« Les choses vont vite se détériorer si Jugnauth ne met pas de l’ordre dans ses idées et dans ses actes »
|Interview : Jack Bizlall —
* ‘Quoi qu’on en dise, Mohamed et Boolell n’ont pas d’énergie et de courage pour affronter Ramgoolam’
* ‘Des scandales vont étouffer ce régime et le jour où certains quitteront le MSM, ce sera la fin de ce régime’
Jack Bizlall, syndicaliste et acteur du renouveau, voit tout en noir autour de lui. Politique pourrie. Dégradation de la classe pauvre toujours exclue. Des partis en passe de devenir des partis totalitaires! Pour comble, la population du pays choisit le mode veilleuse. Il faudrait un changement radical pour augurer de bon. Mais qui a le courage de renverser les leaders actuels, de balayer d’un revers de main la classe politique du jour? Changement – est une utopie finalement?
Mauritius Times : 1er mai 2017 : le rendez-vous syndical mais aussi un rendez-vous politique à la fois pour l’opposition et le pouvoir politique à l’approche du mi-mandat. Quels sont les enjeux pour les uns et les autres ?
Jack Bizlall : Nous sommes arrivés à un moment important de notre histoire où il faut absolument parler du pouvoir comme sujet politique. Ce sera d’ailleurs l’objet de mon intervention au meeting à la place des taxis Beau-Bassin, le 1er mai. Je vais disséquer le terme pouvoir sous tous ses angles pour placer le débat dans le cadre des enjeux des forces politiques qui s’opposent ou qui s’affrontent.
Je crois que le régime en place perd de crédibilité et de soutien et qu’il finira par éclater bien avant 2019, sauf s’il arrive à imposer ses pratiques népotiques et monopolisantes sur l’ensemble des députés du MSM et du Parti Liberater.
A mi-mandat la question est de comprendre la nature du pouvoir. Vous serez étonné d’apprendre que les agents d’Anerood Jugnauth ont perdu le pouvoir au sein du MSM avec la mise en rancart d’Anerood Jugnauth lui-même. Nous avons un changement majeur puisque la dynastie Jugnauth a changé de chef.
L’autre enjeu est de sortir de cet étau sans sombrer dans le ridicule en permettant un retour de Ramgoolam. La balle est dans le camp des forces progressistes. Celles-ci doivent repenser leur stratégie de construction et d’action.
* En quoi le pouvoir pose-t-il problème en soi et comment le décrirez-vous dans la pratique générale et dans sa pratique particulière à Maurice?
Le pouvoir est un paradoxe dans le triple sens du terme.
D’abord une définition positive du pouvoir serait contraire à l’opinion commune, bref celui qui le conçoit comme moyen d’enrichissement, d’accaparement et d’autoritarisme. On vote des gens pour avoir accès au pouvoir afin d’en bénéficier. Cette action est, sur le plan moral, très pervers. Ce qui fait qu’il est difficile de changer le comportement des gens par rapport au pouvoir qui est conçu comme un mal nécessaire. Certains osent même affirmer que le pouvoir a des racines génétiques.
Ensuite il est de nature antinomique puisqu’on lui donne des définitions qui constituent une dualité. Le pouvoir est à la fois liberté et aliénation pour l’individu; libération et oppression, politiquement parlant pour un peuple; moyen de servir ou de se servir pour des dirigeants de syndicats, des ONG, et des partis politiques, etc. Je crois qu’il faut porter beaucoup d’attention au pouvoir en termes de cette définition puisqu’il est dialectique tant sur le plan matérialiste qu’idéaliste.
Sur le plan idéaliste, on oppose le bien et le mal du pouvoir. Sur le plan matérialiste, on analyse le pouvoir comme moyen de changer les choses dans la contradiction principale entre les classes sociales et les contradictions secondaires entre les couches qui s’opposent au sein même de la classe dominante. Une opposition politique entre libération et oppression demeure le centre de l’action politique depuis les révolutions américaines et françaises. La Rosa Luxemburg Institute décrit ce mouvement de libération révolutionnaire par le biais de 18 tableaux qui seront exposés le 1er mai 2017 à la place des taxis à Beau Bassin.
Enfin, elle peut être une émanation de la psycho- pathologie pour certains grands malades mentaux qui en font une fixation pour calmer certaines pulsions de mégalomanie, de narcissisme… Le pouvoir entre les mains de Hitler a été catastrophique. Je demande aux dirigeants du pays et aux managers de se documenter sur le syndrome d’hubris ou la maladie du pouvoir.
Les pratiques suivantes ont comme indications : manipulations, manœuvres pouvoiristes, arrogance, égotisme… avec son lot de prétentions, de mensonge et de mépris… bref de toute puissance, de messianisme, d’identification avec son organisation, son pays… Il suffit d’entendre le leader dire : « Nous dans telle organisation » des dizaines de fois quand ils parlent. Je connais plusieurs politiciens et des managers (Air Mauritius, Mauritius Duty Free Paradise…) qui souffrent du syndrome de d’hubris. Les pouvoiristes doivent donc se faire suivre par un psychologue.
C’est dans ce sens que je dis aux gens de faire attention quand il s’agit de soutenir quelqu’un ou une organisation. En ce moment le pouvoir est moyen d’enrichissement, d’accaparement et de népotisme, Ces trois caractéristiques sont celle du pouvoir dynastique en politique. Cela nous fait beaucoup de mal et va nous faire encore beaucoup de mal. Je vais dénoncer tous ces actes le 1er mai.
* Pour les dizaines de milliers des travailleurs – on parle d’au moins 325,000 – qui touchent moins de Rs 15,000 par mois après tant d’années d’indépendance-, le combat est toujours d’actualité, mais il semblerait que le néolibéralisme a progressivement pris le dessus. Faute partagée entre l’engagement politique et l’engagement syndical, diriez-vous ?
Je crois que l’on fait une faute grave de ne pas faire de différence entre le libéralisme philosophique et le libéralisme économique. Historiquement parlant et faute de trouver une conciliation entre l’individualité et la collectivité. Il faut tourner le dos résolument à l’individualisme qui déforme une société qui désocialise sa production. Il n’y a plus de place au capitalisme. Je n’ai aucun doute à ce sujet.
Il faut aussi reconnaître le refus des masses de se retrouver dans le modèle du collectivisme de l’URSS et de la Chine puisqu’il n’est pas accepté pour ses impositions étatiques liberticides. Il est hors de question de retourner au Stalinisme ou au Maoïsme. Il y a un double rejet qu’il faut intérioriser historiquement.
En assimilant tout à un terme, le néolibéralisme, on ne résout rien politiquement. On a créé ce néologisme dans les années 70 du siècle dernier pour décrire l’opposition à l’État interventionniste, pour favoriser la liberté totale et spontanée du marché. On en a fait une théorie. Aujourd’hui on en fait un étendard pour le combat politique soutenant l’étatisme. De quel pouvoir parlons-nous au fond ? Je ne cesse de dire aux gens qu’il faut s’attarder à la sémantique et faire attention aux néologismes.
De mon point de vue, le capitalisme doit être conçu d’abord comme un mode de production et ainsi il faut analyser correctement les rapports capital/travail. C’est l’aspect constant et incontournable de l’analyse politique du capitalisme.
Mais les organisations de gauche, ici comme ailleurs, ne prennent pas conscience que le capitalisme renvoie aussi à des formations économiques et sociales qui évoluent. Le capitalisme connaît des mutations et des transmutations. On doit se pencher sur ces transmutations et ces mutations. C’est ce que je fais dans une publication ‘L’économie au centre du social’ qui rejette le libéralisme économique, qui dissocie l’économie et le social et la social-démocratie, croit à tort qu’en développant l’économie capitaliste on peut politiquement faire avancer le social. Il suffira de légiférer.
Mon analyse me pousse à dire que sur le plan de la formation économique et sociale beaucoup de choses ont changé et mon constat me pousse à confirmer une fracture sociétale épouvantable, si on ne fait rien. Fracture sur les plans- économique, social, culturel et idéologique.
