“Le Changement voulait le Changement. L’électorat lui a donné

ce qu’il désirait. A son tour de s’asseoir sur le réchaud ardent”

Interview : Yvan Martial

* ‘Nous savons que les alliances électorales sont faites pour finir en divorce…
… demain ou après-demain, le MMM aura de nouveau besoin du MSM’

* ‘Soit l’opposition s’entend pour faire cause commune, soit elle s’atomise et fait le jeu du Pouvoir’


Dimanche 20 avril 2025, le pape François, premier souverain pontife originaire de l’hémisphère sud, a tenu à rencontrer la foule, pour la plus grande joie des milliers de fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre. Il nous a quittés le lundi de Pâques, à l’âge de 88 ans, dans sa résidence du Vatican. Il laisse derrière lui l’empreinte d’un homme animé par une volonté de réforme profonde. Sa disparition a suscité une intense réflexion chez Yvan Martial, observateur de la société, ici comme ailleurs. Le vieux débat sur le bien et le mal, le paradis et l’enfer, resurgit, mettant en lumière ce qui demeure essentiel dans le monde contemporain : l’amour.


Mauritius Times : La signification mondiale du pontificat réformateur et engagé du pape François, premier pape sud-américain et jésuite, qui s’est élevé contre les ravages du néolibéralisme, a plaidé pour plus de justice sociale et a défendu l’environnement, est soulignée par la présence attendue de nombreux dirigeants à ses obsèques. Comment cela illustre-t-il l’influence continue de l’Église catholique dans un monde de plus en plus sécularisé ?

Yvan Martial : La mort du pape François nous interpelle. Elle est invitation à un sursaut qualitatif. Que changera-t-elle en mieux dans notre vie ? Sans réaction à pareille exhortation, nous restons vautrés dans notre médiocrité.

François attend davantage de chacun d’entre nous. Il interpelle notre monde. Ce monde marqué par des génocides et pas seulement à Gaza, au Soudan, en Ukraine. Un monde dominé par deux irresponsables, Trump et Poutine. Ils pourraient ne pas avoir grand-chose à envier à Caligula, à Néron, à Napoléon, à Adolf Hitler, à Josef Staline. Ils semblent n’avoir de comptes à rendre à personne sur Terre. Ils tiennent pourtant les Nations Unies entre leurs serres en forme de véto. Pauvre Franklin Roosevelt. Heureusement nous n’avons pas à les juger. Laissons cela à leur Créateur. Ou plus exactement à eux-mêmes. Quand ils seront forcés de voir clair en eux. Laissons-les à leur conscience. En supposant qu’ils en aient une.

Notre monde, dérivant sur une planète gangrénée par notre folle surconsommation de plastique et autres produits pétroliers. Unique planète. Sans stepney. Un monde s’acharnant à son autodestruction, parce que sacrifiant à de faux dieux, ayant pour noms égoïsme forcené, le plus matérialiste qui soit, loi de la jungle la plus débridée, etc.

Le pape François est mort ? Qu’en savons-nous ? Il est certes autant question, ces jours-ci, de « résurrection » que d’œufs de Pâques. La prudence est donc de mise. D’autant plus qu’il n’a pas encore été mis au tombeau. Soyons patients.

Le pape François est mort ! La belle blague. Il veut vivre dans nos cœurs. Il vit si nous voulons qu’il survive en nous. Si nous voulons qu’il éclaire notre vie. Il n’est jamais plus agissant et charismatique. Il continue à nous montrer le chemin menant à notre Dieu et Père infiniment clément et miséricordieux. Tout dépend de chacun d’entre nous. C’est une question de conviction pouvant changer notre vie.

Nous y croyons ou nous n’y croyons pas. La foi s’offre à tous. Il dépend de nous de l’accepter ou de la refuser. Il ne faut pas comprendre pour croire. Il faut croire pour comprendre. Nous avons le droit, la liberté, de refuser cet incomparable cadeau de Pâques. A l’heure du choix, à refaire à chaque instant de notre vie, le sourire bienveillant du pape François nous accompagne. Patiemment. Toujours respectueux de notre liberté d’accepter ou de refuser. Mais notre réponse engage notre éternité.

Quoi demander de plus au pape François ? Il reçoit enfin son invitation à prendre la place qui, par la grâce de Jésus le Palestinien, lui revient dans la Maison de son Père des Cieux et Sauveur de toute humanité. Peut-être aux côtés de notre Bon Père Laval, au chevet duquel il a prié pour nous, le 9 septembre 2019. Je le devine suppliant le pardon de ses péchés, de n’avoir pu faire que ce qu’il pouvait faire.

J’imagine Jésus, ce Palestinien, lui rappelant l’éloge de l’obole de la veuve. Nous donnons notre superflu. Elle donne ce qu’elle a de plus précieux. Toute la richesse dont elle dispose. Dieu est Celui qui scrute les cœurs et les reins. Il sait tout de nos misérables vies. Il sait mieux que nous ce qu’il y a en nous de sainteté et de diablerie. C’est notre papa. Faisons-Lui confiance. Lui seul peut nous sauver du néant.

Le pape François meurt mais seulement aux yeux de notre monde, tellement myope. Il naît surtout à une nouvelle vie. A la Vraie Vie. Et pour l’Eternité. Alléluia ! Il partage la Béatitude de son Père des Cieux, Créateur de toutes choses et Sauveur de toutes nos Humanités. Celles de tous temps et de tous lieux, Rédempteur de nos mondes passés et à venir. A ses côtés, se tient François d’Assises, reconnaissant en lui un frère en Christ.

A ses funérailles, les Grands de ce Monde – malheureusement méprisables pour beaucoup – se bousculent, se disputent les premières places. C’est l’endroit “in” où il faut être. Le “must” ! Ils volent simplement les places, devant revenir à un rescapé de Lampedusa, au Mexicain que Trump refoule en Pauvreté. La place devant revenir à cette mère palestinienne, nouvelle Mater Dolorosa, à qui on remet la dépouille de son enfant, assassiné par un missile israélien. A cette maman du Soudan, folle de douleur car elle n’a plus une goutte de lait à offrir à son enfant déshydraté et martyrisé par la faim la plus tenaillante. L’Africain prend plaisir à martyriser son frère africain, dans l’indifférence la plus générale.

Les Grands de ce monde volent la place de ce Mauricien que la drogue synthétique transforme en zombie, tandis que la pieuvre la plus mafieuse étend, avec gloutonnerie, ses tentacules aux quatre coins de notre pays. Ils volent la place de ceux qui, à l’instar de Jésus le Nazaréen, nouent leur tablier pour se mettre fraternellement au service de notre Humanité souffrante, les nurses, les institutrices, les assistantes sociales, celles qui mettent toute leur joie à essuyer toute larme glissant sur les joues de l’île Maurice souffrante, au bord de la désespérance.

Les Grands de ce Monde volent la place des pauvres de ces périphéries, tellement chères au pape François. Mais il est tellement bon qu’il saura voir dans le cœur de ces Accapareurs de Premières Places la mèche qui fume encore et qu’il ne convient pas d’éteindre avant que tout ne soit consumé.

Le pape François, qui a si bien ravivé notre foi en notre Humanité tellement pécheresse, n’est heureusement pas le seul prophète capable de secouer notre cocotier planétaire et faire nos tomber nos plus vilaines habitudes égoïstes. Il fait partie de la cohorte des Charles de Foucaud, Mohandas Karamchand Gandhi, Martin Luther King, Nelson Mandela, Desmond Tutu, Mère Teresa, l’Abbé Pierre (je refuse obstinément de lui lancer la première pierre). Nous serons tous jugés sur l’Amour que nous portons à notre prochain au sens le plus large du terme.

Le pape François ne vit plus au Vatican. Il veut être présent dans notre vie. Etre notre compagnon de route. Ouvrons-lui notre cœur. Osons mettre nos pas dans les siens. Ils nous mèneront à notre Dieu et Sauveur.

* L’Église catholique conserve-t-elle, selon vous, l’autorité morale pour influencer les décisions politiques à l’échelle internationale, et également dans le contexte particulier de Maurice ?

L’Eglise, voulue et léguée par Jésus le Palestinien, comme moyen privilégié, voulu de toute éternité par Dieu, notre Père clément et infiniment miséricordieux, ne peut répondre à votre question.

Elle n’existe pas pour faire la volonté du FMI ou de la Banque mondiale mais pour faire celle de son fondateur, le Jésus des Evangiles, Jésus ce Palestinien encore et toujours crucifié. Elle existe pour transmettre au monde d’Aujourd’hui, comme à celui d’hier et de demain, le message évangélique de Dieu, se faisant homme pour que nous devenions comme Dieu. Mais pour que cela se fasse, nous devons accepter sa gracieuse invitation.

Pour ne pas être hideux mensonge, contrefaçon la plus grossière, notre amour de Dieu doit se manifester par notre amour de notre prochain. Qui prétend aimer Dieu qu’il ne voit pas, sans aimer son frère qu’il voit, est le plus fieffé des menteurs.

En revanche, il appartient « aux décisions politiques » internationales mais aussi locales, personnelles et individuelles d’accepter en toute liberté ce message évangélique, à notre disposition depuis le début de l’ère chrétienne mais préparé depuis le commencement du Monde, valorisant d’autres messages spirituels et mystiques connus ou à découvrir.

Rien de plus simple que ce message : aimer les autres comme Dieu nous aime. Jusqu’à quel point ? En acceptant au besoin toutes les crucifixions possibles et imaginables. Encore que nous sommes plus habitués aux pendaisons. C’est donc à nos décisionnaires politiques d’ici et d’ailleurs qu’il faut demander dans quelle mesure ils acceptent ce message évangélique tellement salvifique pour être le guide de leurs décisions administratives.

Et puisque nous parlons du pape François, c’est le moment de nous souvenir de la prière de son saint patron d’Assise : Soyons des Artisans de Paix. Là où il y a la haine, l’offense, la discorde, le mensonge, le doute, le désespoir, les ténèbres, la tristesse, que nous mettons l’amour d’autrui, le pardon, la réconciliation, la Vérité, la foi, l’espérance, la Lumière, la joie. Cessons de vouloir être consolés, compris, pour devenir des consolateurs, des compatissants car c’est en se donnant qu’on reçoit. En s’oubliant qu’on se trouve. En pardonnant qu’on obtient le pardon, en mourant qu’on ressuscite. Comme le pape François. Ne perdons pas notre temps à faire l’examen de conscience des dirigeants politique du monde comme ceux de notre pays. Nettoyons plutôt notre conscience des diableries qui s’y nichent avec notre complicité.

* Mais, en observant le décalage grandissant entre l’idéal moral et éthique des religions et les actions concrètes, on constate une perception que les hommes religieux sont de moins en moins écoutés, un phénomène visible mondialement et aussi à Maurice, comme l’illustrent les événements de ces dernières années. Votre opinion ?

A qui la faute si nous n’écoutons pas assez les hommes religieux les plus prophétiques, les plus charismatiques, de notre temps ? Il appartient à chaque lecteur de Mauritius Times de se demander s’il est suffisamment à l’écoute de ceux et celles, capables de sanctifier notre manière de vivre chacune des journées qu’il nous est donné de vivre, surtout dans un pays aussi fraternel et religieux que le nôtre.

Nous ne pouvons sauver le Monde. Sauvons au moins notre vie et faisons ainsi la moitié du chemin. Les autres ne le font pas. C’est leur problème. Pas le nôtre. Faisons courageusement ce que nous pensons devoir faire et laissons les autres, laissons Dieu, faire l’autre partie du boulot.

