Troubles à la Citadelle

Eclairages

Par A. Bartleby

Les faits se sont déroulés le samedi 21 octobre dernier. Plusieurs individus cagoulés se sont introduits dans l’enceinte de la Citadelle alors que s’y déroulait un concert pour célébrer les 15 années du groupe hôtelier Attitude. Ces individus se sont mis à pousser des cris hostiles avec pour objectif premier d’interrompre le concert.

Y a-t-il à Maurice des groupes radicaux qui pourraient passer à l’action ? Au regard des capacités des dispositifs de la sécurité intérieure et des services de renseignements, on aurait tendance à dire que non…

La force policière et les agents engagés pour la sécurisation des lieux ont heureusement réussi à évacuer la foule présente sans provoquer un mouvement aux effets dramatiques. Il n’y a heureusement pas eu de blessés et les dommages relèvent surtout de l’ordre matériel sonore et musical. Cela étant dit, cet incident a de quoi inquiéter.

Le terrorisme, tel que pratiqué par certaines organisations à l’étranger, est une méthode dont l’objectif est de réaliser des opérations de terreur sur les populations civiles afin de faire plier les décideurs politiques. En sommes-nous arrivés là? Est-ce que c’était là l’objectif des assaillants de samedi ? Est-ce que c’était l’évènement organisé par le groupe Attitude qui était visé ? Nous devrions attendre les conclusions de l’enquête policière pour en savoir plus.

Toutefois, il y a eu une succession d’évènements qui ont apporté de l’eau au moulin des fauteurs de trouble depuis quelques semaines : la légalisation de la sodomie, la marche des fiertés organisée à Rose-Hill et la guerre à Gaza.

Au lieu de tempérer les choses, certains politiciens n’ont eu de cesse de mettre de l’huile sur le feu afin d’avancer leurs intérêts politiques. Ainsi nous n’assistons pas uniquement à l’importation d’enjeux qui n’ont rien à voir avec Maurice, mais il y a également ce qui ressemble grandement à une tentative politique d’alimenter un sentiment de victimisation, cultivé dans certains milieux. En d’autres termes, la question consiste à savoir si nous sommes en face d’une tentative de déstabilisation du pays par certains intérêts politiques et autres.

Il n’y a là rien de nouveau. L’histoire politique mauricienne est parsemée de moments similaires. Dans les années 1990, les évènements de l’Amicale et la cavale de l’escadron de la mort avaient démontré à tout le pays que certains individus s’étaient radicalisés. Plus récemment, la marche des fiertés qui devait se tenir à la Place d’Armes avait été bloquée par une contre-manifestation. La police avait calmé la foule avant de procéder à des arrestations les jours suivant cette contre-manifestation, tout comme elle le fait depuis samedi dernier.

Y a-t-il à Maurice des groupes radicaux qui pourraient passer à l’action ? Au regard des capacités des dispositifs de la sécurité intérieure et des services de renseignements, on aurait tendance à dire que non. Toutefois, cela ne signifie pas que le système est parfaitement étanche, ce qui nous amène à nous poser certaines questions.

  • Comment se fait-il qu’un petit groupe d’individus a pu arrêter un concert samedi dernier ?
  • La police était-elle au courant mais n’a pas agi en conséquence ?
  • La police, a-t-elle été prise au dépourvu ?
  • Ou bien encore a-t-elle appliqué le même modus operandi que lors de la contre-manifestation à la Place d’Armes, c’est-à-dire qu’elle n’a pris aucun risque qui aurait pu produire une escalade et un dérapage de la situation avant de passer à l’action avec des arrestations et des poursuites ?

Ce qui est certain, c’est que les théories complotistes fusent sur les réseaux sociaux, certains « intellectuels » de Facebook n’hésitant pas à affirmer que c’est le gouvernement qui se trouve derrière les évènements de samedi afin de produire une situation de bascule politique.