J’ai toujours unifié mon engagement politique et social tout en respectant le fait qu’un syndicat est un front de lutte. Mais je dois admettre que la faute doit être carrément partagée entre les syndicats apolitiques et les partis politiques de gauche sectaires dans leur organisation, réductionnistes dans leurs analyses politiques et surtout antidémocratiques et liberticides dans leurs pratiques.
* Est-ce une démarcation d’avec vos amis révolutionnaires ?
J’ai fui le milieu des pseudos révolutionnaires en 1980. Je suis un révolutionnaire et j’ai des amis qui sont comme moi. Nous avons une conception à cinq dimensions du pouvoir.
1) On ne laisse personne pénétrer la liberté de notre personne. C’est un pouvoir auquel nous tenons beaucoup ;
2) Nous militons au sein des collectifs qui défendent leurs droits et leurs libertés, que sont les syndicats et les associations libres ;
3) Nous avons une conception du pouvoir sur le plan de notre pays. Nous sommes membres du MPM et pour nous, pouvoir d’un peuple dit libertés et droits. Nous sommes engagés en politique et avons participé à plusieurs élections ;
4) Nous sommes attentifs à ce qui se passe dans le monde et il y a des millions de personnes dans le monde qui luttent pour la survie de l’humanité et pour que notre civilisation soit d’un humanisme sans guerre, sans famine, sans racisme, sans homophobie, sans la peine capitale…et enfin
5) nous nous intéressons à la société future tant sur le plan de ce que le numérique, la robotique, l’intra atomique, la génétique, la nanotechnologie… la biologie de synthèse… vont changer dans notre société d’ici 10 ans et enfin notre impérieuse nécessité de quitter notre planète pour ailleurs.
* Au regard du rapport des forces existant dans le contexte politico-économique à Maurice en 2017, voyez-vous le projet d’un salaire minimum
réalisable ?
Je viens de soumettre un rapport au Comite SMN dans lequel je dis ceci : « La convention du BIT de 1928 (Convention concernant la création du Minimum Wage Fixing Machinery) fut lié à l’abolition de l’esclavage dit moderne qui est « de considérer que quand un travailleur ne touche pas des salaires qui lui permettent de vivre » il y a une partie de sa force de travail que son patron accapare gratuitement.
Mais dans le monde moderne, la délocalisation de la production et les échanges commerciaux inégaux reproduisent cet accaparement par les Etats puissants par rapport aux travailleurs des pays pauvres. D’où la nécessite d’un Salaire Minimal Mondial. L’esclavagisme et le colonialisme perdurent d’une façon subtile.
Que dans le cadre de la mondialisation il est pratiqué un mouvement libre de marchandises et une immigration importante de personnes formées des pays pauvres vers des pays riches. Conséquence : Laissant sur les carreaux les travailleurs sans grande formation qui grossissent le chômage dans ces pays. S’il n’y a pas de libre mouvement de personnes dans le monde, nous aurons ce que nous avons déjà entre l’Europe et l’Afrique. C’est-à-dire un exode massif de réfugiés économiques et politiques, qualifiés de clandestins. Seul un salaire minimal mondial peut régler ce gros problème »
Je suis certain qu’un salaire minimal national sera introduit en 2018.
* Un salaire minimal national va sans doute constituer un argument politique très fort lors de l’échéance électorale pour l’alliance gouvernementale au vu de son bilan jusqu’ici. Elle en aura grandement besoin en termes de bilan et de réalisations, n’est-ce pas ?
Voyons, je ne suis ni un collaborateur ni un sauvage. Le sort des travailleurs à Maurice a fait des progrès considérables dans le cadre des élections générales. Par exemple le PTr a annoncé l’éducation gratuite en décembre 1976.