Mais attention ! Il y aura toujours un méchant Diable à venir nous souffler à l’oreille que ce charabia, c’est de la connerie et qu’il vaut mieux surfer sur une trompeuse euphorie. Dieu nous aime tant, bien que nous soyons ses créatures et qu’Il nous tire du néant, qu’il respecte notre Liberté de lui dire non, de préférer le Diable qui nous incite à faire le mal que nous détestons pour ne pas faire le bien que nous désirons pourtant.

Notre époque est-elle pire ou meilleure que celles nous ayant précédés ou qui nous suivront ? La question est impertinente. Laissons Dieu juger les hommes de notre temps comme ceux des mondes passés ou à venir. Demandons-nous plutôt si nous menons la Vie que nous voulons vivre. Notre ange gardien est-il fier de nous ? Ou le faisons-nous rougir de honte ?

* Ce qui est particulièrement déprimant pour nous à Maurice, c’est ce que révèlent les reportages de presse concernant les enquêtes menées par la Financial Crimes Commission (FCC). Les affaires portant sur des milliards de roupies suggèrent un pillage des fonds publics d’une ampleur inédite. Bien qu’il faille accorder aux suspects la présomption d’innocence, ces révélations sont profondément préoccupantes, non?

Ne soyons pas dupes. Le gouvernement du Changement (PTr-MMM-ND-ReA) a tout intérêt à donner entière liberté à cette Financial Crimes Commission, héritée du régime MSM de Pravind Jugnauth. Il sait trop bien qu’elle profite servilement de l’occasion qui lui est fournie de tomber à bras raccourcis sur de possibles méfaits passés du régime précédent, se chiffrant quand même à coups de milliards, et sauver leur misérable personne. Cette FCC me paraîtrait plus crédible car vraiment indépendante, si elle avait le courage d’enquêter sur certains coffres-forts bourrés de devises étrangères.

Nous plébiscitons une classe politique, la nôtre, connue pourtant pour ses mensonges les plus éhontés. Les 60 zéros du 10 novembre 2024 n’échappent nullement à cette règle. Relisons les journaux de la mi-2005, ceux de cette campagne électorale s’achevant par une victoire travailliste (Alliance sociale), une alliance MSM-MMM-PMSD mais du seul Maurice Allet. Que n’ont pas dégobillé, sur Bérenger et Pravind Jugnauth, les Navin Ramgoolam, Shakeel Mohamed, Anil Bachoo et autres harangueurs sur caisse à savon. Ils sont plusieurs à poursuivre Bérenger pour diffamation et à lui réclamer des cinquantaines de millions.

Nous savons que les alliances électorales sont faites pour finir en divorce. Demain ou après-demain, le MMM aura de nouveau besoin du MSM, comme en 1991, comme en 2000, comme en 2013 (« Bhai Anerood ne sois plus réduit au Réduit. Viens m’aider à sauver notre pays d’un naufrage nommé Navin Ramgoolam ! ») De même, le PTr aura besoin du MSM, comme avant 2010, avant le triste épisode MedPoint. Il sera toujours plus facile de dégoter la paille dans l’œil de l’adversaire plutôt que d’enlever la poutre obstruant l’œil de l’hypocrite que nous ne cessons jamais d’être.

Pour que nos institutions, et pas seulement financières et inquisitoriales, soient libres et indépendantes, il ne faut plus que leurs dirigeants soient nommés par le seul Premier ministre. Optons plutôt pour une commission permanente de recrutement de cadres supérieurs, composée de membres nommés par (1) le Premier ministre (avec droit de voix prépondérante), (2) le chef de l’opposition, (3) le chef juge, (4) le président de la République alias le PM, (5) le principal syndicat de hauts fonctionnaires, (6) le coordonnateur du secteur privé.

Alors nous aurons peut-être la chance de ne plus avoir affaire à de lamentables béni-oui-oui, à des esclaves de la pire espèce, ne sachant que caresser dans le sens du poil.

* L’ampleur potentielle de ces malversations mises en lumière par les enquêtes de la FCC soulève une question cruciale : comment de telles irrégularités ont-elles pu passer inaperçues auprès des services d’audit interne, des auditeurs externes des institutions concernées, et du National Audit Office lui-même ?

