Au fil des news

By Nita Chicooree-Mercier

La boutik du quartier a baissé le volume de la radio privée qui, d’habitude, harcèle les oreilles des premiers clients du matin par les breaking news. Cela participe davantage au maintien dune culture du sensationnalisme médiatique visant à stimuler une remontée d’adrénaline chez les auditeurs en leur rabattant les oreilles d’une série de méfaits des dirigeants, et ce, saupoudrée des faits divers d’agressions, de vols, d’accidents comme hors d’œuvre d’un menu du jour qui annonce la couleur et le profil des intervenants qui se relaient toute la journée à l’antenne pour animer la journée du bon peuple.

Ile Maurice : un mélange de cultures. Pic – MeetYourJob

A ce rendez-vous matinal à la boutik se côtoie tout un éventail d’habitants du quartier : ouvriers, fonctionnaires, chauffeurs-livreurs, cadres, femmes au foyer, hommes et femmes d’affaires, étrangers résidents, collégiens et retraités de tous milieux. Les achats varient entre le journal du matin, un paquet de cigarettes, des légumes, des boîtes de conserve, des gâteaux-piments et, surtout, le pain chaud du matin en libre service dans une grande corbeille, faisant fi de toute hygiène. D’ailleurs, quelques doigts indélicats font des trous dans les pains maisons en appuyant trop fort sur la croûte croustillante.

Alors, quelles sont les nouvelles ?

Les uns et les autres, parmi les habitués, échangent quelques mots tandis que d’autres, une fois passés à la caisse, faufilent d’un pas pressé vers leur voiture.

Manifestement, l’excitation de l’animateur de radio a peu d’effet sur eux. On se salue, on prend les nouvelles de la santé et on évoque les sujets comme la famille, ou on discute boulot et affaires. On dirait que le sensationnalisme extrait des malheurs du jour – vol, drogue, sexe, accident et agression aussi bien que l’acharnement médiatique sur les cibles préférés – a fini par devenir lassant.

Le défrichement du terrain près du marché à Triolet en vue de la construction du futur complexe sportif fait bien des heureux. Voilà enfin, dit-on, la concrétisation d’un projet qui dort dans le tiroir depuis 2010 pour un montant initial de Rs30 millions et qui, depuis, a atteint une somme effrayante. Il faut espérer que les concepteurs ont inclus une salle de yoga dans le futur complexe aussi bien qu’un espace alloué aux arts martiaux et qui pourrait être loué aux moniteurs de karaté et d’autres disciplines. Une salle de danse classique et moderne ne pourrait que combler les attentes des habitants. Jusqu’à présent, le nord de l’île manque cruellement d’infrastructures sportives et culturelles.

Sauf au tribunal des réseaux sociaux, on ne rencontre personne qui soit opposé au tram qui continue à creuser le sillon entre les villes. Les gens sont enclins à accueillir favorablement la modernité et le changement. Un brin de causette dans un garage porte justement sur les infrastructures, les routes et les voitures. On est vite remis à sa place à la moindre remarque sur l’état des routes, les nids de poule qui abîment les pneus et entraînent les accidents. 

– Non, non, les routes sont bonnes à Maurice, insiste ce propriétaire d’un 4×4.

– Taxes à l’importation et vignettes élevées ?
– Les Mauriciens ont de l’argent. Ce n’est plus comme avant.

Une dame, toute parée du pied à la tête de couleurs vives, acquiesce. Elle achète et loue des voitures. Ici, s’affiche l’optimisme de ceux qui sont déjà engagés dans un processus dynamique de réussite.

– Il faut bien trouver des recettes pour remplir les caisses de l’Etat. Transport gratuit pour jeunes et seniors, éducation gratuite et hôpitaux publics en progrès constants, etc.

 Mécaniciens et clients concèdent toutefois que le service de santé publique a du chemin à faire pour être compétent et inspirer la confiance.

– Et la nouvelle route aérienne à la Réunion coûte des milliards?
– Oui, c’est l’Europe qui paie. Un tunnel dans la montagne était envisageable.

Et chacun y va sur les clichés concernant les voisins de l’île d’à côté : assistanat, chômage, engouement pour les voitures, vacances payées par diverses aides sociales et aussi les bonnes prestations du service de santé français.

Les Mauriciens semblent bien renseignés et très ouverts sur la situation politique, économique et sociale de la région et du monde. Enfermés dans le confort de la bulle dom-tomienne, les voisins n’ont que récemment commencé à s’intéresser à ce qui se passe à Maurice et ailleurs.

C’est l’aveu du directeur de Zinfo 974 sur la chaîne en ligne baptisée ZinfoMoris 974, drôle d’appellation qui englobe Maurice d’office dans la départementalisation 974, et ce, sans demander l’avis des Mauriciens. Sur cette radio de grande écoute à la Réunion et en France, et ailleurs par les Réunionnais, le directeur avoue que les gens vivant là-bas ne savent pas ce qui se passe à l’île Maurice et il déclare en même temps que ce pays est perçu comme un état mafieux et corrompu.

C’est à cœur joie et dans un français créolisé que se sont relayés la plupart des interviewés, ténors de la politique locale à l’ambition premier-ministérielle, à brosser ce tableau peu reluisant que le journaliste les avait invités à commenter. Tout le jargon des meetings et des radios privées défilait : mafia, la référence sexiste à la cuisine, institutions (prononcé institsyon) et démocratie en péril, prolifération de la drogue, barons proches du pouvoir, la situation à Agalega, etc.

Il est vrai que la loi française garde un œil vigilant sur les institutions du département 974, ce qui rend difficile la mise en pratique de toute tentation d’autoritarisme des petits chefs de la basse-cour politique locale. C’est donc une radio privée de l’île qui a enquêté sur la politique locale mauricienne.

On ne sait s’il existe encore cette entité amorphe qu’on appelle ‘opinion publique’ et si elle a voix au chapitre, étant donné les deux journaux – dont un est en mode de survie -, qui tiennent lieu de presse écrite.

Ici, en ce temps post-Covid, une floraison de journaux et de magazines garnit le stand des boutiks et des vendeurs sur les trottoirs de la capitale. La MBC radio anime des émissions d’intérêt public, tels que celles sur la santé, l’offre des conseils gratuits aux agriculteurs. Cela se fait rare dans d’autres contrées. Par ailleurs, la MBC Radio permet aussi à toute une gamme de langues de s’exprimer. On ne risque pas de s’ennuyer avec un monolinguisme contraignant.

Il y a un foisonnement de publications de tous genres et une créativité artistique en effervescence. Il y a un vaste chantier culturel à occuper, et qui ne demande qu’à être exploité. Du risque posé par le sucre artificiel aux conseils sans relâche sur la prévention des maladies, la télévision nationale veille à ce que le public soit bien informé sur tout ce qui peut préserver la santé de la population. Emissions et productions littéraires, artistiques et musicales, dans toute une gamme de langues locales, orientales et chinoise, un bouquet de chaînes internationales offert par l’opérateur national, allant du Japon aux Etats-Unis en passant par la Chine, l’Inde dans toute sa diversité linguistique, des perspectives différentes de la vision du monde politique vue de l’Angleterre, la France, la Turquie l’Allemagne, le Moyen Orient et l’Afrique font de Maurice une exception dans la région et dans le monde. Ne faudrait-il pas un déplacement des médias de la région sur place pour effectuer un reportage aussi sérieux ?


Mauritius Times ePaper Friday 9 September 2022

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