Le MSM aura besoin du MMM ou de faire revenir le PMSD. Le PTr aura besoin du PMSD et du MP. Le MMM aura besoin d’alliés »

Interview – Lindsay Rivière, Journaliste

 « Qui peut vraiment envisager d’aller seul ?


Dans une démocratie, tout système électoral établit un mode de scrutin visant à attribuer à chaque parti politique un nombre de sièges suite à un exercice de vote des citoyens sur l’ensemble du territoire national. Le mode de scrutin majoritaire est un héritage de la tradition britannique dont la solidité n’est plus à démontrer. Ce système est opposé à un système proportionnel. Dans ce cas, les partis obtiennent un nombre de sièges proportionnel au nombre de suffrages obtenus. D’autres pays utilisent un système mixte, certains y apportent aussi d’autres innovations. Cette semaine, Lindsay Rivière s’attarde sur la réforme proposée par le Gouvernement mauricien et les enjeux d’une telle réforme pour les partis politiques et les citoyens. 

 

Mauritius Times : Avez-vous l’impression, M. Rivière, que nous sommes en train de passer à côté de la plaque avec toutes ces discussions interminables sur la réforme électorale — le vrai problème étant le blocage politique que connait le pays depuis des années déjà, cela au niveau des partis, du système politique et du discours politique, et qu’aucun projet de réforme de notre système électoral proposé et taillé sur mesure par nos politiciens ne pourrait résoudre ?

Lindsay Rivière : Vous avez raison. Au lieu de se concentrer sur les enjeux économiques et les défis sociaux, le Gouvernement engage ces jours-ci le pays dans un autre débat stérile : une réforme électorale qui n’a aucune chance d’aboutir.

La réforme électorale proposée par le MSM-ML est, en effet, un mort-né. Les points de vue exprimés jusqu’ici sur les principes et les modalités de la réforme proposée sont irréconciliables. Le projet ne saurait, de ce fait, mobiliser les trois quarts des votes requis au Parlement pour son adoption. Il ne va donc nulle part.

Le plus tôt on l’enterrera dans sa forme actuelle pour passer à autre chose, le plus vite le pays reviendra à d’autres questions prioritaires. Le Gouvernement sait, d’ailleurs, que cette réforme est irréalisable. S’il présente cette ébauche, tout en sachant qu’elle ne passera pas dans l’opinion, c’est pour faire semblant de tenir compte de l’opinion internationale, pour sembler tenir une promesse électorale de 2014 et peut-être pour commencer à intéresser un possible allié aux prochaines élections.

* Que peut-on reprocher à cette première ébauche, selon vous ?

Dans sa formulation actuelle, la réforme proposée est une mascarade. Chacun est d’accord pour maintenir la primauté du système de ‘First Past the Post’ (FPTP) et de garantir ainsi une ‘workable majority’ au vainqueur.

Mais l’essence même de la Représentation Proportionnelle (RP) proposée est d’assurer en même temps un rééquilibrage partiel des sièges pour représenter au final un tableau plus juste et balancé du vote populaire obtenu par les vaincus. Ceci implique nécessairement des variations dans la répartition finale des sièges.

Or, la Représentation Proportionnelle proposée par le MSM-ML ne traduit absolument pas en fait cette volonté de rééquilibrer la composition du Parlement. Elle ne fait que ‘duplicate’ fidèlement le résultat sorti du ‘First Past the Post’.

Le Gouvernement (poussé dans ce sens par Sir Anerood) est paranoïaque à partir de la situation rodriguaise et demeure fixé sur le besoin absolu, comme il est écrit au Para. 2 (iii) « to ensure that the majority arising from the First Past the Post System remains the same after the allocation of pr and additional seats ».

Ceci ne rejoint pas l’intention de la représentation proportionnée, dans la mesure où les vaincus (mal représentés eu égard à leur force électorale réelle) demeurent malgré le PR tout aussi mal représentés dans un Parlement élargi.

Il n’y a donc ni traduction en sièges du score des vaincus, ni rééquilibrage véritable, ni variation éventuelle des forces parlementaires en présence. Dès lors, à quoi, sert cette réforme ?

Il y a, par ailleurs, d’autres inepties, comme le choix par les leaders de partis de parlementaires additionnels (ce qui nous ramène aux temps coloniaux où le Gouverneur anglais désignait, selon son bon vouloir, certains Membres du Parlement) ou encore le fait qu’il existerait des règlements anti-transfuges qui ne s’appliqueraient que « in the case of PR and additional seats », et pas dans le cas des élus du FPTP, toujours pour garantir demain une représentation exacte du résultat.

Quant aux candidatures féminines, on n’a besoin d’aucune réforme électorale pour faire que les partis politiques désignent autant de femmes qu’ils le désirent (et même une majorité de candidates) aux élections.

* Tout cela fait donc de la réforme proposée par le Gouvernement MSM-ML un ‘non-starter’ ?

Tout à fait. En fait, le vrai problème d’un nouveau système électoral incorporant une dose de ‘Proportional Representation’ est qu’il n’y a pas et qu’il n’y a jamais eu, au PTr et plus tard au MSM, de volonté politique réelle de changer le système imposé par les Anglais. Pour une raison bien simple : le système électoral actuel à un tour les arrange et assure leur domination de la vie politique et des alliances.

Ce sont les partis historiques d’Opposition (PMSD dans les années 60, et MMM depuis 1976), qui, souvent perdants, ont milité pour corriger le système, assurer plus de justice et une meilleure représentation de leur force et de celle des autres sur le terrain. Sur ce plan, le pays nage en pleine hypocrisie. Le PTr et le MSM ne disent pas tout à fait ‘non’ mais travaillent en sous-main afin qu’une bonne formule ne soit jamais mise au point et adoptée. Donc, ‘more of the same’, élections après élections! Et quand on a les trois quarts au Parlement, on dit qu’on n’a pas de mandat populaire pour agir et qu’il faut attendre le prochain mandat.

Le PTr et le MSM n’ont infléchi légèrement leurs position sur le PR qu’en raison de deux facteurs :

(a) la raclée subie par le PTr en 1982 (aucun élu parlementaire pour 39% des voix populaires) et celle subie par le MSM en 1995 (aucun élu malgré 21% des voix), ce qui les a forcément fait réfléchir, et

(b) pour cajoler le MMM dans la perspective d’alliances électorales, en 2000 et 2014. Mais, au fond, le cœur n’y est pas et PTr et MSM n’y croient guère.

Tous les bons efforts de Rama Sithanen butent contre cette absence de volonté politique et n’y changeront rien. Ajoutez à cela l’opposition active du PMSD et d’une frange des milieux musulman et Population générale à l’abolition du ‘Best Loser System’, les contestations probables en Cour et on a le verdict : Toute réforme électorale proposée ne passera pas. C’est dommage, c’est terriblement frustrant mais c’est comme ça !

* Il y a autre chose : sans tomber dans l’exagération pour dire que notre démocratie représentative serait en crise, toutefois le taux d’abstention qui ne cesse de croître au fil des élections, le sentiment de plus en plus de personnes qui estiment que le vote aux élections n’est pas un moyen de changer réellement les choses – ceux-là devraient aussi nous interpeller, n’est-ce pas ?

La désillusion grandissante, voire le divorce entre la population et les politiciens, est un des plus graves dangers auxquels Maurice est confrontée aujourd’hui. Si on n’y prend garde, bientôt seuls 50% des gens voteront. Un élément essentiel de notre vie publique est en train de se distendre. Cela affaiblit progressivement nos institutions démocratiques et fait le lit d’un populisme pernicieux, d’une dictature possible. Il faut absolument inverser cette tendance et restaurer la crédibilité du processus politique.

Venir seulement dire, comme le MMM, que « tous les politiciens ne sont pas pareils » – même si c’est vrai – ne suffit pas. La perception des politiciens est extrêmement sévère. Le pays, sa jeunesse surtout ne se retrouvent plus du tout dans l’offre politique actuelle. L’accumulation de controverses et de scandales déprime la nation. Certains désespèrent, d’autres disent à leurs enfants de partir sans esprit de retour. Le grand mot par rapport au jeu politique est « dégout ».

De nombreux Mauriciens disent ‘ne pas vouloir voter la prochaine fois’. Or, ne pas voter, se retirer du jeu politique n’est pas du tout une solution. Pour commencer, ne pas voter, c’est bafouer en quelque sorte un droit que nos ancêtres ont très durement acquis pour les générations futures. Puis, ce n’est pas très malin. Moi, je dis toujours ceci à tous ceux qui déclarent qu’ils ne voteront plus parce qu’ils sont supposément ‘dégoutés’ :

« Alors, dans ce cas demain taisez-vous, puisque vous avez choisi de ne pas avoir voix au chapitre et de ne pas être partie prenante du processus. Subissez donc ! ».

J’ai presque envie de dire, en parodiant qui on sait, « Un électeur, ça vote ou ça ferme sa bouche ! ».

C’est avec de tels refus d’assumer ses droits civiques venant de la part d’une grande tranche de l’opinion publique, qu’on voit émerger aujourd’hui dans le monde des Trump ou encore des forces d’extrême-droite en Europe, au Brésil et ailleurs. C’est parce que les jeunes Britanniques supposément ‘dégoutés de la politique’ ont choisi de ne pas aller voter au référendum (alors que les vieux conservateurs, eux, votaient en masse) qu’ils ont eu le Brexit et qu’ils auront demain à en subir tous les effets.

Ne pas parler, ne pas écrire, ne pas protester, ne pas voter, ne pas manifester et se retirer dans sa caverne pour bouder, cela ne change absolument rien. Parce que le cirque politique, lui, continue de plus belle avec ses imperfections et il faut bien que le pays, entretemps, tourne et soit gouverné par quelqu’un, n’est-ce pas ?

* Voulez vous dire que les politiciens ne sont pas la solution, ils font partie du problème ?

Les partis politiques sont les premiers responsables de cet état de choses, en n’écoutant pas les citoyens. Ils doivent mesurer pleinement l’ampleur de cette épidémie d’abstention qui s’étend et menace notre démocratie, avant qu’il ne soit trop tard. Il faut que les chefs comprennent que leur parole est aujourd’hui terriblement dévaluée, que les structures des partis sont désuètes, que les gens en ont assez et qu’avec les moyens modernes de communication, tout le monde désormais les observe en permanence. Ils sont, certes, une grande partie du problème, mais en même temps ils demeurent aussi et doivent demeurer une partie de la solution.

Il y a plusieurs causes au dépérissement politique actuel mais il faut insister sur le fait qu’un des gros problèmes est que la qualité de la classe politique mauricienne a considérablement baissé depuis l’Indépendance et continue de baisser de Parlement en Parlement. Sans vouloir être inutilement désagréable, il faut commencer à le dire haut et fort et interpeller les chefs de partis sur leur entourage et leur insistance à nous imposer autant de non-valeurs.

Vous savez, les institutions ne valent que ce que valent les hommes et les femmes qui les composent. Dans le Parti Travailliste de l’Indépendance, pour former un gouvernement, Sir Seewoosagur disposait d’un réservoir considérable de collaborateurs à très forte personnalité, des Veerasamy Ringadoo, Satcam Boolell, Harold Walter, Kher Jagatsingh, Guy Forget, Raymond Rault, Razack Peeroo, etc., avec beaucoup d’autres derrière la porte. Aujourd’hui, à part de quelques ténors un peu usés, sur qui Navin Ramgoolam peut-il véritablement compter pour porter plus loin ce pays ?