La réponse est fort simple. Nos dirigeants politiques ont tout intérêt à nommer, aux postes de commandes, des lavettes, ne sachant que bêler « ou mem papa ! Ou mem mama ! », au lieu de désigner les meilleurs capitaines disponibles, capables, au moment propice, d’empêcher le naufrage de notre bateau Mauritius.

Nos dirigeants politiques ne sont pas tous exécrables. Mais nous, électeurs, nous ne savons pas plébisciter les meilleurs candidats. Nous sommes un électorat-esclave car nous ne savons pas être un électorat-maître. Nous méritons les gouvernements que nous élisons tristement. Les uns après les autres. Plus couillons que nous tu meurs ! Des politiciens mentent comme ils respirent. Il suffit de contempler leurs parcours en zigzags éhontés. Ils se permettent les pires vilenies car ils se croient intouchables. Avant de retourner moisir dan caro kann. Ils sont incapables de suivre une ligne droite.

Leurs propos sont menteries et fourberies. Ils sont même passés maîtres dans l’art de se mentir à soi-même. Ils mentent tellement qu’ils finissent par prendre leurs mensonges pour des vérités, sous prétexte que lors d’un scrutin, nous les avons plébiscités pour éviter à notre pays un malheur national encore plus catastrophique.

* Les arrestations successives de l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, ont suscité des accusations de persécution politique de la part du leader de l’opposition parlementaire, Joe Lesjongard. L’attente de la population quant à d’éventuelles autres arrestations est palpable. Il est à espérer que les autorités agiront avec discernement, évitant ainsi les cafouillages de l’ICAC…

La Justice et, plus particulièrement, le devoir de rendre compte de toute gestion de fonds publics, ressemblent davantage à un rouleau compresseur, la lenteur comprise, que du scalpel du chirurgien le plus habile. Il ne faut pas l’introduire dans un magasin de porcelaine. Encore moins dans une verrerie. Il semblerait que Joe Lesjongard n’ait gardé aucun souvenir de l’arrestation de Navin Ramgoolam en février 2015. Batte rande na pa fer mal !

* Outre les scandales présumés du régime précédent, dont les enquêtes relèvent exclusivement des institutions d’investigation, le Gouvernement de l’Alliance du Changement a de nombreuses priorités. Quelle est votre évaluation de ses actions à ce jour et de la philosophie qui les sous-tend ?

Le Changement voulait le Changement. L’électorat lui a donné, le 10 novembre 2024, ce qu’il désirait. A son tour de s’asseoir sur le réchaud ardent de toutes les saloperies héritées du précédent régime. Tu as voulu le Pouvoir. Prends-le et prends-en bien du plaisir. Tâche seulement de ne pas répéter les mêmes conneries que ton prédécesseur.

Je n’attends rien de notre classe politique. Je rêve seulement d’un gouvernement rendant à nos hauts fonctionnaires l’entière responsabilité d’assurer le meilleur service civil possible et imaginable, en devant rendre compte à nos députés et ministres.

Mais je les sais toujours à la merci d’ingérences politiciennes les plus démotivantes. Il en est ainsi depuis l’Indépendance. Nous ne progressons pas. Nous nous enlisons dans la médiocrité. Un ancien recteur d’un collège d’Etat a dit : « Il est plus facile de gagner des élections générales que d’obtenir le renvoi d’un élève indiscipliné ».

Des médecins doivent accepter qu’un ministre octroie le droit à un quincailler de commander des vaccins dont le pays a urgemment besoin. En politique comme en toute bataille, la victoire revient au camp faisant moins d’erreurs que l’adversaire. Les réformes les plus urgentes sont systématiquement renvoyées aux calendes grecques. Nos politiciens préfèrent la moisissure du Karo Kann plutôt que de modifier un système électoral, imposé par un colonisateur, anglais de surcroît, et refuser même la plus petite dose de représentation proportionnelle. Elle permettrait pourtant une opposition plus coriace et empêcherait le Pouvoir de faire les 400 coups. Nous en reparlerons quand nous aurons enfin appris à voter plus intelligemment.