Il faut avouer que l’apparition de l’attaché de presse d’un ministre dans l’enquête policière a forcément apporté de l’eau à ce moulin. Pourtant, il est innocent jusqu’à preuve du contraire, à savoir, son éventuelle implication dans cet évènement.  Pour l’instant, il a simplement été entendu en tant que témoin présent sur les lieux ce jour-là. Du coup, il est essentiel que la police fasse la lumière sur sa présence et interroge toutes les personnes concernées.

Concentrons-nous pour l’instant sur le recadrage du débat. Politiser de tels événements est extrêmement dangereux puisque cela produit un shift du focus et détourne les regards. Encourager des radicaux ou les utiliser à des fins politiques : cela implique que ces radicaux existent et qu’ils sont capables d’agir. Ce sont donc eux qui doivent, en premier lieu, être la cible des patriotes et des démocrates, et une réponse nationale forte doit être envoyée à leur encontre.

Quelle posture donc adopter ?

Déjà, nous devons être clairs sur le fait que la question palestinienne, par-delà la dimension humanitaire et la solidarité certaines aux victimes civiles, ne doit absolument pas devenir une variable d’ajustement politique à Maurice. Nous devons même absolument rejeter cela en affirmant constamment la position de la République de Maurice, telle qu’elle a été rappelée dans le communiqué du ministère des affaires étrangères il y a quelques jours.

Ensuite, nous devons absolument empêcher la censure de l’espace public. Des lieux comme la Place d’Armes ou la Citadelle sont des lieux publics qui appartiennent à la nation mauricienne, et il est essentiel de ne laisser personne dicter l’utilisation de ces espaces, tout comme il est essentiel que la peur et la terreur ne nous poussent pas à déserter ces lieux.

* * *

L’échiquier est posé au Moyen-Orient

Cela fait déjà plus de deux semaines que le Hamas a attaqué Israël, initiant un nouvel épisode de violence. La réaction immédiate des autorités israéliennes a été d’annoncer une opération terrestre d’envergure à Gaza, opération qui n’a pas encore eu lieu lorsque nous écrivons ces lignes.

En attendant, l’armée de l’air israélienne n’a eu de cesse de bombarder ce qu’elle appelle des positions du Hamas, faisant des centaines de morts tout autant du côté du Hamas que du côté des civils.

Comme il n’y a aucune réponse idéale, la situation est chaotique. Israël se voit, selon ses dirigeants, dans l’impératif d’une réponse qui doit atteindre deux objectifs.

  • Premièrement, son offensive doit lui donner les moyens de sauver les quelques 200 otages détenus par le Hamas.
  • Et deuxièmement, au vu de la nature de l’attaque du Hamas sur son territoire, Israël pense devoir absolument envoyer un signal fort à ses voisins ; ces derniers pourraient être tentés de poursuivre des incursions sur son territoire au cas où la réponse militaire israélienne ne serait pas adéquate.

Ainsi, s’il paraît qu’une opération au sol serait imminent, il est intéressant de constater également que les dirigeants israéliens sont hésitants. La prudence semble avoir pris le dessus sur la volonté d’une invasion rapide et forte au lendemain des attaques du Hamas, car une opération au sol à Gaza est un piège qui pourrait devenir un bourbier sans solution pour l’armée israélienne.

En fait, le Hamas garde pour l’instant l’initiative sur l’armée israélienne. Malgré les frappes aériennes, les victimes et les dégâts causés à Gaza, le Hamas a obtenu exactement ce qu’il souhaitait en attaquant Israël. En forçant l’armée israélienne à une réponse au sol, le Hamas appliquera les techniques de guerre urbaine maîtrisées par les Afghans et les Iraquiens contre l’armée des Etats-Unis. Un général de l’OTAN a d’ailleurs parfaitement bien décrit la situation à laquelle fera face l’armée israélienne à Gaza en la comparant à la guerre anti-sous-marine.

