rendre inefficaces. Par conséquent, l’entretien défaillant et l’élimination arbitraire de certains drains sont aussi responsables de l’augmentation considérable du volume d’eau en surface. L’eau de pluie ne peut prendre qu’une direction unique : la mer. Ceci explique l’ampleur des inondations du 30 mars dernier.
Changement climatique : Port-Louis est encerclé par une chaîne de montagnes qui réduit le flux d’air du sud-est. Avec l’élimination des espaces verts, la température est souvent supérieure à la moyenne. Avec une hausse du niveau de la mer, la Capitale pourrait être submergée en cas de cyclone ou de marées exceptionnellement hautes. Le scénario pourrait être encore pire en cas d’un tsunami dans la région.
2. Activités humaines et économiques
Surpeuplement : Port-Louis est surpeuplé avec 150,000 habitants sur une superficie restreinte. Répondre aux besoins des Port-Louisiens en termes d’habitation, de santé, d’éducation, de loisirs, etc., est une problématique difficile à résoudre. Les normes pour l’aménagement du territoire ne sont pas respectées et résultent en un développement désordonné. Malgré les efforts du système de voiries, les déchets s’accumulent et incommodent les citoyens et les visiteurs. Les risques d’une épidémie de malaria, de chikungunia et de dengue sont grands.
Constructions sans planification : Avec le boom économique des années 1980 à 2000, les activités économiques ont augmenté considérablement et de nouvelles infrastructures ont été construites. Les activités administratives ont aussi grandement augmenté. Il existe à Port-Louis une surconcentration de bâtiments pour des besoins commerciaux et administratifs.
Concentration d’emplois : Le nombre d’emplois à Port-Louis est estimé à 100,000 ou environ 25% du total national. Environ 66,000 personnes se rendent à Port-Louis chaque jour, essentiellement pour des besoins commerciaux et professionnels. La plupart d’entre elles proviennent des Plaines Wilhems, de Moka et du nord, ce qui occasionne des embouteillages monstres aux heures de pointe aux entrées nord et sud de la ville. Avec le nombre grandissant de marchands ambulants, la situation dans les rues de la ville est devenue chaotique.
Concentration du trafic routier : La situation sur nos routes est devenue insupportable. Il faut se mettre au volant d’un véhicule le matin vers les huit heures ou l’après-midi à partir de quinze heures sur n’importe quelle route menant vers la capitale pour avoir une idée de ce que souffrent les milliers d’usagers de la route. La vitesse moyenne des véhicules est de 10 à 12 km/h ! Plus de 26,000 véhicules vont à Port-Louis chaque jour mais le nombre de parking est limité autour de 8000. C’est un vrai casse-tête de trouver un endroit pour se garer. De plus, la congestion augmente les embouteillages dans les autres villes. La circulation piétonnière est devenue incontrôlable dans certaines parties de la Capitale.
Solutions du Gouvernement
Métro léger : L’efficacité de ce projet au coût de Rs 25 milliards laisse planer des doutes. La vitesse moyenne entre Port-Louis et Curepipe serait de 20 km/h avec un temps de trajet de 75 minutes en position debout ! Le coût du billet simple se situerait autour de Rs 80. Qui délaisserait sa voiture dans de telles conditions ?
Harbour Bridge : Ce projet au coût de Rs15 milliards vise à permettre aux véhicules sortant des Plaines Wilhems et se dirigeant vers le nord d’éviter le centre de Port-Louis. Avec la construction de plusieurs routes liant les Plaines Wilhems aux régions du nord et de l’est, sans passer par Port-Louis, ce pont devient inutile.
Toll Road : Le Gouvernement financera ce projet à hauteur de Rs24 milliards et les Rs6 milliards restantes proviendront d’un promoteur qui aura ensuite le droit de collecter le péage pendant 30 ans !
Ring Road : Cette route, coûtant Rs3.5 milliards, vise à donner l’accès aux différentes régions de la ville à partir d’une route se situant à la périphérie. Elle pourrait être très utile si elle a été bien pensée mais elle pourrait aussi rendre inutile le Harbour Bridge.
Les conséquences de l’implémentation de ces projets sont nombreuses. Outre l’accentuation des problèmes déjà signalés ci-dessus, il y aurait plus de pollution sonore, une augmentation de la production de déchets solides et liquides résultant en une pollution accrue des cours d’eau et de la mer ; des risques d’incendie et d’explosions dus au stockage des produits chimiques et du carburant. Les risques d’inondations se multiplieraient.
Propositions de THINK MAURITIUS
Il faudrait libérer Port-louis et laisser respirer cette ville. Les technologies de communication modernes permettent de trouver des solutions, à court terme et à long terme, et sont efficaces et pas chères.
Délocalisations : Les ministères de l’Education, de l’Agro-industrie, des Infrastructures Publiques sont déjà en partie ou complètement délocalisés. Il est possible de délocaliser d’autres activités administratives de Port-Louis comme la Santé, l’Administration régionale, etc., ainsi que certains services tels que la NTA, le bureau des passeports et des cartes d’identités, entre autres.
Décentralisation avec utilisation des TICs : Certaines activités administratives, décentralisées vers les régions, devraient utiliser autant que possible les technologies modernes de communication. Ainsi les e-services permettraient au public de faire des transactions sans se déplacer. Certains services, comme la Mauritius Revenue Authority (MRA), ont déjà implémenté ce système avec succès.
Redonner à Port-Louis son cachet de ville artistique et culturelle : Le théâtre de Port-Louis, le plus vieux de l’hémisphère sud, est à l’abandon de même que des sites et bâtiments historiques. Il faudrait réhabiliter ces bâtiments et organiser des activités artistiques et culturelles pour attirer des touristes et faire revivre la Capitale, surtout le soir.
Penser le futur en termes de développement durable : Il s’agirait de réfléchir sur la création d’une ville futuriste avec des caractéristiques bien définies comme la préservation de l’environnement, l’utilisation des énergies renouvelables, un système efficace et pas cher de transport en commun pour décourager l’utilisation de voitures individuelles, l’utilisation des techniques de construction pour limiter le besoin de climatisation, etc.
Développement des loisirs sains: Chaque voyageur, habitant à quelques kilomètres de Port Louis, perd jusqu’à 3 heures par jour sur la route pour atteindre sa destination ou son bureau. Le gain de ces heures précieuses permettrait aux parents de passer plus de temps en famille, de faire du sport et de se divertir sainement a travers des activités proposées par la ville pour combattre le stress et d’autres maladies tels que le diabète et les maladies cardiovasculaires.
* Published in print edition on 31 May 2013
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