“Le nouveau Gouvernement doit aller plus loin, plus vite et plus efficacement”
Interview : Lindsay Rivière
‘Le peuple est de mauvaise humeur. Il commence à être déçu de certains comportements et de l’absence d’action du Gouvernement’
* ‘Ramgoolam, Bérenger, et le gouvernement actuel ont une réelle volonté politique de remettre le pays en ordre, mais la volonté, seule, ne suffit pas’
* ‘Après une longue période de libéralisme effréné, il faut maintenant qu’il y ait plus de dirigisme gouvernemental. L’heure est venue pour imposer des choses’
Entre l’analyse de l’abstention record aux dernières élections municipales et l’attente fébrile du prochain budget, l’actualité mauricienne est dense. Mauritius Times explore cette semaine la signification du désengagement électoral, tout en braquant les projecteurs sur les attentes citoyennes face aux scandales de corruption et aux impératifs du redressement économique. L’éclairage de Lindsay Rivière, fin observateur de la société mauricienne, offre une perspective incisive sur ces enjeux cruciaux.
Mauritius Times : Les événements se succèdent à un rythme effréné, semaine après semaine. Bientôt, l’attention portera sur le budget. Mais en ce qui concerne les leçons à tirer des dernières élections municipales, il n’y a probablement pas grand-chose de plus à ajouter, si ce n’est peut-être une mise en garde : évitons de surinterpréter le message que l’électorat aurait souhaité transmettre à nos dirigeants politiques par son abstention massive, abstention qui pourrait avoir de multiples causes : désillusion politique, sentiment que les élections locales n’ont pas d’impact réel, ou même simple désintérêt. Qu’en pensez-vous ?
Lindsay Rivière : Il ne faut pas, en effet, exagérer la forte abstention aux récentes Municipales (73%). Depuis 50 ans, la participation populaire à ces élections ne dépasse guère 30-40%. Les 26% enregistrés sont certes très décevants, intervenant après 10 ans sans élections mais, dans la mesure où ni le MSM et ses alliés, ni le PMSD ne participaient à ces élections, et qu’il n’y avait pas de véritable combat, on ne devait pas vraiment s’attendre à un meilleur résultat.
Les élections à Maurice sont traditionnellement comme une finale de la FA Cup. S’il y a perception de ‘walkover’, cela n’intéresse plus grand monde. L’important, c’est que nous ayons aujourd’hui des Conseils élus et renouvelés.
Attention toutefois de n’y voir aucun message politique : Le peuple est de mauvaise humeur. Il commence à être déçu de certains comportements et de l’absence d’action du Gouvernement dans certains domaines précis, notamment (i) les prix qui ne cessent pas d’augmenter avec la situation monétaire et la rapacité actuelle de nos commerçants et (ii) l’absence de punition des responsables de l’ancien régime qui ont mis le pays à genoux économiquement. Le nouveau Gouvernement a, en six mois, bien des réalisations à son actif mais il doit aller plus loin, plus vite et plus efficacement.
* Certains se demandent s’il fallait organiser ces élections aussi tôt, en mai, au lieu d’attendre la réforme à venir des Administrations régionales et ils suggéraient de nommer, entretemps, des Commissions administratives pour diriger nos villes. Qu’en pensez-vous ?
Je suis totalement contre cette proposition. Renvoyer les élections municipales, une fois encore, cela aurait été une aberration absolue, voire une véritable ‘trahison démocratique’ alors que le Gouvernement a été précisément élu pour, entre autres choses, rétablir un cadre démocratique normal à Maurice. Ceci doit inclure des élections tous les 4 ou 5 ans à tous les niveaux (Parlement, Municipalités, Conseils de District et de Villages). Il n’était donc absolument pas question de nommer quelques notables/administrateurs de ville en attendant que la réforme intervienne, probablement dans un an ou deux, étant donné une composition majeure de la réforme : la municipalisation de 5 grands villages.
En 2025, après deux siècles d’élections locales (les Municipalités ont même, dans l’Histoire, précédé le Parlement), la question de nommer des Administrateurs comme dans les années 70 marquées par un cadre de dictature et de privation des libertés essentielles, ne se posait même pas. Il faut cesser avec ces raisonnements du passé.
* Par ailleurs, l’attention des Mauriciens semble jusqu’à présent toujours captivée par les convocations et comparutions devant la Financial Crimes Commission (FCC) de certains décideurs : anciens politiques, personnes issues de l’administration publique ou parapublique, et cadres du secteur privé, tous soupçonnés de malversations. Mais, là aussi, faute d’issues concrètes et vu le temps nécessaire pour démêler ces affaires, cela risque de se banaliser, non ?
Non, je ne le pense pas. La nation est sidérée par ce qu’elle découvre, semaine après semaine et, d’après moi, elle sera loin de s’en lasser. Nous sommes dans une phase de découverte et la curiosité du peuple sera insatiable.
L’ampleur des scandales et du pillage des fonds publics est extraordinaire. Chacun constate aujourd’hui avec effroi la rapacité, l’absence totale d’éthique et la décrépitude morale de certains hauts gradés et nominés politiques dans nos institutions publiques et parapubliques. Il y en a sans doute des dizaines d’autres.
Les honnêtes gens de ce pays ne cesseront pas de s’indigner et exigeront demain des sanctions exemplaires contre les pourris de la République, dont le nombre semble augmenter sans cesse avec le culte actuel de l’argent facile. C’est bien qu’il en soit ainsi. On ne parle plus aujourd’hui en termes de millions de roupies mais de milliards. Il faut maintenir la pression.
Le Gouvernement et les Conseils d’Administration, qui depuis trop longtemps ferment les yeux ou regardent ailleurs, doivent, pendant les cinq ans qui s’ouvrent, avoir pour priorité de nettoyer la pourriture qui s’est installée. Beaucoup de Mauriciens ont aujourd’hui honte du niveau de corruption et d’inefficience atteint par leur pays.
Il faut, comme l’a dit une fois un célèbre politicien ‘Maintain the rage’ et ‘Never forget, never forgive!’
D’ailleurs, ne soyons pas naïfs : Le Gouvernement actuel aura, pendant des années, tout intérêt à maintenir la pression sur l’ancien régime, ne serait-ce que pour l’empêcher de se relever !Read More… Become a Subscriber
Mauritius Times ePaper Friday 16 May 2025
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