Je peux vous dire que si la loi est respectée le Salaire Minimal National va bouleverser positivement notre société. Si tout va bien en effet, il faudra déterminer le plus vite possible le salaire médian pour 2017. Ensuite fixer le pourcentage du salaire médian (entre 65% et 85%) qui va déterminer le Salaire Minimal National qui sera en vigueur en 2018. Ce sera une bataille autant syndicale que politique. Mais ensuite il faudra travailler sur une table de conversion pour rajuster tous les salaires des RO. Ce qui est en soi un effet de domino qui va pousser les salaires dans le pays vers le haut et ainsi le Salaire Minimal National en 2019, et éventuellement en 2020, 2021 et 2022 jusqu’à sa stabilisation.
* Parlons politique. La pression augmente et ne cesse de s’exercer sur l’alliance gouvernementale en raison des affaires qui se succèdent et aussi en raison de l’œuvre de démolition engagée par les Bhadain (autrefois l’idéologue du MSM, dit-on), Duval, les médias. Voyez-vous le gouvernement avec Pravind Jugnauth capable de tenir le coup ?
Le MSM au pouvoir veut à la fois favoriser les intérêts et le pouvoir de la dynastie et développer le pays en dépensant gros. Soit des milliards et des milliards. Que le pouvoir de la corruption est le moteur du développement semble acceptable au sein de la dynastie ! Nous avons donc un État interventionniste et planificateur de gros travaux. C’est l’Eldorado du business corrupteur et gaspilleur.
Sous Ramgoolam, l’État était plutôt un facilitateur d’accaparement des biens étatiques par des particuliers. La croissance reposait sur cet accaparement abject et certains ont amassé beaucoup avec les donations…
Bhadain a été jusqu’à son départ l’idéologue du MSM. Dans les faits il connaît bien la société singapourienne et a voulu copier l’idéologie des Lee Kuan Yew dont il est un grand admirateur. Effectivement des scandales vont étouffer ce régime et le jour où certains quitteront le MSM, ce sera la fin de ce régime. Tôt ou tard.
Je crois que les choses vont vite se détériorer si Jugnauth ne met pas de l’ordre dans ses idées et dans ses actes. Que va faire Duval ? Il va faire ce qu’il a toujours fait, agir en opportuniste. Il pratique la théorie de l’hyène qui est de se nourrir de ce que laissent les prédateurs. Je n’aime pas trop parler de lui et de son père.
* Et la relève ? Comment concevez-vous les choses du côté de Bhadain ? Faut-il repenser les choses ?
Il faut effectivement repenser les choses. C’est ce qui est plus important. Dans le cadre de cette réflexion, j’ai adressé une lettre à Bhadain le 27 février 2017. Lettre copiée à Radio plus. Je lui dis ceci dans cette lettre :
« Je te fais la demande d’une rencontre sur Radio Plus. Ce n’est PAS un défi. C’est tout simplement une rencontre pour ouvrir un débat. Un véritable débat. Ce ne fut pas le cas lors de notre dernière rencontre. Ce fut plus une altercation. Il faut maintenant un débat dans le calme et le respect de l’autre. Tu as pris une bonne décision de partir pour rejoindre l’opposition parlementaire. Je l’ai souhaité depuis ta nomination comme ministre. Lors de la rencontre que je te propose on pourrait: 1) Reprendre ce que je t’avais dit la dernière fois. On va surtout parler des Jugnauth ; 2) Parler des scandales et des nominations qui vont considérablement nuire au pays (FIU – ICAC – MK, etc.) ; 3) Aborder ce que toi et moi nous proposons comme solutions politiques, économiques et sociales. Nous allons sans doute être sur la même longueur d’onde sur certains points mais il faudra savoir pour quelles raisons. Quant à nos points de divergences programmatiques, on en reparlera quand le programme de ton parti sera publié ; 4) Enfin aborder la grande question de l’idéologie. Ma plus grande inquiétude te concernant, c’est ta façon de concevoir la politique. Je crains fort que tu sois un adepte de l’étatisme. Il faut donc aborder cette question. De toutes les façons, c’est mon intérêt principal te concernant. Je veux savoir ce que tu as en tête. »
J’ai appris par Nawaz de Radio Plus qu’il a accepté ce débat. Je dois dire ici que ma démarche n’a rien à voir avec une collaboration avec Bhadain. Tout nous sépare en termes de vision et de pratiques politiques.
* Et la relève ? Et quid du Mouvement Premier Mai ?
Nous continuons nos activités. Certains trouvent qu’il y a du Mélenchon dans notre action. De mon point de vue, la stratégie va être la même dans plusieurs pays où il existe des socialistes. Ils vont construire des mouvements politiques, et passer à la deuxième, troisième… République. Ils sont tous des insoumis. Ils ne sont pas sectaires et ils n’adhérent pas à la sociale démocratie…
Un insoumis c’est qui ? Je le suis. Je ne vais pas prendre de carte d’identité dans l’insoumission la plus grande qui soit. Je n’aime pas le mot résistance qui a une connotation de réactionnaire, étymologiquement parlant. Ainsi je ne suis pas un résistant mais un insoumis sur des questions touchant les libertés et les droits.
Un débat a été initié par Dev Ramano au début du mois sur l’avenir du mouvement. Nous avons programmé trois congrès (en juillet, août et novembre 2017). Nous avons attendu qu’un mouvement large soit créé. Cette idée a été mise en veilleuse. Nous nous préparons pour des élections générales anticipées ou celles de 2019. Vous allez nous voir dans les quatre coins du pays. Ça va se savoir. Ceux qui veulent nous rejoindre sont libres de le faire.
* Par ailleurs, la meilleure option pour Paul Bérenger et Navin Ramgoolam, dans ces conditions, c’est d’attendre le moment opportun pour agir …
Je crois que Bérenger et Ramgoolam vont s’appuyer sur les accaparements, les bévues, le népotisme…. de ceux qui sont au pouvoir et du « blanchiment » de Ramgoolam pour passer à l’action… Les deux sont au fond pressés. Leur âge de même que les jeunes qui montent dans leurs partis politiques vont les pousser à agir dans les semaines à venir. Vous allez voir. A moins qu’ils veuillent imiter Mugabe !
* Quelle opinion faites-vous du rapport des forces sur l’échiquier politique actuellement ?
Le rapport des forces au sein de l’Assemblée nationale a grandement changé. C’est sans doute, de mémoire, la première fois que nous n’avons pas moins de six partis politiques dans l’opposition parlementaire. Dont deux partis qui ont joué des rôles historiques et populaires dans notre histoire, le MMM et le PTr.
Le MSM se casse en deux à sa base. Les partis politiques sont grandement discrédités. L’autre jour, quelqu’un me dit qu’il est grandement déçu par le MSM. Je lui ai tout simplement posé la question suivante : en quoi avais-tu confiance dans le MSM ? Il ne m’a pas répondu.
Nous avons en ce moment précis de notre Histoire un vide politique qui ne peut être comblé que si la possibilité des élections générales se précise. Mais au fond, ce que nous traversons est de nature inquiétante pour huit raisons.
Nous quittons le secteur de production pour le hors-production. Il existe bel et bien une fracture sociale dans les écarts des revenus. Nous quittons l’économie de la demande pour l’économie de l’offre personnalisée. Le secteur financier est sous la pression de l’économie spéculative. Nous avons une bulle d’endettement des ménages. Nous n’arrivons pas à valoriser notre force de travail. Nous ne comprenons pas ce qui se passe économiquement parlant puisque nos économistes se sont fait avoir par la non-lecture de la crise de 2007-2012. Les capitalistes ne sont plus créatifs.
Il faut un débat intelligent à gauche. Il faut sortir du dogmatisme et l’amalgame. Il y a un travail colossal à entreprendre pour basculer le rapport des forces dans la révolution des idées et des actes.
* Vous savez que le PTr et le PMSD vont être absents lors des grandes manifestations politiques de 1er-Mai. Le MMM par contre a décidé de réorganiser le meeting du 1er-Mai en raison du « deal papa-piti », selon les dires de son secrétaire-général, tout en ajoutant que « ce sera aussi l’occasion d’annoncer à nouveau que le MMM ira seul aux prochaines législatives ». Vous le voyez capable ?