* Il est vrai que la portée des propositions énoncées dans le programme gouvernemental est vaste et potentiellement transformatrice. Cependant, cela soulève une question fondamentale quant à la faisabilité d’un programme aussi ambitieux dans le cycle politique actuel. Le Gouvernement vous semble-t-il en mesure de tenir ses promesses dans ces conditions ?

Nous sommes en plein dialogue de sourds. Manifestes électoraux, discours-programmes sont des litanies de pieuses intentions, avec lesquelles on pave les pires enfers. Ceux qui nous sont destinés.

Des ministres accaparent tous les pouvoirs, en dépit de leur incompétence incurable, de peur de perdre une miette de la part du lion qui, pensent-ils, leur revient de droit divin ou presque.

Nous Mauriciens, nous savons mettre de l’ordre chez nous. Mais nous nous désolons parce que cela ne suffit pas. La rue reste malpropre. Le pays ressemble toujours à la cour du roi Pétaud.

Nos journaux fourmillent de suggestions et de propositions de meilleure gouvernance, les unes plus salvifiques que les autres. Mais cela tombe dans l’oreille d’un sourd. Comment imaginer un seul ministre prenant lecture de cette interview et concédant qu’il pourrait y avoir une parcelle de vérité ? Il est dans sa Tour d’Ivoire. Pourquoi voulez-vous que je m’intéresse à ses divagations. Mais tout train du plaisir finit par arriver à sa gare terminus. Bienvenue alors dans Karo Kann.

* Par ailleurs, l’issue des défis juridiques potentiels auxquels Pravind Jugnauth et ses principaux lieutenants pourraient être confrontés reste incertaine. Dans ce contexte, quelles sont les perspectives du MSM pour se repositionner en tant que concurrent sérieux face au PTr et au MMM ?

La Démocratie a autant besoin d’opposition que de Pouvoir. Le devoir de toute presse démocratique, en tant que contre-pouvoir attitré, est de toujours prendre parti pour toutes les oppositions possibles et imaginables et pas seulement politiques. Elle doit multiplier les occasions de faire entendre les voix de tous nos contrepouvoirs. Elle doit nous apprendre à résister au Pouvoir en place et déjà trop puissant. Elle doit se surpasser pour faire comprendre à la population qu’il y a toujours une alternative possible à cette mainmise du pouvoir politique tellement héréditaire, tellement dynastique.

* Compte tenu du paysage politique actuel, les partis extraparlementaires dirigés par Rama Valayden, Nando Bodha et Roshi Bhadain ont-ils une réelle opportunité d’accroître leur influence ?

Nos partis politiques extraparlementaires doivent respecter la règle du jeu. Notre système électoral demeure absolument bipolaire, en raison d’un refus obstiné de tous nos gouvernements successifs, depuis l’Indépendance, à introduire une dose, même minime, de représentation proportionnelle, dans notre système électoral.

Dans un système bipolaire, il n’y a de la place que pour le Pouvoir et pour une unique Opposition. Soit celle-ci se bat pour constituer cette unicité, pouvant lui procurer la crédibilité voulue, soit elle permet au Pouvoir de devenir davantage totalitaire.

Toute Troisième Force n’a, à ce jour, que prouver son indécrottable faiblesse. Soit l’opposition s’entend pour faire cause commune, soit elle s’atomise et fait le jeu du Pouvoir. Nous finirons par croire qu’il suffit au diable de semer requise au sein d’une opinion tristement émiettée pour rester durablement au pouvoir à Maurice, même si, de temps en temps, il préfère changer les diablotins fourchus à son service. Le diable qui empoisonne notre pays Maurice est allergique à la représentation proportionnelle. C’est là tout le drame de notre pays bien aimé.


Mauritius Times ePaper Friday 25 April 2025

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *