Situation politique : la marmite chauffe !

Eclairages

Par A. Bartleby

L’arène politique est particulièrement mouvementée depuis quelques temps, et ce, depuis la concrétisation de l’alliance PTr-MMM-PMSD pour être plus précis. Il y a comme un parfum d’élections dans l’air et, même si la temporalité des prochaines échéances électorales sont encore incertaines, il est clair que le “build-up” (la mise en place) a commencé et que la marmite commence à chauffer.

Bourde informatique de la commission électorale

En témoigne la bourde récente de la commission électorale concernant la liste des électeurs de la circonscription numéro 5 (Pamplemousses/Triolet). En effet, la commission électorale a publié les statistiques des listes électorales la semaine dernière, ce qui a tout de suite poussé le PTr à monter au créneau pour crier au scandale.

Les Travaillistes ont remarqué une anomalie importante sur cette liste où le nombre d’électeurs a augmenté de près de 3000 entre le recensement de 2022 et celui de 2023. Il y a même plus : les noms de certains électeurs auraient été aussi changés.

La commission électorale n’a pas réagi immédiatement mais a rapidement dû avouer qu’il y avait effectivement eu une erreur dans le logiciel informatique qui gère les listes électorales. Ainsi, le fameux logiciel serait responsable des noms édités et de l’anomalie liée aux chiffres.

Est-ce que c’est vraiment le cas ? Tant que la commission électorale ne démontre pas, avec des preuves à l’appui, qu’il s’agissait effectivement d’une erreur de logiciel, le doute sur l’intégrité de cette même commission risque de s’accroître.

Il est indéniable que la commission électorale se trouve en première ligne de certaines critiques depuis les élections de 2019. Entre certaines pratiques dites novatrices, mises en place en 2019, des bulletins retrouvés dans la nature ou encore le fameux cas du T-Square, l’institution présidée par Irfan Raman n’a pas été épargnée des soupçons des politiques et des citoyens.

D’ailleurs, Navin Ramgoolam n’a jamais cessé de se référer à la Commission électorale dans ses allégations de trucage des dernières élections. Nous verrons bien ce que le Privy Council rendra comme jugement, mais tout l’argumentaire de Ramgoolam s’est jusqu’à présent heurté à la réalité du droit, et rien ne laisse présager que cela pourrait changer.

En tout cas, il est certain que l’image de la commission électorale doit être refaite et que Irfan Raman doit être pédagogique en expliquant et en rassurant les électeurs à propos des procédures et des dispositions qui seront mises en place pour les prochaines élections générales.

Bhadhain défie Ramgoolam

On aurait pu penser que la concrétisation de l’alliance PTr-MMM-PMSD aurait provoqué une certaine inquiétude du côté du gouvernement, d’où la surprise que ce soit Roshi Bhadain qui ne cesse de gesticuler dans tous les sens depuis l’annonce de cette alliance. Roshi Bhadain semble ainsi être devenu un électron libre en faisant feu de tout bois et en tirant dans tous les sens.

Comme évoqué il y a quelques semaines, le positionnement politique de Roshi Bhadain est extrêmement complexe dans la configuration actuelle. Bien que voulant représenter l’option “Ni Navin, ni Pravind”, il est clair qu’il n’a pas encore la base politique qui lui permettrait de camper sur cette posture de manière sérieuse. Du coup, il fait ce qu’il a toujours fait : du bruit.

Sa dernière trouvaille est d’avoir lancé un défi à Navin Ramgoolam pour un face-à-face à la radio. Ramgoolam a rétorqué que son adversaire était Pravind Jugnauth et non Roshi Bhadain, impliquant qu’il ne répondrait pas favorablement au défi lancé par Bhadain. Il serait d’ailleurs sage pour lui de ne pas entrer dans ce jeu.

Il semble de plus en plus clair que Roshi Bhadain va concentrer ses attaques sur l’opposition parlementaire. Certains y voient le fait qu’il aurait peut-être fait un deal avec le MSM, mais la réalité est beaucoup plus simple que cela. En réalité, Bhadain n’a aucun autre choix que de taper sur le PTr, et sur l’alliance de l’opposition, puisqu’il doit pouvoir conserver l’option d’un rapprochement de dernière minute avec le MSM.

Il est absolument clair que le PTr rejettera tout rapprochement avec le Reform Party (RP) car il est, selon eux, le principal responsable de l’effondrement de la BAI. Nous nous souvenons tous des liens d’amitié étroits que Navin Ramgoolam entretenait avec Dawood Rawat, certaines personnes attribuant même la montée en puissance de la BAI à cette “relation privilégiée”.

Ainsi, un rapprochement avec le PTr relève de l’impossible pour Bhadain, d’où le fait que Ramgoolam soit sa cible privilégiée. Est-ce que cela signifie qu’il peut envisager un rapprochement avec le MSM ? Rien n’est impossible en politique, mais Pravind Jugnauth n’a également pas intérêt à se rapprocher du RP. Bien au contraire, en laissant Roshi Bhadain dans la situation actuelle où il doit se débattre dans tous les sens pour exister, Pravind Jugnauth a peut-être trouvé son meilleur agent politique.

Ainsi le leader du MSM doit juste laisser Bhadain tenter de pousser l’opposition dans le piège qu’il essaye de lui tendre. À force d’attaquer et de faire du bruit, les partis de l’opposition vont forcément devoir entrer dans le jeu de Bhadain. En faisant cela, ils auront mordu à un hameçon qu’ils auront du mal à se défaire car Roshi Bhadain a une immense qualité politique, qui est de ne pas lâcher lorsqu’il mord.

C’est d’ailleurs pour cela que Navin Ramgoolam refusera tout débat avec le leader du Reform Party. Il sait parfaitement bien que c’est un piège dans lequel il ne faut pas s’engouffrer. Est-ce que les deux autres partis qui composent l’alliance résisteront aussi à la tentation de répondre aux attaqué répétées de Bhadain?

Vu le positionnement électoral du leader du RP, il parait évident qu’il ira frontalement vers un clash avec le MMM à un moment donné car son allié Patrick Belcourt et lui-même lorgnent les deux seuls bastions qui restent au parti mauve et la conquête des circonscriptions 19 et 20 sont les tremplins dont ils auront besoin pour se sortir de la situation dans laquelle ils se trouvent actuellement.

Remaniement ministériel et arrestation de Dhaliah

Dans un épisode rocambolesque, digne des plus grandes comédies, l’avocat Ravi Rutnah a animé une conférence de presse où il a ouvertement attaqué l’ICAC et le ministre Maneesh Gobin. Cet exercice de sauvetage de son client dans l’affaire du chassé à Grand Bassin aura eu l’effet d’une bombe. En l’espace de quelques jours, Rajanah Dhaliah a dû démissionner en tant que PPS et a été placé en état d’arrestation par l’ICAC ce jeudi. De plus, le Premier ministre a même décidé d’aller de l’avant avec un remaniement ministériel.

Cela faisait un moment qu’un remaniement ministériel était évoqué, avec des bruits de couloir circulant ici et là. En annonçant un remaniement éclair mercredi après-midi, avec une prestation de serment presque immédiate des deux nouveaux ministres, Pravind Jugnauth aura agi rapidement.

À y regarder de plus près, il ne s’agit pas d’un remaniement en profondeur. Loin de là même. Mais ce remaniement aura tout de même quelques mérites que l’opposition ferait bien de ne pas sous-estimer.

En bougeant Maneesh Gobin du ministère de l’agriculture et en l’envoyant aux ministère des affaires étrangères, Pravind Jugnauth relève le secrétaire-général de son parti du front des attaques.

Gobin sera-t-il lui aussi convoqué par l’ICAC ? Sans doute, mais il ne sera plus ministre de l’agriculture lorsque ce sera le cas. Cela peu sembler anodin, mais a son importance par rapport à la perception d’une grande partie de l’électorat. Sans preuves tangibles et concrètes déposées à ce jour, Gobin n’était pas forcé de démissionner mais il se devait de quitter le siège du ministère de l’agriculture.

Il faut également noter la nomination de Dorine Chukowry au ministère du commerce et Anjiv Ramdhany à la fonction publique. Ces deux nouveaux arrivés au conseil des ministres donnent à penser qu’il s’agirait de décisions tactiques qui pourraient s’avérer payantes dans les circonscriptions 1 et 6, où le MSM doit consolider des sièges pour les prochaines législatives. Ce coup pourrait ainsi s’avérer pertinent, surtout au niveau des obligations de représentativité.

Enfin, il ne faut pas occulter la nomination de 4 PPS supplémentaires, augmentant le nombre de PPS à un total de 8. Ils sont également tous issus du MSM, aucun des autres partenaires de l’alliance gouvernementale ne positionnant ses pions. Les PPS sont des députés dont la fonction est extrêmement importante puisque ce sont eux qui consolident le lien entre le terrain des circonscriptions et les ministères.

Ainsi, à un peu plus d’une année des prochaines échéances électorales, la nomination de 8 PPS envoie un signal clair du côté du MSM : la stratégie électorale commence à se mettre en place.

Nous pouvons ainsi deviner que ce remaniement, bien que n’offrant aucun changement de cap pour le gouvernement, a été pensé avec les prochaines élections en ligne de mire. L’alliance PTr-MMM-PMSD a commencé à montrer ses cartes ; le MSM en fait de même.

Un signal est envoyé à l’opposition du moins. Que le gouvernement se prépare à enclencher la machinerie et que l’occupation du terrain sera importante pour la dernière année du mandat.

Ne nous y méprenons pas ! Malgré ce remaniement, il parait clair que Pravind Jugnauth prendra tout son temps pour aller aux prochaines élections et l’Opposition qui semblait compter sur une pression constante sur le gouvernement pour annoncer des élections anticipées pourrait bien être prise au dépourvu.

Il reste encore 15 mois avant la dissolution naturelle de l’Assemblée nationale. L’objectif de ce remaniement est de consolider certaines circonscriptions et d’occuper le terrain… Donc maintenant, c’est à l’opposition de trouver le moyen de rameuter ses troupes pendant 15 mois.

On dit qu’une semaine, c’est long en politique. Imaginez ce que doivent être 15 mois…

* * *

Christine Lagarde : les transformations de l’économie mondiale risquent d’alimenter l’inflation

 

Christine Lagarde, l’actuelle patronne de la Banque centrale européenne (BCE) et l’ancienne patronne du Fond monétaire international (FMI), a fait une sortie remarquée cette semaine en affirmant que les transformations actuelles de l’économie mondiale pourrait continuer à alimenter l’inflation.

L’économie mondiale se trouve, selon elle, dans une situation complexe. Les transformations du marché du travail, la création de nouveaux besoins en matière d’investissements et les divisions géopolitiques produisent ainsi des formes accrues de protectionnisme et des contraintes au niveau des chaînes d’approvisionnement des matières premières et des marchandises. Ce nouvel environnement ouvrirait ainsi la voie à des chocs de prix qui pourraient être plus importants que les phénomènes similaires d’avant la pandémie.

La patronne de la BCE prône ainsi une prudence des banques centrales. Elle adresse ainsi les critiques qui considèrent qu’elle a adopté une approche trop punitive pour la zone euro en augmentant le taux d’intérêt de manière significative depuis qu’elle est en poste.

En fait, Christine Lagarde applique une recette testée pour faire face à l’inflation : augmenter les taux d’intérêts afin de tenter de ralentir la progression de l’inflation.

Cette recette a plus ou moins bien fonctionné dans la réalité, avec des projections optimistes pour la fin de cette année. Mais elle a également un coût important sur la productivité et sur la capacité des industries et des entreprises à investir actuellement, affectant ainsi leur compétitivité sur le marché mondial.

Mais par-delà ces questions, le timing de cette sortie de Lagarde n’est pas du tout anodin, avec la confirmation de l’élargissement des BRICS à six membres supplémentaires et la dédollarisation en ligne de mire.

Il est absolument certain que la concrétisation de nouvelles alliances géopolitiques et l’aboutissement de projets parallèles au système occidental auront un impact important sur la mondialisation, et donc sur le marché mondial.

Le projet de dédollarisation, par exemple, même si nous n’en connaissons pas encore la forme et la manière dont cela sera mené, envoie un signal fort au monde. Par-delà la volonté d’une émancipation de certains pays de la mondialisation actuelle, un tel projet comporte forcément des risques pour l’économie mondiale et pourrait effectivement introduire une instabilité croissante dans la mondialisation.

Christine Largarde évoque une instabilité économique, mais nous ne devons pas sous-estimer les potentiels d’instabilité sécuritaire également (ce qui aura forcément un impact sur l’économie mondiale).

Ce qui est en tout cas certain, c’est que nous entrons dans une phase complexe du développement historique de la mondialisation et la mise en garde de Christine Lagarde doit être perçue comme une volonté de prudence que les gouvernements feraient bien de suivre.

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Mort d’Evgueni Prigojine dans un crash d’avion …

Evgueni Prigojine, le patron de la milice Wagner, est mort dans le crash de son avion privé la semaine dernière.

Prigojine avait récemment fait l’actualité grâce à sa spectaculaire remontée vers Moscou. En effet, désabusé du manque de soutien logistique de la part de l’armée russe sur le front ukrainien, