“La divulgation du ‘Judicial Report’ dans son intégralité aura de multiples conséquences qu’il est impossible d’évaluer…”

Interview: Me Antoine Domingue

* ‘Il est maintenant impérieux que le DPP divulgue immédiatement le rapport dans son intégralité’

* ‘La prise de position de Maneesh Gobin constitue une violation de la constitution’

* ‘La crédibilité de la police a déjà été mise à mal par le ‘taser’ et la torture. Cette fois-ci, elle essuie un revers dont elle peinera à se relever’


Sujet très sensible abordé par Me Antoine Dominguecette semaine : il est question de fuite d’extraits d’un rapport de l’enquête judiciaire concernant feu Soopramanien Kistnen.Me Domingue fait ressortir lors d’une interview accordée ce matin certaines anomalies à propos du déroulement des évènements, du processus officiel à mainteniret des procédures qui devraient être suivies. Il met ainsi en exergue les faiblesses et les lacunes dans le traitement de ce dossier.

 Mauritius Times: La réaction de l’Attorney General Maneesh Gobin tel que dévoilée dans un communiqué émis dimanche, et lors d’une conférence de presse tenue le samedi et le lundi, suite à la publication des extraits du présumé rapport de l’enquête judiciaire concernantla cause et les circonstances du décès de SoopramanienKistnen, vendredi dernier, trahit une appréhension du pouvoir en place quant au potentiel hautement explosif de cette affaire et dont les tenants et aboutissants ont été révélés dans le rapport de la magistrate VidyaMungroo-Jugurnauth. Est-ce vraiment le cas, selon vous ?

Me Antoine Domingue:Je tiens d’abord à dire que pour le moment à cause de l’inertie du DPP, nul ne peut savoir si les extraits du document qui sont en circulation proviennent du ‘Judicial Report’. Ce que je constate, c’est que la copie qui est en circulation n’est pas authentifiée et elle est visiblement incomplète, au vu de sa pagination.

Mais cela ne veut pas dire que les extraits que nous avons sous les yeux ne proviennent pas du ‘Judicial Report’. S’il se confirme que ces larges extraits que nous avons pu lire proviennent du ‘Judicial Report’, dans ce cas, la police, le gouvernement et beaucoup d’autres personnes et institutions incluant de nombreux ‘public officials’ont du souci à se faire.

La crédibilité de la police a déjà été mise à mal par le ‘taser’ et la torture. Cette fois-ci, elle essuie un revers dont elle peinera à se relever.La divulgation du ‘Judicial Report’ dans son intégralité aura de multiples conséquences qu’il est impossible d’évaluer à ce stade. Ce qui m’amène à dire qu’il est maintenant impérieux que le DPP divulgue immédiatement le ‘Judicial Report’ dans son intégralité. Ainsi, nous saurons à quoi nous en tenir et cela mettra fin à tous ces commérages et toutes ces vaines spéculations.

Si le ‘Judicial Report’et le ‘Court Record’ ont été transmis au DPP depuis novembre de l’année dernière, comme on est maintenant en droit de le penser, je m’étonne que tous ces documents n’aient pas encore été soumis à qui de droit, c’est-à-dire à la police, à l’ICAC et à la veuve. Ils ont tous un intérêt légitime à être informés de la cause et des circonstances du décès de Kistnen. Ils ont tous un intérêtlégitimeàla communication de ces documents. Ils ne sont pas des “busy bodies, interlopers or cranks”.

Donc, si on veut que la police puisse enquêter, il faut donner aux enquêteurs de la police tous les moyens de le faire : pas seulement le rapport mais aussi les dépositions, les documents et les ‘Exhibits’. En tant que ‘Responsible Officer’, le CP doit être éclairé afin s’il sache s’il doit initier des actions disciplinaires. Il ne peut le faire que s’il est en présence de tous les faits.

Je tiens aussi à souligner que le lundi 17 octobre, notre garde des sceaux (l’Attorney General), tout en affirmant que les extraits qui sont en libre circulation ne sont pas authentiques (comment pourrait-il le savoir s’il n’a pas lu le rapport?),prend le soin de rassurer que la justice suivra néanmoins son cours, nul ne sera épargné et ceux qui auraient fauté seront sanctionnés.

* On soutient que le DPP est parfaitement en droit de rendre public le rapportdans ce cas précis également vu que d’autres rapports d’enquête judicaire ont été rendus public dans le passé. Votre opinion ?

Cela a été fait en plusieurs occasions, et ce, dans l’intérêt public, entre autres, quand dix personnes avaient trouvé tragiquement la mort par noyade lors d’une crue éclair(Flash Flood) à Port Louis. Le rapport avait non seulement été dévoilé, mais tout le dossier de l’enquête judiciaire avait aussi été remis aux proches des personnes décédées et à leurs ‘legaladvisers’. Mon avouée s’est basée sur ces documents à l’appui de plusieurs demandes de dommages et intérêts qui sont devant la cour suprême.

Le même principe devrait trouver à s’appliquer aux ayants droit et ayants cause de M. Kistnen comme ce fut le cas pour M. Wright et les autres personnes dont les proches avaient péri tragiquement par noyade.

D’autre part, je tiens à souligner que quand vous examinez la jurisprudence locale depuis 1956, en toutes occasions, invariablement, sans aucune exception, des plaignants ont fait convoquer devant la cour le représentant du DPP que ce soit en cour suprême ou en cour intermédiaire afin de produire comme preuve le rapport, les dépositions et les autres documents surgis de l’enquête judiciaire.

La cour suprême aussi bien que la cour intermédiaire se sont basé sur ces documents pour rendre leurs jugements. Vve Commins v Mauritius Government Railways en 1956 devant Sir Francis HerchenroderCJ, plaidé par Jules Koenig, Pierre Louis v CEB en 2021 en Cour suprême devant la juge GaitreeManna. Ramnauthv Rainbow en 2022 en cour intermédiaire sont là pour en attester. Cela fait partie intégrante de notre ‘cursus’et la procédure qui a cours devant nos tribunaux.

Je dois aussi ajouter que dans les cas de suicide, de mort violente, de mort suspecte ou quand le décès d’une personne est dû à des “unnatural causes”, le DPP est obligé d’ordonner une enquête judiciaire. Peu importe le choix des mots, c’est au fait un ‘Coroner’s Inquest’. Contrairement à ce que prétend le garde des sceaux dans son communiqué du dimanche 16 octobre, on ne peut et on n’a jamais contesté un tel rapport sur les causes et les circonstances du décès “and whetherthere has been foulplay”.

* L’Attorney general est, selon notre constitution, le “principal legaladviser”du gouvernement. Sa prise de position telle que révélée dans son communiqué émis dimanche, constitue-t-elle une violation de la séparation des pouvoirs ?

Ce communiqué souffre d’un manque de cogitation ayant été émis de façon précipitée un certain dimanche – c’est-à-dire le lendemain de la conférence de presse de Maneesh Gobin qui s’exprimait commesecrétaire général du MSM,flanqué de Mme Leela Devi Dookun(la colistière de YogidaSawmynaden).

Ayant dit ce qu’il a dit le samedi en tant que secrétaire général du MSM, Maneesh Gobin fut très mal inspiré d’émettre ce communiqué du dimanche comme Attorney General et ministre de la Justice où il se permet d’amoindrir la valeur du ‘Judicial Report’, où il suggère que le rapport est contestable et invite les parties concernées à le contester. Read More… Become a Subscriber


Mauritius Times ePaper Friday 21 October 2022

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