Gaëtan Duval pouvait mobiliser, pour un gouvernement, des Guy Ollivry, Maurice Lesage, Gaëtan de Chazal, Jean Ah Chuen, Cyril Leckning, Ebrahim Dawood, Raymond Rivet et autres. De quelle équipe Xavier disposera-t-il?

Paul Bérenger, au MMM, reposait autrefois sur les conseils de Cassam Uteem, Jean-Claude de l’estrac, Vidula Nababsingh, Kader Bhayat, Ramdath Jaddoo, Jayen Cuttaree, Alan Ganoo et tant d’autres. Il a aujourd’hui fait le vide autour de lui. Qui aura-t-il demain, en 2019 dans son équipe ?

Au MSM, chacun voit bien qui entoure Pravind Jugnauth, leurs comportements, dans quelles circonstances ils viennent et partent. Le PM croit-il pouvoir, seul, en 2019 incarner les temps nouveaux ?

Notre classe politique abrite trop d’opportunistes et d’incompétents en tous genres; notre réservoir de talents politiques s’assèche alors même que les enjeux deviennent plus complexes et que les pouvoirs et responsabilités des ministres augmentent sans cesse. Il faut alors poser la question : Où va le vaisseau Maurice avec pareils équipages ?

L’ironie de la situation, c’est que jamais encore comme aujourd’hui, Maurice n’a compté dans sa société civile autant de talents, de compétences, de jeunes ouverts sur le monde, autant d’universitaires, de techniciens de haut niveau qu’on n’utilise guère. Nous égratignons à peine le potentiel de ce pays. Tout ce qui est et tout ce qui pourrait être ! Tous les jours, on a envie de se dire : « Mon Dieu ! Quel gâchis ! »

* La nouvelle génération de politiciens ne nous inspire pas confiance, non plus ?

Il faut respecter toute volonté d’engagement mais on doit aussi, au vu de certaines pratiques, s’interroger : Ceux qui arrivent veulent-ils servir ou se servir ?

Il faut toujours faire confiance aux jeunes, les encourager. Initialement, ils veulent tous bien faire. Mais la politique mauricienne semble avoir cette terrible faculté de récupérer et de pervertir tant de bonnes volontés. Il faut être beaucoup, beaucoup plus exigeant vis-à-vis de ceux qui rejoignent notre classe politique.

J’observe avec beaucoup d’attention la ‘troisième génération MMM’ qui lève la tête aujourd’hui aux côtés de Bérenger, ceux qui rejoignent Alan Ganoo, Xavier Duval et Roshi Bhadain. Au MMM, le Leader semble avoir pris un tournant décisif, ces derniers mois, en laissant partir sans état d’âme les Obeegadoo, Jeeha, Labelle, Sorefan et autres de la ‘deuxième génération MMM’ et en jouant la carte de la jeunesse et du renouvellement. Paul Bérenger semble vraiment faire le pari de la jeunesse et travailler lui aussi à un ‘MMM revival’, non pas en cultivant la nostalgie du MMM d’hier mais en plaidant pour un MMM réinventé.

Avez-vous remarqué comment il a fait une croix sur Steve Obeegadoo (que j’ai toujours tenu pour son successeur naturel) en disant assez sèchement aux jeunes militants de Curepipe qu’il faut « désormais en finir avec le romantisme du MMM d’hier » pour « assumer le siècle et les réalités d’aujourd’hui » ?

Au moment où ça se passe, le MP et le Groupe Obeegadoo/Jeeha veulent, au contraire, incarner un retour au MMM d’hier. Curieux tout cela, ne trouvez-vous pas ?

* Vous avez toujours soutenu que la vie politique mauricienne est ‘bloquée’, avec quatre grands partis. Le même leadership va donc perdurer, selon vous? Ce sera encore du pareil au même ?

Je le pense toujours. Le jeu est bloqué depuis 50 ans de par le modèle qui nous a été imposé à l’Indépendance : même constitution, même système électoral, même nécessité d’alliances électorales, même dictature des leaders, même calculs ethniques. On peut le déplorer, être frustré autant qu’on veut, rêver les yeux ouverts : il n’y a rien à faire.

Il n’y a que quatre grands partis à Maurice et tout tourne autour d’eux : PTr, MMM, MSM et PMSD. Tous les autres groupes ne sont que des branches de ces quatre grands arbres, sans possibilité de représentation parlementaire hors-alliances. Il n’y aura pas de nouvelle grande force politique à Maurice d’ici les prochaines élections, pas de Macron mauricien venu de nulle part pour tout balayer, pas de ‘troisième voie’. Bhadain, Ganoo et autres finiront tranquillement dans une alliance ou une autre. Il faut cesser de rêver à de nouveaux paramètres.

Il peut, bien sûr, arriver que des jugements en Cour, défavorables contre Navin Ramgoolam ou Pravind Jugnauth, mettent leurs ambitions en veilleuse ou même mettent un terme à leur carrière. Dans ce cas, on verrait alors émerger Arvind Boolell et Nando Bodha, mais même ces éventuelles transitions ne changeraient pas grand ’chose aux règles du jeu, aux blocages et au cadre politique général.

* Faut-il donc un réexamen de notre Constitution pour qu’on puisse se libérer des différents blocages qui emprisonnent le pays et son développement présentement ?

Dans l’idéal, oui. Il faut effectivement une nouvelle Constitution, avec des pouvoirs plus équilibrés, un Etat plus ‘neutre’, etc. Mais, là encore,

  • Qui va initier cette démarche ?
  • Qui va nommer une Commission Constitutionnelle ?
  • Qui va apporter devant le Parlement des modalités d’une nouvelle Constitution ?
  • Et quelles sont les chances que ces réformes soient votées à une majorité de trois quarts par des élus PTr, MMM, MSM ou PMSD?

Vous avez vu le sort réservé à la réforme électorale. Vous croyez vraiment qu’il y aura une majorité de réformateurs dans tout nouveau Parlement ?

Il est important de toujours incorporer cet élément dans notre réflexion : le PTr et le MSM n’ont absolument aucun intérêt à changer quoi que ce soit de fondamental dans notre pays, parce que le cadre général actuel assure et garantit leur pouvoir. Le MMM et le PMSD, seuls, ne peuvent rien y faire, malgré leur bonne volonté ou leur frustration.

La Constitution mauricienne a été taillée sur mesure par les Anglais pour SSR. Avec sa majorité des trois quarts pour changer quoi que ce soit, elle est inamovible. A part la République aux changements limités, elle a convenu parfaitement à Sir Anerood qui s’est coulé dans le rôle et elle convient parfaitement à Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth, comme elle conviendra parfaitement après-demain aux futurs leaders Travaillistes et MSM.

* on se demande si les principaux partis politiques du pays souhaitent vraiment réformer notre système électoral. Au regard du rapport de forces qui se présente sur l’échiquier politique présentement et qui semble va continuer de prévaloir jusqu’aux prochaines élections générales, l’actuel système électoral devrait jouer à l’avantage à la fois du PTr comme du MMM avec des conditions politiques semblables à 1976…

En évoquant 1976 et « des conditions politiques semblables pour le MMM », ceci nous ramène à la question « d’aller seul » aux élections. Beaucoup de gens dans tous les partis, et non seulement au MMM, s’interrogent sur la possibilité « d’aller seul, quitte à faire une coalition après ». C’est là une ambition parfaitement légitime, un objectif très mobilisateur à la base.

De plus, beaucoup de gens ont beaucoup de comptes à régler avec les autres partis et ne veulent pas aider ces partis. Beaucoup croient aussi que leur parti peut, profitant de l’éclatement du vote, « passer entre et gagner ». Tout le monde en a ‘assez’ des alliances où il faut faire des compromis, sacrifier des fidèles à l’autel du communalisme et aussi sembler cautionner les erreurs et abus des alliés.

On peut aisément comprendre tout cela et le respecter. Mais est-ce bien réaliste ? C’est la question que j’ai toujours posée publiquement, en invitant le pays à être plus rationnel et moins émotionnel sur la question.

Je suis, en effet, de ceux qui croient que notre système électoral et politique impose des alliances aux partis, bon gré mal gré, qu’il y aura comme d’habitude des alliances en 2019, que personne ne prendra le risque d’être laminé hors-alliance ou de voir le pays ingouvernable ; et que, malgré ce que disent les uns et les autres, personne n’ira seul en 2019 ou 2020, à moins d’être lâché par tous les autres et se retrouver forcé et contraint d’aller seul (comme le MMM en 2010), faute d’invitation.

Pour gagner une élection et gouverner de manière stable à Maurice, il faut une force susceptible de mobiliser au moins 400,000 électeurs et un million de suffrages, gagner dans une douzaine de circonscriptions, être représentatif de toutes les régions, bénéficier d’un soutien multiethnique, offrir une image nationale, un programme acceptable et finir avec au moins 35 sièges au Parlement. Personne ne peut réunir ces conditions – ni le PTr, ni le MSM, ni le MMM, encore moins le PMSD.

Aucun parti n’a jamais gagné seul. Toutes les élections depuis 1963 (soit 55 ans) ont été gagnées par des coalitions pré-électorales conclues sur ces bases.

Si « aller seul » peut paraître séduisant, les dangers pour tous les partis sont énormes :

  • risque d’être balayé partout, même avec des scores honorables et de ne pas se retrouver au Parlement ;
  • risque de ne pas pouvoir assurer la représentativité ethnique requise en cas de victoire ;
  • risque de voir ‘les autres’ conclure une coalition de dernière minute et de se retrouver seul face à une force invulnérable (comme le MMM en 2010 se retrouvant subitement face à une surprenante alliance PTr-MSM) ;
  • risque de ne pas pouvoir négocier une alliance post-électorale ou de se voir soumis à d’infâmes chantages ;
  • risque de voir ses leaders éliminés maintenant qu’on voit qu’il n’y aura sans doute pas de réforme électorale ;
  • risque que le pays soit ingouvernable si les partis ne s’entendent pas pour une coalition gouvernementale.

On est encore loin de 2019 ou 2020 mais il faudra, peu à peu, se poser la question suivante : Qui peut vraiment envisager d’aller seul ?

  • Un PTr dont le MSM s’assurera que nul n’oublie et ne pardonne ses frasques de 2005-2014 ?
  • Un MSM écrasé sous le poids de scandales et de controverses lors de son passage au Gouvernement ?
  • Un MMM descendu à 14% à Quatre Bornes ?
  • Un PMSD dont l’image a été ébranlée par l’ampleur de sa défaite dans cette ville et la perte de caution de son candidat ?
  • Qui ?

Jusqu’à preuve du contraire, je crois donc toujours qu’il y aura bel et bien des alliances aux prochaines élections, menées probablement par le PTr et le MSM, même si les contours de ces alliances pourraient demeurer imprécis pendant les longs mois nous séparant des élections.

Les alliances politiques à Maurice ne sont jamais des mariages d’amour mais correspondent à des réflexes ultimes de survie. Le MSM aura besoin du MMM ou de faire revenir le PMSD pour espérer avoir un avenir. Le PTr aura besoin du PMSD et du MP pour ratisser large dans les villes et projeter une image nationale. Le MMM aura besoin d’alliés pour se refaire une santé dans les régions rurales et espérer partager le pouvoir.

Personne n’aime personne en politique et n’a intérêt à faire des cadeaux à quiconque. Mais nécessité fait loi. Comment les leaders vont vendre ces réalités à leurs partisans est une autre histoire. Ce qui est sûr, c’est que Pravind Jugnauth, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, Xavier-Luc Duval et Alan Ganoo gagneraient tous à ne pas trop proclamer : « Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau. » Ils se compliqueraient eux-mêmes singulièrement la vie demain, quand il faudra expliquer.


* Published in print edition on 12 October 2018

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