En effet, la guerre anti-sous-marine est toujours au désavantage de celui qui poursuit, et la guerre urbaine, elle, favorise celui qui connaît parfaitement bien son terrain. Cela donne l’initiative au Hamas et met Israël dans une situation où elle ne saura pas d’où surgira l’ennemi et comment il attaquera. La guerre urbaine comporte donc une forte dose d’incertitudes et de surprises pour l’assaillant, alors qu’elle permet à l’assailli d’utiliser à fond sa connaissance du terrain, et sa capacité de camouflage et d’attaques surprises.

Les généraux israéliens sont parfaitement au courant de cela, et c’est la raison pour laquelle ils sont extrêmement prudents.

Les dirigeants politiques israéliens, eux, ont ouvert des voies diplomatiques afin de tenter de faire libérer les otages, ce qui permettrait à l’armée israélienne de n’avoir qu’une courte intervention au sol à Gaza. L’Arabie saoudite, avec le Qatar, serait en négociations avec des représentants du Hamas afin de trouver une solution à la situation des otages. D’ailleurs, quatre d’entre eux ont été libérés jusqu’à présent. Nous devinons que ces négociations dureront très longtemps avec des libérations au compte-gouttes. Et il est difficile de croire qu’Israël restera les bras croisés en attendant que les quelques 150 otages soient finalement libérés.

Ainsi, ce n’est qu’une question de temps avant que l’opération au sol ne débute. Une telle opération signifierait un basculement de la guerre de Gaza dans une autre phase, qui risquerait de durer très longtemps et serait ainsi au cœur de bouleversements géopolitiques majeurs.

D’ailleurs, la Chine a déjà donné la réplique aux Etats-Unis en déployant plusieurs navires de guerre dans la région. Cela a été fait en réponse au second porte-avion américain envoyé par Joe Biden en Méditerranée. Mohammed Ben Salman (MBS), le futur roi saoudien et actuel Premier ministre, lui, a pris position clairement en affirmant que l’Arabie saoudite était pour l’application de la solution à deux États, avec un retour aux frontières de 1967. Donc, cela impliquerait qu’Israël retourne certains des territoires colonisés aux Palestiniens. Il est intéressant de noter dans la posture de MBS une reconnaissance implicite d’Israël.

En prenant une telle position, MBS pose ainsi également les enjeux pour la région en affirmant qu’une solution durable doit être trouvée. Est-ce que ces conditions impliquent qu’il n’a pas encore fait une croix sur le réchauffement des relations avec Israël ? Nous avons toutes les raisons d’y croire, mais il est également clair que MBS pose également des conditions de non-franchissement d’une ligne rouge par l’armée israélienne.

En tout cas, l’échiquier du Moyen-Orient est bel et bien en place avant que l’opération au sol ne débute.

* * *

Echec du référendum pour la reconnaissance des aborigènes australiens

Les Australiens ont été appelés aux urnes le samedi 14 octobre dernier pour un référendum historique portant, selon son intitulé officiel, sur la Voix des peuples aborigènes et des îles du détroit de Torrès et communément appelé « La Voix au Parlement » (« Voice to Parliament »).

Ce référendum proposait de mettre en place un comité consultatif qui émanerait des peuples aborigènes australiens (il y en a des centaines) et de ceux des îles du détroit de Torrès qui se situent entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée. Ce comité, qui serait inscrit dans la Constitution australienne, pourrait donner son avis sur tout projet de loi concernant ces peuples, régulièrement opprimés depuis le début de la colonisation britannique en 1788. Ils représentent aujourd’hui environ 3% des 26 millions d’Australiens.

En clair, il s’agirait de mettre en œuvre un mécanisme de consultation direct des Aborigènes auprès du Parlement australien (qui est élu par tous les Australiens, y compris les Aborigènes) pour reconnaître les défis spécifiques aux populations aborigènes afin d’essayer d’y apporter des solutions qui proviendraient de ces dernières, plutôt que des décisions prises à leur place.