Autrefois le slogan était seul contre tous. Le 24 avril 1976 Bissoondoyal avait proposé une alliance de tous les partis politiques de l’opposition pour battre le PTr. Le MMM n’était pas d’accord pour s’allier avec le PMSD bien qu’en novembre 1975 Bérenger et Duval fussent d’accord pour un front commun de l’opposition dans le but de forcer le gouvernement d’aller aux élections.
De telles conditions existent. Quant à la sincérité de ces leaders, je vais dire, comme l’avait fait, Sacha Guitry pour justifier sa sincérité envers ses sept épouses, que « l’homme est toujours sincère mais qu’il change de sincérité très souvent »
Je vous retourne votre question : Qu’en pensez-vous en tant que journaliste avisé ? Si vous me dites que Bérenger est sincère j’aurais une piètre opinion de votre jugement eu égard à ses nombreux mensonges du passé.
* Par ailleurs, il y a cette déclaration intéressante d’Arvin Boolell faite dans le sillage de l’ambition affichée par Shakeel Mohamed pour le ‘deputy-leadership’ du Parti Travailliste : « Shakeel Mohamed, a-t-il dit, a un droit légitime, comme tout individu, d’avoir des aspirations », et d’ajouter que ce dernier « ne devrait pas être le seul à réclamer à la direction du parti ». Déclaration sans ambiguïté, non ?
Tout le monde a le droit légitime au sein du PTr pour occuper des postes à sa direction sous Ramgoolam. Personne n’a le courage de dire à Ramgoolam qu’il faut qu’il parte.
Quand j’avais écrit un article ou fait une déclaration après la première défaite du MSM, j’avais dit que Jugnauth était fini pour de bon. Lindsay Rivière m’avait donné une leçon du réalisme politique dans un éditorial du Mauricien pour me dire que j’avais tort.
J’ai vu Jugnauth hué à son arrivé à l’enterrement d’un journaliste. Il est retourné et il a été au pouvoir jusqu’à son départ comme PM. L’oubli est le charme de notre électorat. C’est pour cela qu’il faut des gens avec du caractère pour mettre de l’ordre au sein du PTr. Quoi qu’on en dise, Mohamed et Boolell n’ont pas d’énergie et de courage pour affronter Ramgoolam.
* En attendant, que faudra-t-on attendre sur le plan politique ? Pas de grosses surprises, aucun nouveau challenger. Un changement d’hommes est difficilement envisageable, et faute de mieux, on reviendra avec les mêmes permutations d’alliances des partis ‘mainstream’ avec à leur tête les mêmes leaders ?
Vous avez touché le problème du renouvellement politique à Maurice. Les jeunes de moins de 40-45 ans ne se sentent pas concernés par ce problème-là. J’ai été élu à l’âge de 30 ans à l’Assemblée nationale. Servansingh avait 26 ans quand il a été élu en 1976.
Les jeunes conçoivent l’engagement politique comme une profession et s’appuient sur leurs qualifications pour rêver de postes ministériels. Personne ne veut descendre sur le terrain pour se faire connaître et pour écouter la population. Ce seront demain ces victimes du fordisme intellectuel qui en technocrates s’occuperont de notre société. Bare lakes.
Je dois dire que le pays n’a pas assez d’intellectuels pour analyser les choses. Que ces intellectuels soient de gauche ou de droite. J’ai lu un article pertinent d’Armand Maudave intitulé « Réflexion sur la naïveté des gouvernants ». Bien que je ne sois pas d’accord avec son interprétation historique de la Guerre de Troie, que j’ai toujours mise en doute, avec la bonne foi de Machiavel qui a utilisé ses conseils auprès des Médicis pour s’attirer des faveurs et monter en grade, et que le principe de Peters frise soit le déterminisme ou le racisme. En évitant ses analogies et références, il faut admettre qu’il a entièrement raison.
An Appeal
Dear Reader
65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.
With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.
The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.