Deux nominations cruciales : Nouveaux dirigeants pour la FCC et Air Mauritius

Gouvernance publique

Par Aditya Narayan

Le gouvernement a effectué deux nominations cruciales cette semaine en matière de gouvernance publique. La première concerne la nomination de M. Navin Beekarry, jusqu’ici directeur de l’ICAC, au poste de directeur général de la Financial Crimes Commission (FCC), la nouvelle institution regroupant toutes les organisations chargées de lutter contre la fraude, la corruption et les crimes financiers. La seconde nomination concerne M. Charles Cartier, l’ex-directeur d’Accenture Maurice, comme CEO (Chief Executive Officer) de la compagnie nationale Air Mauritius.

Ces nominations revêtent une importance primordiale pour le pays, car elles sont susceptibles d’exercer une influence considérable dans deux domaines où des controverses ont récemment éclaté :

(a) la lutte contre les crimes à col blanc (fraude, corruption et crimes financiers) dans un pays où l’affairisme domine les mœurs ;
(b) l’aviation commerciale avec le porte-étendard Air Mauritius.

Financial Crimes Commission

Dans une lettre datée du 5 mars 2024, le Premier ministre a informé le leader de l’opposition, Xavier Duval, de la nomination de l’ancien responsable de l’ICAC à la tête de la FCC, en vertu de l’article 10(1) de la Financial Crimes Commission Act. Cette lettre était davantage un acte de courtoisie qu’un exercice de consultation. Le leader de l’opposition peut exprimer son désaccord avec cette nomination, mais il n’a aucun pouvoir de veto contre une nomination proposée par le Premier ministre. Celui-ci ne fait que l’informer de son choix plutôt que de le consulter. La consultation prévue par la loi est un non-sens, car elle exclut d’emblée toute contre-proposition de l’opposition.

Personne n’est surpris par cette nomination. En effet, bien que de nombreuses personnes soucieuses des critères d’indépendance institutionnelle et de compétence gestionnaire ne le souhaitaient pas, tout le monde s’y attendait. Après la création de la FCC en décembre 2023, le gouvernement avait habilement distillé des informations dans la presse, laissant croire qu’il envisageait plusieurs candidats potentiels au poste de directeur général, dont un ancien juge en chef.

En fin de compte, pensait-on, le gouvernement allait nommer quelqu’un offrant, sinon la garantie d’indépendance, du moins l’apparence d’indépendance. Cependant, dès le départ, le gouvernement avait déjà fait son choix. La nomination de M. Beekarry est conforme à l’intention du gouvernement d’assurer la continuité entre l’ICAC et la FCC en ce qui concerne l’approche à l’investigation des crimes financiers, le mode opératoire de l’institution et la suite à donner aux dossiers en suspens.

Nous savons que tous les dossiers de l’ICAC seront transférés à la FCC, et les mêmes fonctionnaires qui s’en occupaient continueront à travailler au service de la nouvelle institution. Il n’y aura donc rien de changé dans la méthodologie de travail ainsi que dans les objectifs institutionnels. Les deux seuls changements significatifs sont :

(a) Une nouvelle structure organisationnelle permettant une meilleure coordination entre les différentes organisations qui opéraient jusqu’ici en vase clos [ICAC, FIU, l’Asset Recovery Investigation Division (ARID) de la Financial Intelligence Unit et l’Integrity Reporting Services Agency (IRSA)].

(b) La concentration des pouvoirs d’enquête et de poursuite entre les mains de la FCC. Le DPP a été privé de ses pouvoirs de poursuite en matière de crimes financiers. On ne sait pas si le DPP contestera en Cour suprême la constitutionnalité de cette usurpation de pouvoirs de poursuite par une institution créée par une loi ordinaire.

L’avenir nous dira si tous les dossiers en suspens à l’ICAC (Saint-Louis Gate, contrats d’approvisionnement d’urgence attribués durant la pandémie, pots-de-vin allégués dans une affaire de terrain alloué à bail à Grand Bassin, etc.) auront un dénouement concluant. Bien des enquêtes entamées par l’ICAC se sont terminées en queue de poisson. D’autres ont été rejetées par les Cours de justice.

Air Mauritius

À première vue, la nomination de M. Charles Cartier en tant que PDG de la compagnie Air Mauritius est encourageante. Il remplace l’ancien PDG Kresimir Kucko, dont le contrat a été résilié la semaine dernière après sa suspension pour cause de conflit d’intérêts.

Charles Cartier est un professionnel du secteur privé qui possède une grande expérience à Maurice comme à l’étranger. Aura-t-il les coudées franches pour gérer une compagnie qui a été sérieusement affectée par la pandémie de la Covid-19 ? Ces derniers jours, la compagnie a fait l’objet de critiques locales et internationales en raison des annulations de vols, des retards, de l’accueil insatisfaisant des passagers à Plaisance et du service client déplorable.

Certaines décisions stratégiques de la compagnie, telles que la vente d’avions en période difficile, la location d’avions au moment de la reprise du tourisme et la réduction du personnel, ont suscité des controverses.

Le problème le plus grave réside dans l’indépendance de la compagnie en termes de planification stratégique et de gestion. L’ingérence politique dans ses affaires est un mal dont elle n’arrive pas à se libérer. La compagnie est une filiale d’une société mère (Airport Holdings Ltd), dont le PDG siégeait jusqu’à présent sur son conseil d’administration, avec toute l’influence dont il disposait.

La démission du PDG d’Airport Holdings Ltd du conseil d’administration d’AM présage-t-elle un changement significatif dans le mode de gestion de la compagnie aérienne ? Si une filiale peut bénéficier d’une indépendance de gestion opérationnelle, elle reste soumise au contrôle de la société mère qui dicte son orientation stratégique. L’avenir dira si la nomination de M. Cartier marquera un changement positif pour la compagnie.

Attendons de voir.


Mauritius Times ePaper Friday 8 March 2024

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