La réalité d’ici et d’ailleurs

By Nita Chicooree-Mercier

Le soleil tapait fort ce jour-là à Port-Louis. A peine descendus de l’autobus, la santé et le confort obligent, les uns et les autres ont sorti parasol, chapeau de paille et casquette pour éviter de se faire cuire au soleil. Les touristes avertis étaient équipés eux-aussi, heureux d’échapper à un hiver qui les faisait cailler en Europe; mais pas question de se farcir ou de griller au soleil, avec le risque de gâcher les vacances (le langage courant prête au soleil des vertus culinaires). Le soleil abîme nos tendres yeux par son éblouissement en plein été et serait responsable d’une espérance de vie moins longue à la différence de ceux que l’hiver enveloppe de son manteau gris pendant quelques mois dans lespays du Nord.

‘Faisant fi du politiquement correct et du discours victimaire, le tandem Sunak et Bravewoman (!) n’a pas fini de prendre les taureaux par les cornes, et aussi, de traîner les grooming gangs (2), délinquants, kidnappeurs et violeurs de jeunes filles au tribunal par une série de mesures sans précédent…’ P – Manchester Evening

Un couple mauricien en bermudas, avec une casquette sur la tête, avançait avec leurs deux fils d’un pas nonchalant, de cet air décontracté des expatriés en vacances. Le cadet ayant cinq ou six ans tenait la main de sa mère, et contre toute attente, levales yeux vers ses parents et déclara: ‘Je suis Mauricien.’ L’aîné de dix ou onze ans scruta les abords de la ville sous le soleil accablant et lâcha son verdict: ‘Moi, je suis Français.’ Amusés par ce sursaut identitaire de leurs garçons, les parents sourièrent.

Quelques mètres plus loin, quelques touristes français pressaient le pas, très motivés à découvrir la capitale. L’un deux éclaira les lanternes du groupe: ‘Hé! Vous savez qu’ils parlent plusieurs langues ici. Le créole, le français, l’anglais…”.D’ordinaire, l’esprit français moyen ne s’aventure pas à prononcer le nom d’autres langues en dehors de ce trio linguistique.

Dans cet élan admiratif, le visiteur de passage ignore l’effet compresseur qu’a joué le kreol sur les deux autres langues grâce à la propagande des idéologues bien-intentionnés. L’appauvrissement du débat public et l’indigence de la pensée circonscrite par une lexique déficitaire en sont les conséquences. Jusqu’à présent, personne ne s’est donné la peine de mesurer l’étendue des dégâts dans les esprits et dans l’espace public.

Quelques étals du marché se trouvant aux environs de la gare étaient vides suite aux dernières intempéries. Les légumes devenaient de plus en plus rares. Une jeune femme d’une trentaine d’années y tenait un étal où diverses plantes étaient exposées. Elle arborait un sourire charmant en parlant de ses plantes, des soins qu’elle leur prodiguait et de leurs besoins; elle les vendait en moyenne à Rs 200. Lors de cette conversation de circonstance, elle avoua qu’elle aimerait partir en France ou à la Réunion. 

– C’est pour donner une meilleure vie à mes trois enfants, voyez-vous.

Son mari avait 60 ans et il venait de sortir de prison après cinq mois d’incarcération pour recel.

– Mais il ne savait pas que c’était des articles volés, assura-t-elle.

Elle n’avait pas reçu d’éducation formelle, mais elle était pleine d’énergie et de motivation. Quelles opportunités à Maurice? L’usine?

–Non, ce n’est pas intéressant pour moi, de longues heures de travail, je ne pourrai pas être là pour mes enfants à la sortie de l’école, et le salaire est insuffisant.

Pour toute mère qui se respecte, une disponibilité auprès des enfants est primordiale. En fait, il faudrait un minimum de Rs20,000 pour vivre à cinq, dit-elle.

–J’aimerais profiter de la vie, avoir une voiture et faire des sorties avec mes enfants, vous comprenez.

Quitte à faire le ménage à l’étranger, elle serait prête à s’envoler avec son époux et ses enfants vers d’autres cieux. Puis vint la requête inévitable.

— Qu’en pensez-vous? Pourriez-vous faire quelque chose pour moi?

Le brin de causette reprit à chaque passage au marché. Elle leur laissait son nom: Mélanie Jane.

Cette charmante personne donnait envie qu’on lui tende la main. L’époque de sacrifices et de longues années d’attente pour sortir la tête de l’eau est révolue. Cela se comprend. Vivre pleinement, c’est maintenant. Pour l’heure, elle s’était résolue à vendre le terrain que son époux possédait à Baie duTombeau pour acheter une voiture et transporter ses plantes dans le nord de l’île où elle serait plus à même de trouver une meilleure clientèle.

Est-ce qu’elle voudrait émigrer légalement?
— Ah oui, bien sûr. Je veux partir avec des papiers en règle.

En effet, les années 70-80 sont loin derrière nous. Ce sont les années de l’interminable tunnel noir à traverser dans le silence de l’angoisse et du désespoir, où tous les subterfuges étaient bons pour se faire une place au soleil dans les pays froids.

Après une laborieuse mise en place de l’infrastructure industrielle et l’accès à l’éducation gratuite, le début des années 80 marquèrent un tournant dans un décollage économique qui ont veillé, depuis, à ce que la nourriture ne manque pas dans les ménages les plus modestes. Depuis les années 2000, la voiture est devenue le symbole incontournable de liberté et de loisirs. Quoi de plus normal que de vivre avec son temps !

C’est réconfortant, néanmoins, de constater que les plus démunis à Maurice sont bien loin du désespoir qui pousse des clandestins à s’aventurer sur des embarcations fragiles contre vents et marées pour atteindre les rives de l’Angleterre, assiégée par un flot de demandeurs d’asile. Ici, c’est sur les ailes volantes et avec des documents officiels en poche que la présente génération entend s’expatrier si besoin est.

* * *

Le tandem Sunak et Bravewoman

Si l’Angleterre a choisi le Brexit, c’est aussi pour retrouver sa souveraineté en matière d’accueil des migrants sans avoir à se plier aux diktats de l’Union européenne, elle-même soumise à d’autres lobbys du système capitaliste pour recruter une main-d’œuvre étrangère coûte que coûte, grossir le nombre de consommateurs, et, faisant d’une pierre deux coups, satisfaire au passage le projet des idéologues de l’Open Society d’encourager, non pas une immigration raisonnée, mais un envahissement de l’espace européen par le surplus d’une démographie galopante des pays du Sud.

Une démographie galopante en Afrique, par exemple, qu’aucune voix des élites économiques, politiques et médiatiques oserait remettre en question sous peine de s’attirer la foudre de la bien-pensance mondialisée (1), et de se faire taxer de xénophobe, raciste et d’autres qualificatifs peu flatteurs. Ces bien-pensants sont nombreux dans la sphère politico-médiatique, en Occident et ailleurs, dans le monde enseignant jusqu’à l’université, chez certains intellectuels, écrivains, et un public qui souscrit à l’angélisme ambiant. Ils sont les tenants d’une vision binaire de la marche du monde à travers le prisme moralisateur du bien et du mal, et des dominants/dominés, riches/pauvres, etc.

Ceux-là répondent à tout discours déviant par l’hystérie vociférée à tue-tête dans la rue ou par les insultes et propos déplacés chez les diplômés à qui la presse donne la voix. L’Angleterrese trouve dans une impasse économique sans précédent etpeine à nourrir et loger ses propres citoyens, mais est sommée par les donneurs de leçons à assouvir le rêve de tous ceux qui s’invitent contre vents et marées sur son sol.

A Maurice, plus que le perfide Albion, ce sont les deux dames de fer, Priti Patel et Suella Braverman qui font les frais d’un diatribe hargneux par ceux qui confondent origine ethnique, couleur de peau et la politique de l’immigration approuvée par le premier ministre, Rishi Sunak. Faisant fi du politiquement correct et du discours victimaire, le tandem Sunak et Bravewoman (!) n’a pas fini de prendre les taureaux par les cornes, et aussi, de traîner les grooming gangs (2), délinquants, kidnappeurs et violeurs de jeunes filles au tribunal par une série de mesures sans précédent.

Le political correctness en raison de l’origine ethnique is not right, déclare sans détour le premier ministre. Bravant le silence coupable de la BBC et la démission des politiciens anglais, de la justice et de la police à assumer leur devoir pendant plus de vingt ans, ces deux personnes d’origine étrangère crachent le feu au Parlement dans la grisaille de Londres, redonnent leur dignité aux jeunes victimes et à l’Angleterre, son honneur perdu. Qui veut leur cracher dessus, hein ?

1. Chez les locuteurs francophones, ce terme désigne l’opinion et le comportement des personnes bien-pensantes, c’est-à-dire elles ont des idées et des convictions (religieuses ou politiques) conformistes et elles tiennent toujours des discours politiquement corrects. 

2. Le terme “Grooming gangs”fait référence aux stratégies employées par des gangs pour charmer et attirer des jeunes filles afin de les orienter vers l’industrie du sexe (« sexbusiness ») ou pour satisfaire des besoins personnels à travers la violence sexuelle, portant ainsi atteinte aux droits fondamentaux de la personne.


Mauritius Times ePaper Friday 7 April 2023

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