Sommes-nous déjà en campagne électorale ?

Eclairages

Par A. Bartleby

Pravind Jugnauth se donne les moyens de contrer le piège du Privy Council

L’annonce de la gratuité du préprimaire par le Premier ministre semble avoir envoyé un signal clair que Pravind Jugnauth avait pris note des négociations des partis de l’opposition, et qu’il commençait à mettre en place sa stratégie électorale. Ce sentiment a été renforcé quelques jours après quand le gouvernement a annoncé la distribution de 1,000 cartes de pêcheurs.

Sommes-nous alors déjà en campagne électorale ? Difficile d’être certain, mais il semble clair que Pravind Jugnauth est en train de se donner les moyens de contrer le piège du Privy Council, fixé au 10 juillet prochain.

Ainsi, il ne faudrait pas être surpris si les mesures électoralistes ciblés commencent à se multiplier. De plus, le ministre des finances a entamé cette semaine les consultations budgétaires, en annonçant lui-même que le prochain budget allait encore plus accélérer la relance économique. En d’autres termes, nous allons vers un budget “portes ouvertes”, avec des mesures ciblées pour les entrepreneurs mais aussi pour les ménages. 

Encore une fois, cela ne signifie pas que les élections soient aussi proches qu’on le pense, mais Pravind Jugnauth allume la machinerie petit à petit. La décision du Privy Council jouera pour beaucoup dans la prise de décision en faveur des élections générales anticipées ou non, d’où le fait des effets d’annonces.

En face de cela, les partis de l’opposition continuent à avancer dans leurs négociations. Navin Ramgoolam est apparu à la radio la semaine dernière, après plusieurs années d’absence des plateaux. Il est apparu en bonne santé et sa performance était correcte, même si sa gymnastique du “j’ai appris de mes erreurs et je suis un homme changé” ne semble pas avoir convaincu beaucoup de ses non-partisans.

Mais il a affirmé travailler à un projet pour Maurice, et à un projet de renouvellement. Nous verrons bien ce qu’il proposera, surtout que les annonces de Pravind Jugnauth feront qu’il devra accélérer les négociations afin de ne pas se retrouver pris au dépourvu comme en 2019.

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Célébrations de la fête de l’indépendance

Nous aurions imaginé qu’après trois années de restrictions sanitaires, les festivités de l’indépendance auraient été grandioses cette année. Que nenni ! Il n’en fut rien, avec une cérémonie pour le moins sobre à la State House.

C’est une occasion manquée pour le gouvernement qui aurait pu et qui aurait dû en faire une fête vraiment nationale, avec des activités culturelles et artistiques à travers le pays. C’était l’occasion de célébrer notre pays et notre République de manière digne après la crise mondiale que nous venons de traverser.

Cela est profondément contradictoire puisque, d’un côté, le Premier ministre affirme que le ‘feel-good factor’ est de retour à Maurice, alors que, de l’autre côté, il n’a pas voulu ouvrir les célébrations du 12 mars à la liesse populaire. Avait-il peur que les célébrations officielles ne se transforment en une réprimande contre un gouvernement qui semble s’engouffrer dans des affaires?

Nous ne pouvons que spéculer, mais il est certain que la cérémonie à la State House n’était pas à la hauteur des attentes.

Heureusement que les Mauriciens, eux, se sont rattrapés en célébrant notre quadricolore comme il se doit puisque ce dernier flottait fièrement un peu partout dans l’île pendant ce weekend.

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Aukus avance

L’accord de coopération militaire entre les États-Unis, la Grande Bretagne et l’Australie – l’Aukus – qui avait été annoncé il y a quelque temps déjà est passé à la vitesse supérieure cette semaine. En effet, les trois pays ont donné plus de détails concernant la livraison de cinq sous-marins à propulsion nucléaire – qui n’auront pas des capacités d’armements nucléaires – à l’Australie d’ici 2030.

Cela vient au moment où les tensions montent entre les États-Unis et la Chine, le ministre des affaires étrangères chinois sortant de sa réserve habituelle pour affirmer que les choses pouvaient dépasser le point de non-retour entre les deux pays.

Cela fait quelques semaines déjà que l’armée de l’air chinoise se frotte avec la US Air Force en Mer de Chine et dans le Détroit de Taïwan. Plusieurs appareils militaires américains ont été sommés de se retirer de l’espace aérien par des appareils chinois. Cette escalade intervient également dans le contexte où la Chine a affirmé clairement son soutien à la Russie dans la guerre en Ukraine. Ce soutien se traduira notamment par la livraison d’armes et d’obus à l’armée russe. Cela n’annonce rien de bon quant à la situation de Taïwan, avec une invasion chinoise devenant de moins en moins improbable.

Le gouvernement chinois n’a pas encore réagi à l’annonce d’Aukus de livrer les cinq sous-marins à l’Australie d’ici quelques années, mais nous devinons que cela ne fera que élever la spirale des tensions sécuritaires.

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Silicon Valley Bank. Une autre Lehman Brothers ?

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans le monde de la finance. La Silicon Valley Bank (SVB), la 16eme plus grosse banque américaine et celle qui se trouve au cœur de la révolution digitale américaine, s’est effondrée. Cette nouvelle en a surpris plus d’un puisque la SVB s’était très bien remis de la crise de la Covid-19 et tout laissait croire que les fondamentaux de cette banque étaient solides.

Mais l’effondrement serait lié au fait que la SVB avait émis tellement de « bonds » que ces derniers se sont retrouvés dans une spirale négative avec l’accroissement des taux d’intérêt par la Fed. La SVB a ainsi ouvert une capitalisation d’un peu moins de $2 milliards afin de sécuriser ses « bonds », ce qui a produit un effet de panique parmi ses stakeholders. En l’espace de deux jours, la banque s’est effondrée alors qu’elle avait une capitalisation de près de $200 milliards.

Le président américain, Joe Biden, s’est tout de suite voulu rassurant, en assurant que l’effondrement de la SVB n’était pas similaire à celui de Lehman Bros qui avait provoqué la crise économique de 2008. Les régulateurs américains se sont adaptés depuis la catastrophe Lehman Bros, et l’effet de l’effondrement de la SVB se fera moins ressentir sur les marchés financiers.

C’est le temps qui dictera si c’est vrai ou pas. Mais ce qui est sûr, c’est que cette situation ne présage rien de bon pour une économie mondiale en pleine phase de reprise.

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Le rapport V-Dem: Glissement inquiétant de la démocratie mauricienne

L’institut suédois V-Dem vient de sortir son rapport annuel sur l’état de la démocratie dans le monde. Pour rappel, l’année dernière, ce même rapport faisait état d’un glissement inquiétant de la démocratie mauricienne vers un système autocratique. C’est donc sans surprise que le rapport de cette année confirme cette tendance, en tirant toutefois la sonnette d’alarme, et affirmant que la démocratie à Maurice ne tiendrait qu’à un fil.

Il est indéniable que ce genre de rapport a une certaine influence sur l’image de Maurice à l’étranger, notamment en ce qui concerne la confiance des investisseurs dans notre pays. Nous verrons bien si l’impact sur les investissements se fera ressentir tôt ou tard.

Ce rapport est publié dans le contexte de la levée de boucliers du Commissaire de Police (CP) contre le DPP, dans le cadre de la libération de l’activiste Bruneau Laurette. Les affidavits du CP ont soulevé de sérieuses questions dans le monde judiciaire, et témoignent de la situation inédite d’une guerre ouverte entre des individus occupant des postes constitutionnels dont les fonctions ne doivent pas être politisées. Nous voyons ainsi des précédents inquiétants qui ouvrent la porte à une culture de la politisation des institutions qu’il faut à tout prix éviter.

Mais revenons au rapport de V-Dem… Certes, le recul est avéré au niveau de l’indépendance des institutions, mais dire que la démocratie ne tient qu’à un fil à Maurice semble pour le moins problématique. Contrairement à la plèbe, qui hurle constamment que nous vivons en dictature, V-Dem est une institution sérieuse qui se doit d’opérer avec l’objectivité la plus absolue.

Sommes-nous donc au bord d’un effondrement de la démocratie à Maurice ? Non. Nous ne sommes pas en face d’un régime totalitaire. Mais cela ne signifie pas que nous ne nous enfonçons pas dans quelque chose qui commence à ressembler à un État policier.

Et la vraie question est là : au lieu de constamment clamer que nous sommes en permanence la proie de la dictature, que propose l’alternative politique pour sortir Maurice de cette situation ?

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Imran Khan barricadé chez lui

Alors que la police pakistanaise essayait d’arrêter Imran Khan, les partisans de ce dernier ont formé des barricades afin d’empêcher les policiers d’accéder à la résidence de l’ex-Premier ministre.

Un mandat d’arrêt avait été émis à l’encontre de l’ancienne star du cricket dans une affaire de corruption, et la police a tenté de l’arrêter deux fois en un mois mais sans succès. Les affaires ne cessent d’ailleurs de s’accumuler pour lui depuis qu’il a été évincé du pouvoir par une motion de censure en avril de l’année dernière. Mais Imran Khan reste malgré tout très populaire, comme le démontre le soutien de ses partisans, qui risquent leur vie pour le défendre.

Tout cela se déroule dans un contexte extrêmement tendu au Pakistan, avec des législatives prévues en fin d’année. Imran Khan a plusieurs fois remis en cause la légitimité du gouvernement actuel et est certain de pouvoir remporter les prochaines élections.


Mauritius Times ePaper Friday 17 March 2023

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