Les héros de l’ère médiatique
|La sur-médiatisation et le vocabulaire démesuré autour de la fête sportive nous a fait penser au théâtre de l’absurde de Ionesco où on parle pour parler, où le langage tourne à vide
La définition de héros? A une époque qui perd ses repères sur tous les fronts, un matraquage de ce qui passe pour de l’information manipule le vulgus dont l’esprit moutonnier se doit de retrouver ses facultés d’analyse si tant est qu’il veuille dans un sursaut de lucidité retrouver son autonomie…
Que n’a-t-on pas entendu et vu ces jours-ci ? On fabrique des héros comme les petits pains fraîchement sortis du four. Une jeune fille de quatorze ans met une claque à un soldat d’une armée honnie par plusieurs organes de presse ? Wow ! s’exclame-t-on comme tout le beau monde friand des expressions américaines.
Et, ici même, la presse locale branchée sur les ondes de ses confrères des agences internationales et partageant souvent la vision biaisée et les réactions impulsives n’a pas tardé à ériger la petite Tamimi en héroïne du jour. Or, il n’y a rien de glorieux dans le geste de la jeune fille, et elle a eu la chance de ne pas avoir pris une raclée du soldat qui, lui, a fait preuve de retenue face à cette provocation.
Le journal local n’a fait aucun écho quelque temps après lorsqu’une vidéo a révélé que la jeune fille était droguée, complètement défoncée. Pourquoi ? Parce qu’il faut bien préserver la première image envoyée au public, hein ?
Projecteur en France où tout est galvaudé et brouillé ces temps-ci. Préambule à notre feuilleton de héros : une escalade de quatre étages à une vitesse éclair qui n’est pas à la portée de premier quidam. Dans l’euphorie des applaudissements, la situation de clandestin du migrant africain a été vite reléguée au second plan. L’illégalité est bien un délit. Mais le Président en décida autrement avec les honneurs d’un accueil à l’Elysée, qui laissa ébahi tout le monde. La réponse à cette mise-en-scène ne se fit pas attendre.
Les héros, une rareté de nos jours ? Toujours en France, acclamé et pleuré par tout un peuple, le colonel Beltrame fut aussi victime d’un crime abject que sauveur par son sacrifice d’une caissière apeurée. Et puis il y a ceux dont on ne parle pas. Ceux qui libèrent 50 otages et les sauvent d’une mise à mort par des assassins déterminés.
Ce qui nous interpelle particulièrement aujourd’hui, c’est l’accueil en grande pompe sur la prestigieuse avenue des Champs Elysées de ceux qui ont tapé dans le ballon rond avec succès et hissé la France au sommet – l’espace d’un Mondial de foot, les stations de métro honorés par leur patronyme , et le tout couronné par l’entrée à l’espace régalien de l’Elysée, l’enceinte de la plus haute instance du pouvoir politique. Ce succès du Mondial n’a pas connu la même euphorie qu’en 1998 tant que ce pays est actuellement perturbé par l’affront qui est fait à son identité, à sa culture, à son passé et à son prestige. Certains ont gigoté et d’autres en ont profité pour narguer la France en rappelant que la victoire est aussi celle de l’Afrique.
Définition d’un héros? Dans la mythologique classique, le héros est un demi-dieu dans une sorte d’alliance avec Dieu par ses qualités exceptionnelles qui marquent la transition du simple mortel à celui d’un être exceptionnel. La mythologie hindoue leur confère une aura divine tandis que l’Olympe dans le monde grec transfigure ces êtres téméraires en demi-dieu en récompense de leurs prouesses.
Quand le foot prend le pouvoir, toute dissidence est bannie. Le réalisateur ukrainien qui osa critiquer Moscou fut enlevé et jeté en prison en Ukraine sans aucun procès. ‘Pendant que vous vous amusez à regarder le Mondial, je suis en train de mourir’, ce cri de désespoir et de révolte lancé de la prison où il croupit ne risqua point d’atteindre les oreilles des fans en délire. Ainsi les deux joueurs de l’équipe de Croatie furent conspués et hués sans aucune retenue par les fans de la Finale. Leur crime ? D’avoir ouvertement critiqué les agissements du pouvoir russe. Le comportement moutonnier de la foule est lamentable…
Mais il y a pire encore. L’emballement linguistique des médias. Fallait-il en rire ou en pleurer ? De par leur métier, le journaliste est condamné à une prise de parole en continu pour ceux qui sont collés à l’écran. Véritables tonneaux de Danaïdes qui ne sont jamais vides, peut-on évoquer lors de ce reportage en direct de l’arrivée des footballeurs sous l’Arc de Triomphe (un monument qui rappelle les grandes guerres). Ainsi le journaliste a cru bon d’employer tout un vocabulaire de guerrier.
En final, ce sport s’apparente à une guerre, à celle des ‘vainqueurs’ dont la ‘victoire’ tant attendue est décrite comme une ‘libération’, pas celle de 1918 ou 1945. Les sciences étaient au rendez-vous dans le portait de ces héros du coup de pied. Les journalistes ont cru bon – pendant que les supporters attendaient le grand moment ‘libérateur’ de faire éclater leur joie – de procéder à une analyse sociologique et psychologique des uns et des autres dont on nous a pleinement gavés. Le vocabulaire religieux était aussi présent sur toutes les chaines de la ‘ferveur’ du public fanatisé du foot en ‘communion’ avec ses héros du ballon. La ‘transfiguration’, n’en parlons pas, et pendant qu’on y est, la montée au ciel aussi….
Dans tout cet aspect artistique du jeu évoqué maintes fois dans le vocabulaire répétitif des médias, on y voit surtout l’art de manipuler le public et, aussi la surenchère dans la suradjectivation dissimule mal un chauvinisme évident, et cela nous rappelle que les médias font le jeu de la politique. Les grands défis qui menacent le pays tombent dans l’oubli pendant quelque temps. Cette fois-ci, la diversité (dont l’équipe de foot est le reflet et censée enrichir le pays) ne trouva point d’écho favorable dans le cœur des gens.
Le sport s’apparente au grand business au rythme des millions de dollars de profit par tête de celui qui a le meilleur coup de pied parmi les Français. Assimilés et migrants fraichement débarqués, toute question d’identité d’un pays et de fierté nationale devient problématique…
Quand le foot prend le pouvoir, tout esprit critique vous fait entrer dans un état de dissidence intellectuelle. La sur-médiatisation et le vocabulaire démesuré autour de la fête sportive nous a fait penser au théâtre de l’absurde de Ionesco où on parle pour parler, où le langage tourne à vide.
Pendant que les fans regagnent leur domicile après les joies de la fête, nous avons assisté à des scènes où ce même drapeau français est piétiné, sali par ces casseurs issus de l’immigration désastreuse ; ils ne manquent pas une occasion d’exprimer leur haine de la France. C’était triste, voire inquiétant…
En fin de compte, le spectacle sur les Champs Elysées en l’honneur du jeu des héros des temps modernes n’occulte en rien l’enjeu politico-économique et financier dicté par une Europe qui a du mal à faire passer sa politique migratoire entre autres… Et pour la France, l’inquiétude de son avenir reste bien palpable.
* Published in print edition on 27 July 2018
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