45 ans d’indépendance : La parole à la Gen-Next

Par Vina Ballgobin

Nous savons tous que l’avenir appartient aux jeunes. Alors, à brûle-pourpoint, nous avons demandé à une centaine de jeunes – âgés de 20 ans de tous les groupes ethniques – ce qu’ils pensent de leur pays qui fêtera bientôt ses 45 ans d’indépendance.

Bien entendu, les jeunes ont l’innocence de leur âge et ils ont une vague connaissance de l’Histoire de leur propre République, se limitant aux contenus de leur manuel scolaire en EVS à l’école primaire. Mais leurs perceptions reflètent leurs désirs, leurs attentes et aussi leurs craintes.

Cette semaine, dans le sillage des préparatifs pour les célébrations de l’Indépendance, nous proposons de nous pencher uniquement sur les points positifs relevés par l’ensemble des jeunes par rapport à l’indépendance.

Indépendance, c’est l’accès aux facilités pour tous les citoyens

Pour les jeunes, l’Indépendance a beaucoup apporté à la République de Maurice en termes d’accès à l’éducation gratuite à tous les niveaux du système éducatif, le transport gratuit, la retraite, bref le Welfare State avec l’accès gratuit aux soins de santé et les diverses facilités offertes aux mères célibataires, aux personnes âgées et aux malades, l’aide sociale pour le logement, le droit à l’acquisition des propriétés privées, la mobilité sociale et l’amélioration du niveau de vie, la liberté et l’autonomie tant sur le plan politique qu’économique, la liberté de choisir le type de proximité et les liens à établir avec les autres Etats.

« Par l’Indépendance, Maurice a eu sa Constitution. Ensuite, elle a avancé seule sans les autorités britanniques… C’est une grande fierté de voir notre drapeau unique quand celui-ci figure parmi des milliers d’autres drapeaux. Les spectacles organisés en l’honneur de notre Indépendance démontrent son importance pour le peuple mauricien. »

Pour un certain nombre de jeunes, l’indépendance a permis de défendre et de consolider le multiculturalisme, contrairement à ce qui s’est passé à l’île sœur, l’île de la Réunion, à l’époque de la colonisation française et compte tenu de ce qui se passe dans certains pays européens aujourd’hui. A Maurice, chacun a la liberté de choisir la religion et la manière de vivre qui lui convient. Les jeunes ont une très grande ouverture d’esprit et ils reconnaissent les traditions, les rites et les principes relatifs aux différentes cultures et religions cohabitant dans la République de Maurice.

« Maurice fait aujourd’hui beaucoup de jaloux. Considéré comme un paradis dans l’océan Indien, l’île Maurice a conservé son côté exotique de par sa diversité culturelle. C’est un atout majeur sur le plan économique, notamment pour le secteur du tourisme. Cela nous rapporte des devises et de l’argent. Nous nous distinguons mondialement par notre capacité à vivre ensemble en paix. Le côté historique du pays attire plus d’un. La présence de plusieurs ethnies fait la beauté de notre pays. Les festivités augmentent l’attrait pour notre pays. Grâce à la coexistence pacifique de nos cultures, nous faisons des envieux. On nous considère comme une perle rare. »

Ajoutons à cette liberté-là, la liberté d’expression et la liberté de donner son opinion sans aucune crainte d’être déporté pour insubordination ou d’être jeté en prison. L’indépendance, c’est le fait d’avoir une identité nationale : le fait de pouvoir affirmer haut et fort son appartenance à un pays à soi.

« A l’école primaire, l’enseignement met en avant l’importance du partage culturel, surtout dans la matière ‘Histoire’. Il y a la valorisation des différentes cultures de Maurice. Chaque ethnie suit ses traditions, ses rites, ses fêtes mais chaque fête a son importance. Même les langues ancestrales ont leur importance. Notre pays est composé d’une diversité culturelle. Sur le plan culinaire, vestimentaire et dans les pratiques langagières, il y a des différences. Malgré l’existence de ces différences, les Mauriciens se comprennent entre eux. Ils n’hésitent pas à partager avec ceux qui sont différents d’eux. Le partage est une pratique courante lors des fêtes et des prières. L’Histoire de notre île est touchante et constitue là toute notre identité. Notre identité est unique. »

Le système politique permet encore de garder la tête haute malgré les nombreux défauts de certains hommes et femmes politiques et les innombrables dysfonctionnements dans les institutions.

« Maurice fait partie des pays d’Afrique les plus stables. Depuis notre indépendance à ce jour, nous pouvons être fiers de ne pas avoir eu de guerres comme cela existe dans d’autres pays africains. Puis, à Maurice, tout le monde, garçon ou fille, a le droit de vote à 18 ans. Il y a bien des reproches à faire aux hommes et femmes en politique mais, pendant les élections, au moins il n’y a pas de menace de mort et chaque jeune est libre de voter pour le parti qui lui semble le moins corrompu et le moins malhonnête. Maurice fait également partie des rares pays multiculturels ou un homme politique d’une ethnie minoritaire a été élu Premier ministre. Nous sommes fiers aussi que le pays entretienne des rapports amicaux sur le plan politique avec plusieurs pays, ce qui nous aide énormément mais donne aussi une bonne image de nous en tant que peuple. »

Les jeunes estiment que sur le plan économique, à ce jour, nous sommes mieux lotis que les pays européens ou même Singapour car là-bas le chômage commence à faire rage et ravages… Pour l’instant, c’est quand même mieux d’être sur le marché de l’emploi à Maurice car, malgré la crise économique mondiale, le pays jouit d’une situation plutôt stable.

« Sur le plan économique, Maurice se tient très, très bien et est peu affectée par la récession. Il y a des projets de développement dans toute l’île. Des emplois sont constamment proposés aux jeunes. On évite les licenciements massifs et il y a beaucoup d’investissements. On parle aujourd’hui de la bourse de Maurice. Il y a eu un développement énorme dans le domaine financier, donc on y trouve un potentiel en termes d’études et de carrières. Certainement, le pouvoir d’achat des Mauriciens est plus grand de nos jours. Il y a des succursales de boutiques de grandes marques et on parle maintenant d’hypermarchés. Les TICs ont pris de l’ampleur. »

Indépendance, c’est l’idéalisation

Paradoxalement, les mêmes jeunes affirment que le 12 mars, jour férié, est aussi jour de questionnements car ils ont une méconnaissance de l’Histoire de la République, mais aussi de l’Histoire des anciens pays colonisateurs et de l’Histoire de la décolonisation. Après avoir présenté des excuses pour ces manquements, les jeunes nous disent :

« Si le pays était resté britannique, alors on aurait utilisé la livre sterling, en devises étrangères, et non pas la roupie. On aurait probablement voyagé en Angleterre sans avoir à passer par des démarches administratives interminables. Nous aurions eu beaucoup d’aides financières de l’Angleterre comme les Réunionnais, eux, en ont de la France… »

D’ailleurs, la discussion bascule du côté de l’Hexagone. Si le pays fête ses 45 ans d’indépendance, et que les Anglais ont été les derniers colonisateurs, les jeunes revendiquent aussi l’existence d’une autre influence.

« Des Anglais, nous avons hérité le secteur de l’éducation et l’administration. Cependant, culturellement, nous avons été influencés par les Français et nous avons gardé plusieurs traits de leur culture, dont la langue. Si nous étions restés une colonie française, nous serions comme les Réunionnais.»

L’envers du décor

L’Indépendance, ce n’est pas totalement idyllique non plus. Les jeunes s’expriment avec beaucoup de verve et de passion à ce propos, démontrant par là-même que leur patriotisme est blessé.

La semaine prochaine, nous présenterons leurs reproches aux adultes, en général, et à la classe politique, en particulier.

Ci-dessous un avant-goût de leurs critiques.

« Maurice est une terre d’accueil pour tous ces peuples qu’on a arrachés de force ou par la manipulation et ils ont dû travailler ici. Grâce à ces vagues d’immigration pendant la colonisation, le pays est devenu multiculturel. En Afrique, c’est le pays ayant une des plus grosses croissances économiques malgré l’absence de ressources naturelles. L’Indépendance, aujourd’hui, c’est Maurice Ile Durable et les projets pour embellir notre pays et nos plages, la lutte contre l’échec scolaire, les fléaux sociaux, la corruption, la consommation à outrance, et aussi la disparition des commérages, du gaspillage et du favoritisme en politique. »

La semaine prochaine : ‘Entre désillusions et espérances, quelle voie recherchent les jeunes après 45 ans d’indépendance’


* Published in print edition on 8 March 2013

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