Toutes les charges rayées contre Akil Bissessur
Eclairages
Par A. Bartleby
C’est un sacré coup que vient de se prendre la police et plus particulièrement la Special Striking Team. En effet, la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath a accédé à la motion d’Akil Bissessur pour la radiation de la charge provisoire de “possession of dangerous drugs for the purpose of distribution” qui pesait sur lui.
“The police have failed to enquire into the defence part of the accused…” — la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath
L’on se souvient tous de l’arrestation fracassante de l’avocat le 19 octobre 2022 puisque des vidéos de cette arrestation avaient amplement circulé sur les réseaux sociaux. L’on y voyait notamment Akil Bissessur refuser d’ouvrir la porte du domicile de sa compagne à la Special Striking Team, avant de s’emparer d’un sac et de quitter la pièce où il se trouvait.
Ce geste n’avait d’ailleurs pas manqué d’éveiller les soupçons sur le contenu du sac en question. Mais la magistrate – qui avait brillé de par son rôle dans l’affaire de l’enquête sur l’assassinat de Kaya Kistnen – a été parfaitement claire : “The police have failed to enquire into the defence part of the accused.”
Cette radiation renvoie la police, notamment la Special Striking Team, face à ses responsabilités. Le commissaire de police, embourbé dans les affidavits liés à la libération de Bruneau Laurette, devrait rapidement tirer les leçons de cette déculottée et mettre de l’ordre parmi ses troupes. Il est clair que l’image de la police est encore un peu plus écorchée et que la rumeur d’une police devenue un instrument de répression contre les opposants politiques prend de plus en plus d’ampleur. Elle pourrait même devenir un soupçon généralisé si pesant sur cette institution qu’elle aurait énormément de mal à s’en défaire si rien n’est fait rapidement.
* * *
Crise en Israël
Israël s’enfonce depuis quelques temps dans une crise institutionnelle d’envergure. Le gouvernement de Benjamin Netanyahou essaye de faire passer une réforme constitutionnelle qui réduirait le pouvoir et l’indépendance de la Cour suprême d’Israël, créant de facto une situation où la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire serait compromis.
Cette réforme est perçue par certains Israéliens comme une attaque directe contre les institutions du pays, et comme la volonté du gouvernement de Netanyahou de faire basculer le pays vers un régime autocratique, alors que d’autres Israéliens soutiennent ouvertement le régime de Netanyahou et les réformés proposées. C’est ainsi que sans surprise les rues des grandes villes israéliennes sont les témoins de grandes manifestations. Il en va de même pour le parlement israélien où les débats ont souvent débordé sur des scènes jamais vues par les Israéliens auparavant.
Les choses se sont un peu envenimées en début de semaine. Alors que le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait appelé à une suspension de la réforme afin de calmer les esprits, Netanyahou lui a donné la réplique en le limogeant de ses fonctions. Ceci a tout de suite produit des heurts entre manifestants et forces de l’ordre.
Cette crise, qui prend la forme d’une bataille politique sur l’enjeu de la séparation des pouvoirs, est en réalité beaucoup plus profonde que cela et trouve ses sources dans une division ethnique qui sépare le pays en deux. D’un côté, la région de Tel Aviv et ses régions du nord du pays, régions riches et prospères où résident une majorité de Juifs Ashkénazes, issus d’Europe centrale et orientale. Et de l’autre côté, les régions du sud, comme Sdérot, beaucoup plus pauvres et peuplées de Juifs Séfarades issus du Maghreb.
Ces derniers sont aujourd’hui le soutien majeur au régime de Netanyahou. Ce soutien se traduit par la volonté de refonder certaines institutions du pays afin que les Séfarades soient mieux représentés dans les affaires du pays, même si cela implique de donner un pouvoir potentiellement abusif au gouvernement de Benjamin Netanyahou.
Ainsi, en deçà des enjeux de la séparation des pouvoirs, se joue quelque chose de beaucoup plus profond en Israël puisque c’est – en réalité – une opposition ethnique au sein même du judaïsme qui est en jeu. Tout cela n’est pas sans rappeler ce qui se joue actuellement à Maurice aussi.
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Déploiement des armes nucléaires tactiques en Biélorussie par Vladimir Poutine
Cela fait un moment déjà que Vladimir Poutine était en discussion avec son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko. À en croire Poutine, cela faisait même longtemps que Loukachenko avait réclamé le déploiement de ces armes. C’est presque chose faite avec la construction d’un entrepôt spécial qui devrait être complété d’ici début juillet.
Ce fait n’est absolument pas anodin puisque c’est la première fois depuis les années 90 que la Russie va entreposer des armes nucléaires en dehors de ses frontières (sauf pour ceux présents à bord de sous-marins nucléaires, bien évidemment). Cette décision est aussi hautement stratégique. Non seulement elle scelle un pacte de coopération militaire avec la Biélorussie, mais elle permettra à la Russie de poser un buffer sécurisé entre son territoire et la Pologne, et donc l’Europe de l’Ouest.
En effet, la situation géographique de la Biélorussie, située au nord de l’Ukraine et à l’est de la Pologne, en fait un rempart idéal pour la Russie. Attendons voir comment les Biélorusses accueilleront cette décision de leur président ! Mais il est difficile d’imaginer que cela ne les inquiète pas.
Poutine a été extrêmement évasif quant à la nature de ces armes, mentionnant uniquement qu’il s’agira d’armes tactiques. En jargon militaire, cela signifie que ces armes n’auront pas une capacité de déploiement importante et devraient se limiter à des missiles de courte portée, donc plutôt de nature défensive.
L’escalade continue donc dans cette région du monde et le conflit ukrainien s’approche encore un peu plus du risque de prolifération nucléaire. Vladimir Poutine a tout de suite balayé cette accusation de côté en mentionnant que les États-Unis positionnaient souvent des armes nucléaires sur les territoires de leurs alliés ; et que la Russie ne faisait que s’inscrire dans une pratique déjà répandue et qui ne constituait pas un non-respect de la charte de non-prolifération des armes nucléaires.
Le Président américain Joe Biden, lui, a tout simplement commenté que ce déploiement était dangereux et aggravait une situation déjà très délicate.
* * *
A défaut d’argumenter, on brandit désormais des photos à l’Assemblée nationale
C’est l’événement politique de la semaine. Avec la reprise des travaux de l’Assemblée nationale, les hostilités ont repris de plus belle entre le gouvernement et l’opposition.
La séance de mardi dernier s’annonçait explosive avec une PNQ axée sur l’affaire Franklin. Le PM s’est ainsi enfin exprimé sur cette affaire qui ne cesse de décrédibiliser son gouvernement, apportant des précisions quant à la demande d’extradition du gouvernement français formulée en février de cette année.
La posture de Pravind Jugnauth semble claire. Il semble vouloir donner l’impression que l’ICAC, la police et la FIU font leur travail et qu’il doit juste les laisser faire sans intervenir. Cette posture tiendrait dans un pays où les institutions sont vraiment indépendants et dans une situation où le soupçon ne déborderait pas sur des membres du gouvernement.
Mais revenons à la séance de mardi… Les choses se sont envenimées lorsque deux députés de l’opposition ont brandi des photos de certains membres du gouvernement, dont le PM, en compagnie d’individus sur lesquels planent de sérieux soupçons de trafic de stupéfiants. Le PM a alors brandi, à son tour, une photo de Jasmine Toulouse, candidate malheureuse du MMM dans la circonscription no 14, que lui a passé Alan Gannoo.
Cette photo, qui a déjà fait le tour des réseaux sociaux, montre l’actuelle membre du comité central du MMM en compagnie de Franklin. Ce « post » a tout de suite provoqué des commentaires acerbes sur les réseaux sociaux, et l’on a vu le slogan “Je suis Jasmine” (emprunté du fameux “Je suis Charlie”) apparaitre sur les différents groupes Facebook qui relayent les informations politiques.
Le Speaker de l’Assemblée nationale n’a pas réagi sur le coup, signifiant seulement qu’il viendra avec un “strong statement” concernant les photos brandies. Jasmine Toulouse s’est exprimée dans la soirée en affirmant qu’elle avait perdu un contrat de participation à un concert dans la foulée, accusant le PM de “ras bousé manzé dan labous mo zanfan”.
Cet épisode, navrant et honteux, confirme une tendance qui ne cesse de s’affirmer : celle de la dégradation du débat politique à Maurice. Certes, le PM a réagi à des provocations de deux députés de l’Assemblée nationale. Mais il se doit d’honorer son office et éviter de tomber dans des bassesses qui pourraient entacher cet office.
Le PM est le premier à être victime de photos compromettantes, et il sait fort bien que tout politicien est constamment abordé par des étrangers pour être pris en photo avec eux. Et il sait également que tout politicien rencontre des milliers de personnes, mais cela ne signifie nullement qu’il y a la moindre connivence avec ces personnes.
En brandissant la photo de Jasmine Toulouse, Pravind Jugnauth a lui-même utilisé un outil de communication dont sa famille et lui sont souvent victimes sur les réseaux sociaux. Il aurait dû s’élever au-dessus de ces provocations et se montrer pour ce qu’il se doit d’être : un homme d’Etat digne au tempérament calme. Il aurait aussi tout intérêt à démontrer aux Mauriciens qu’il est activement en train de walk the talk lorsqu’il affirme que son objectif est de casser les reins des mafieux.
On pourrait avancer que, dans les habitudes mauriciennes, cet épisode sera vite oublié et s’ajoutera à la longue série de faux pas qui hantent désormais les séances de l’Assemblée nationale. Mais ne nous y trompons pas car, selon certains, ce genre de pratiques témoigneraient d’un glissement populiste et dangereux. Lors de cet épisode, nous avons vu le PM réagir de manière inadéquat, mais nous voyons aussi des certains députés de l’opposition (qui affirmeraient vouloir gouverner différemment, dans la dignité) entrer dans un jeu malsain…
Est-ce que cette spirale sera un jour brisée ou bien est-ce que nous nous enfoncerons de plus en plus dans la banalisation du populisme à l’Assemblée nationale ? Toutes choses égales par ailleurs, la question demeure d’actualité.
* * *
Plainte d’un ancien lauréat
Un ancien lauréat fait le buzz sur les médias depuis la semaine dernière. En effet, il a livré un entretien au journal l’express, dans lequel il explique éprouver des difficultés à trouver un emploi dans la fonction publique après avoir terminé sa licence universitaire en Inde, où il aurait également été victime de discrimination.
Il est difficile de commenter ce sujet d’actualité lorsque l’on ne détient pas toutes les informations nécessaires. Sans tenir compte du fait qu’il ait été lauréat dans le passé, la plainte du jeune homme nous interpelle sur les perceptions à propos de certaines réalités du marché de l’emploi à Maurice aujourd’hui.
Autre fait extrêmement difficile à définir clairement à Maurice, ce sont les statistiques à propos du chômage. Cela découle d’une culture où le travail informel occupe une place importante dans l’économie, ce qui ne permet pas à Statistics Mauritius d’avoir des données précises sur le taux réel d’inactivité. Mais, des données disponibles, nous savons que près de 50% des jeunes âgés de 18 à 25 ans sont au chômage, alors qu’ils sont à peu près 25% à l’être dans la tranche élargie des 18 à 30 ans. Que pourrions-nous en déduire ?
Premièrement, il est extrêmement difficile pour certains jeunes de trouver un premier emploi à la fin de leurs études. Cela est généralement lié au manque d’intégration de ces jeunes sur le marché de l’emploi, et ce dès leurs études. Il appartient au gouvernement de proposer de nouvelles solutions aux jeunes et aux entreprises afin de faciliter des stages dans des entreprises et permettre ainsi à ces derniers d’offrir un contrat de premier emploi à un jeune diplômé.
La seconde raison est que le problème du ‘mismatch’ entre les formations dispensées et la demande des employeurs n’a jamais pu être réglé. Ce problème perdure depuis plusieurs années et certaines institutions tertiaires n’arriveraient pas à adapter leurs formations afin de mieux répondre aux besoins des industries. Il y a là clairement un manque flagrant de communication entre ces institutions tertiaires et les entreprises, ce qui fait que les formations dispensées restent déconnectées de la réalité des entreprises.
La troisième raison est que la fuite des cerveaux n’arrive pas à être compensée par les institutions locales. Il suffit de lire les rapports des différents audits sur l’Université de Maurice pour se rendre compte que le niveau académique ne correspond absolument pas au niveau requis dans des entreprises qui travaillent souvent avec des partenaires étrangers. En réponse à ce manque de savoir-faire et de formation, les entreprises préfèrent employer des étrangers sous le ‘Occupational Work Permit’ afin de combler le manque, notamment en ce qu’il s’agit de travail hautement qualifié.
Quelles sont donc les solutions proposées par le gouvernement pour répondre à ce problème d’intégration des jeunes sur le marché de l’emploi? Selon certaines personnes, il y aurait eu une tendance dans le passé : celle de caser ce types de jeunes dans la fonction publique. Cette réponse à ce problème épineux aurait aussi produit deux effets : on sécurise un emploi pour des jeunes qui n’ont pas les moyens d’être compétitifs sur le marché de l’emploi, mais, par la même occasion, cela permettrait de sécuriser non seulement des emplois mais également des votes. Ce serait ainsi tout un cercle vicieux qui se serait mis en place.
De ce point de vue, l’ancien lauréat a raison de se plaindre de l’immense difficulté de trouver un emploi dans la fonction publique selon les règles de fair play. Et ce problème devrait être adressé de manière urgente. Il est connu que la fonction publique devra faire face à de sérieux problèmes de productivité à l’avenir, ce qui signifie qu’une réforme en profondeur devra être mise en place par les futurs gouvernements. Pour faire simple, nous ne pourrons plus continuer à accroître la part de la fonction publique dans l’économie nationale. Bien au contraire, il faudra la réduire, et cela peut-être même drastiquement.
Il est ainsi intéressant d’écouter le témoignage de ce jeune homme qui se plaint de ne pas trouver un emploi dans la fonction publique parce qu’il n’a pas de backing politique. Telle en est sa perception. Mais on pourrait aussi lui poser la question suivante étant donné qu’en tant que lauréat, il fait supposément partie de l’élite du pays : ayant fait des études à l’étranger, comment se fait-il alors qu’il ne soit pas capable de trouver un emploi selon les règles de la concurrence du marché de l’emploi au niveau du secteur privé et des entreprises ?
Mauritius Times ePaper Friday 31 March 2023
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