Ce référendum s’est soldé par la victoire du “non” qui constitue indéniablement un retour en arrière pour la cause aborigène. La campagne des tenants du « non » a d’ailleurs été marquée par des relents de racisme d’un autre temps, contrairement à l’élan de fraternité auquel s’attendait le gouvernement travailliste d’Anthony Albanese, élu en mai 2022.

Ce comité consultatif aurait-il permis la réparation des injustices historiques subies par le peuple aborigène en Australie ? Nous ne le saurons pas. Mais par-delà le racisme certain immanent à ce “non”, de sérieuses questions se posent quant à la pratique même de la citoyenneté en Australie.

En effet, certains intellectuels avaient alerté l’opinion que, malgré l’impératif d’une plus grande intégration des aborigènes aux enjeux nationaux, la forme proposée par le gouvernement australien posait de sérieux problèmes, notamment le fait de poser deux formes de citoyenneté avec, d’un côté, les Australiens aborigènes et, de l’autre côté, tous les autres Australiens.

Les Australiens auraient ainsi été confrontés à deux formes de citoyenneté pour une même souveraineté, ce qui pose un problème conceptuel fondamental quant à la notion d’égalité des citoyens. Ainsi, la condition d’exception que recherchait le peuple aborigène aurait pu ouvrir la voie à des pratiques qui auraient entrainé dans son sillage des différences trop importantes quant aux droits des citoyens.

C’est comme si nous acceptions l’implémentation des lois de la personne de chaque communauté, fondées sur la religion, créant de facto des citoyens qui ont des droits différents des autres. Cette situation est profondément problématique et nous comprenons aisément pourquoi ce genre de situation devrait être évité.

Ainsi, il est triste que la volonté pour plus de justice pour les aborigènes a échoué lors de ce référendum. Mais il est sans doute également plus sage que ce soit le cas. Un pays ne peut pas avoir deux types de citoyens. Il appartient maintenant aux aborigènes de continuer leur combat et de proposer d’autres avenues pour plus de justice.

* * *

Baisse du prix de certains matériaux de construction

Alors que la situation globale fait craindre une reprise de l’inflation qui aura un impact certain sur l’économie locale, le secteur de la construction a reçu une bonne nouvelle avec la baisse du prix de certains matériaux.

En effet, la barre de fer et les céramiques ont connu une baisse de 6% et de 10% respectivement. Cette baisse significative est due à une Roupie forte et à une diminution des frais de port.

Nous voyons ainsi que cette baisse est due à des facteurs volatiles et instables. La Roupie a effectivement repris du poil de la bête mais grâce à des interventions calculées du la Banque de Maurice sur le marché des Forex.

Les frais de port, eux, ont connu une baisse globale, notamment grâce à une normalisation de la logistique globale et une diminution du prix des énergies.

Ainsi, ces prix pourraient repartir à la hausse dans les prochaines semaines. D’ailleurs, l’indice de construction qui était de 132,9 pour le deuxième trimestre de 2023 a légèrement augmenté pour atteindre 133 pour le troisième trimestre.

Les prix du secteur restent donc dans une tendance haussière et cela devrait continuer. Mais nous ne sommes pas pour autant en face d’un ralentissement du secteur.

En effet, la demande pour les biens immobiliers ne cesse de grimper à Maurice, et ce, malgré l’inflation et des prix qui deviennent punitifs. Il semblerait que la raison de cette croissance continue du secteur soit une confiance accrue des investisseurs et des épargnants dans l’immobilier, notamment en faveur des investissements financiers.

L’économie mondiale a été tellement instable depuis le début de la pandémie de la Covid-19que les investissements financiers sont devenus extrêmement volatiles, poussant les investisseurs vers des valeurs sûres et sécurisées.

Ainsi, l’immobilier à Maurice semble émerger comme un secteur refuge aussi bien pour les Mauriciens que pour les étrangers. Est-ce que cette situation durera ou bien sommes-nous en train de créer une bulle immobilière qui risque de se retourner contre nous ? Seul l’avenir nous le dira.


Mauritius Times ePaper Friday 27 October 2023

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *