Le Travaillisme

Il faut le dire et le redire…

le Travaillisme comme le Militantisme sont en hibernation. Dans cecontexte, la question suivante est posée : Serait-il possible de les réveiller en les unifiant à tous les niveaux ? 

Dans un texte intitulé “Un peu de 68 et de 75” publié dans la page Forum duMauricien, j’ai demandé à la génération post 89 (celle qui est née après la chute du mur de Berlin), de faire un bilan respectueux du Militantisme de la période 69-75.

C’est à moi aussi de le faire à l’égard de mes aînés se réclamant du Travaillisme.

On utilise le terme “en dernière analyse”, dans la compréhension de l’histoire, pour toute appréciation des événements historiques après avoir, autant que ce soit possible, tout examiné sur le plan contextuel, infrastructurel et supra-structurel (incluant l’élément idéologique) et, surtout après un certain temps qui nous permet d’exprimer une opinion objective et non influencée par ce qui se poursuit encore.

Le Travaillisme est une idéologie appliquant et justifiant un rapport particulier entre le collectif et l’individu, entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, entre le social et l’économie et surtout entre l’idéologie libérale étrangère à la classe ouvrière et une conciliation qui se construit sur l’universalité de plusieurs aspirations et de protection sociale (santé, allocations sociales, éducation…), à partir de la perspective d’un mouvement ouvrier, dirigée néanmoins par une couche de la petite bourgeoisie proposant une forme “acceptable d’alliance de classe conflictuelle”.

Depuis sa création en 1900, en Grande Bretagne, le Travaillisme s’est exprimé par sa force profondément syndicale, ses aspirations socialistes (à partir de 1918), sa tendance à être dirigé par une classe ouvrière avancée (que Lénine avait qualifié d’aristocratie ouvrière) et la petite bourgeoisie soutenant le libéralisme.

Bien que n’étant pas un mouvement révolutionnaire, Lénine propose en 1908 son adhésion à la Deuxième Internationale (créée en 1889 “en raison de la pluralité des courants socialistes” et, de ce fait, “sans structures centralisatrices”.

Le Labour Party anglais fut un mouvement ouvrier large avec des organisations (groupes socialistes et syndicats) cohabitant avec des individus appartenant à d’autres classes sociales, pour la plupart de la petite bourgeoisie et de la bureaucratie d’Etat.

C’est au fond un courant qui veut concilier le travail et le libéralisme. C’est un courant social démocrate, donc réformiste, gradualiste, accordant la préséance à l’économie et ainsi mettant le social au centre et au service de l’économie libérale. Le Travaillisme a aussi pratiqué l’action syndicale dure mais en se soumettant au libéralisme en tant que philosophie et aux traditions libérales de la démocratie parlementaire. Entendons-nous bien, le libéralisme n’est pas que le capitalisme.

La grande particularité du Travaillisme réside dans l’imposition d’une idéologie étrangère sur le mouvement ouvrier tout en l’unifiant par des mesures sociales universelles qui bénéficient à l’ensemble de la société. Le résultat est l’Etat-providence, c’est-à-dire un Etat qui puise des taxes et d’autres sources économiques, des moyens pour soutenir la population et pour construire une société différente de ce qui se construisait tant aux Etats-Unis qu’en URSS. Cette idéologie s’est répandue à travers ses colonies par l’Etat britannique comme par les intellectuels de ces colonies qui ont vécu en Angleterre. Maurice en est un exemple.

Politique – A Maurice nous devons au Travaillisme d’abord et avant tout une conscience anti-esclavage, anti-esclavagisme et anti-engagisme. Cette conscience politique s’est construit progressivement dans un combat contre l’oligarchie sucrière fondamentalement et le colonialisme, conjoncturellement. Viennent ensuite le suffrage universel, la démocratisation de l’emploi dans la fonction publique et le secteur privé, l’aliénation au colonialisme et, par la suite, une orientation positive en faveur de l’indépendance.

Economie – Il en existe plusieurs pôles.

  • L’émergence de la société post-agricole, semi-industrielle par l’émergence des industries de substitution à l’importation et à l’exportation.
  • Plusieurs nationalisations et le développement de l’économie mixte.
  • Avènement du travail pour tous.
  • Développement des liens économiques privilégiés avec l’Europe.
  • Création de plusieurs syndicats et la lutte syndicale, avec comme corollaire, plusieurs institutions protégeant l’emploi des travailleurs.

Le Social – Dans ce domaine, plusieurs progrès sont énumérés ci-dessous.

  • L’éradication des maladies contagieuses et les épidémies par l’hygiène, les soins médicaux, les mesures sanitaires et les vaccinations.
  • L’universalité dans la démocratisation du logement : un logement décent pour chaque citoyen.
  • La démocratisation de la santé et de l’éducation par leur gratuité et leur expansion.
  • La protection de l’ensemble de la population par des allocations et la pension universelle.
  • La protection contre les calamités naturelles, surtout les cyclones et la sécheresse.
  • La promulgation des lois les plus avancées pour protéger et garantir les droits des uns et des autres.
  • Des mesures appropriées pour l’eau, l’électricité, le transport public, les activités portuaires, les activités aéroportuaires, la communication, les services bancaires et financiers, le réseau routier, les services municipaux, l’entraide… Enorme. Vraiment énorme.

Ces développements sont étroitement associés à une fusion de l’économie et du social à travers l’Etat. Et pourtant tout n’a pas été dit.

Le Travaillisme a atteint son apogée avec l’indépendance. Ensuite la chute est arrivée, voire même, la décadence. Quelques exemples expliquant ce changement de cap sont indiqués ci-dessous.

  • Le gel des salaires
  • Le chômage
  • L’exode/la migration vers d’autres cieux
  • La difficile “cohabitation ethnique”, les bagarres de janvier 1968, …
  • L’alliance politique de 1969 éliminant l’opposition parlementaire
  • L’incertitude de l’avenir, la fraude, la corruption…
  • Et surtout et avant tout, la crise économique provoquant la cassure sociale.

Au fond, le Travaillisme et le Militantisme ont été des moteurs de notre Histoire. Il faut savoir qu’à partir de 1976, le MMM rejette la voie révolutionnaire pour adhérer au Travaillisme jusqu’à conclure une alliance politique avec le PTr en 1995.

Mais, aujourd’hui, le Travaillisme comme le Militantisme sont en hibernation. Dans ce contexte, la question suivante est posée : Serait-il possible de les réveiller en les unifiant à tous les niveaux ?

Mais, c’est aussi une vérité de la Palice qu’on ne construit pas le futur uniquement avec le passé. Depuis 1989, tant de choses se sont passées. Dans cinq milliards d’années, notre galaxie, la Voie Lactée et la galaxie Andromède se fusionneront en une nouvelle galaxie dont le nom a déjà été trouvé : la galaxie Mikomeda. Le moteur de cette galaxie fonctionnera différemment avec deux centres, déformant l’espace-temps.

Je ne peux que remercier mes aînés d’avoir construit un pays tout à fait particulier, avec une économie tout à fait particulière, une société où il fait bon vivre. Ma génération lui a donné une culture que j’aime – Que dis-je ? Aimer – que j’adore.

Ce que la jeune génération doit faire maintenant, dans le sillage de la célébration de l’indépendance, dans un contexte de confinement général, c’est se poser “les questions pour le changement”.

Les réponses qu’ils recherchent se trouvent dans les questions si elles sont intelligemment construites, matériellement et intellectuellement parlant. Dans un prochain texte, je parlerai d’une proposition pour faire suite au Travaillisme et au Militantisme.


* Published in print edition on 16 March 2021

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