Quelle conception de la méritocratie ?
|Nominations dans les institutions
By Prakash Neerohoo
Depuis le 11 décembre 2024, à la suite du changement de gouvernement, les nouvelles nominations dans le secteur public (présidents de conseils d’administration, directeurs d’organismes publics, hauts fonctionnaires ou conseillers) se succèdent à un rythme soutenu. Les mandarins de l’ancien gouvernement sont remplacés par de nouveaux hommes selon certains critères telles que l’expérience, la compétence ou la proximité. Si certaines nominations sont bien accueillies, d’autres font froncer les sourcils. On dit que le gouvernement est obligé de placer des hommes de confiance à la tête des institutions stratégiques (Banque centrale, Mauritius Telecom, Air Mauritius, etc.) afin de parer au plus pressé durant une période de transition Toutefois, des questions se posent sur le mode de nomination et les critères.
Primo, on se demande pourquoi il n’y a pas d’appels de candidatures pour certains postes dont les titulaires doivent réunir les meilleures compétences dans la mesure où il s’agit d’entreprises stratégiques (par exemple, Mauritius Telecom et Air Mauritius) dont les opérations sont commerciales.
Certes, il y a des cadres qui ont prouvé leur compétence dans le passé et sont intéressés à revenir aux affaires, mais un concours parmi les candidats potentiels élargirait le champ de sélection et permettrait de mieux dénicher l’oiseau rare.
Comité parlementaire
Secundo, est-ce que le gouvernement tiendra sa promesse d’instituer un comité parlementaire (ou un comité des sages) pour passer à la loupe les nominations proposées à certains postes clés en vue de connaître la vision et les idées des titulaires potentiels ? Il est possible que la réalisation de cette promesse requiert une loi d’habilitation, ce qui prendra du temps. Espérons que cette proposition deviendra une réalité dans le futur.
Dans certaines démocraties parlementaires (Etats-Unis, Royaume Uni, Canada), les nominations dites stratégiques (par exemple, le gouverneur de la Banque centrale) sont sujettes à l’approbation du Parlement. On s’attend à ce que le titulaire potentiel du poste assure le Parlement de sa capacité d’assumer ses fonctions avec compétence et intégrité. En juillet 2013, lorsque Marc Carney, gouverneur de la Banque du Canada, durant la période févier 2008- juin 2013, fut appelé à prendre les rênes de la Banque d’Angleterre pour la période juillet 2013- mars 2020, il fut soumis à un feu roulant de questions par des députés sur sa vision de la politique monétaire devant un comité de la Chambre des Communes à Londres.
Tertio, quelle est la conception de la méritocratie à introduire dans le secteur public et les entreprises publiques ? Est-ce qu’elle englobe la formation académique, les compétences techniques, l’expérience professionnelle et l’ancienneté ?
S’il est vrai que les présidents des conseils d’administration et les conseillers des ministres sont des nominés politiques, bien qu’ils puissent avoir certaines compétences dans des domaines spécifiques, il n’en demeure pas moins que les directeurs des départements de l’Etat et des organismes publics devraient avoir les compétences techniques requises.
On ne nomme pas un individu comme directeur général de Mauritius Telecom s’il ne connait rien des technologies de communication. On ne nomme pas non plus un individu comme directeur général d’Air Mauritius s’il ne comprend rien à l’aviation civile ou l’aéronautique. En passant, le nouveau conseil d’administration de la compagnie aérienne semble pléthorique avec 14 directeurs. La compagnie semble avoir plus de directeurs que d’avions en service !
Il faut souligner que beaucoup de nominations dans le secteur public dans le passé furent teintées de favoritisme ou de népotisme, ce qui mettait en cause l’intégrité des institutions comme la Public Service Commission (PSC). Un cas de maldonne flagrant a été celui du Dr Vishal Jaunky, un économiste académicien qui fut privé d’un poste de chargé de cours au Mauritius Institute of Education (MIE) en faveur d’un candidat moins qualifié, sous le gouvernement MSM. Même lorsque la Cour suprême lui donna gain de cause dans sa plainte contre le MIE, cette institution ne fit rien pour le rétablir dans ses droits. C’est dire que tout le système de recrutement est à revoir pour prévenir des passe-droits.
Le cas de la Banque centrale
L’exemple de la Banque centrale nous parait particulièrement intéressant et pertinent dans le contexte du débat sur les nominations. Dès le lendemain des élections, le premier ministre a annoncé la nomination du nouveau gouverneur de la Banque centrale (Rama Sithanen). Par la suite, deux gouverneurs adjoints ont été nommés par le Président de la République sur recommandation du Premier ministre.
Ce sont des choix unilatéraux dont le Premier ministre détient la prérogative sans doute sous l’actuel système. Selon les conventions qui existent dans d’autres pays (Etats-Unis, Grande Bretagne, Canada), le gouverneur et ses adjoints sont appelés à définir leur vision économique avant leur nomination, surtout leurs idées sur la politique monétaire, l’inflation et la politique des changes.
La Banque centrale a annoncé la semaine dernière la nomination des directeurs indépendants (en sus du gouverneur et ses deux adjoints) qui vont siéger sur son conseil d’administration, le comité de politique monétaire de la Banque, et le conseil d’administration de la Mauritius Investment Corporation (MIC), une filiale de la Banque.
Selon la Banque, les nouvelles nominations, qui comprennent un certain nombre de femmes, tiennent compte des mérites, de la diversité et de l’inclusion. Il faudrait déconstruire le concept de méritocratie et le concept de « Diversité, Inclusion et Equité » (DIE) dans le contexte mauricien. La méritocratie est-elle fondée sur une gamme de diplômes dans un domaine spécifique ou est-elle un concept plus vaste qui englobe les diplômes, l’expérience professionnelle et les compétences requises pour le poste ?
Le concept DIE, qui a fait ses débuts dans la gestion des ressources humaines dans les pays sociaux-démocrates avancés sous la poussée des forces progressistes, est une innovation à Maurice comme une politique volontariste.Read More… Become a Subscriber
Mauritius Times ePaper Friday 17 January 2025
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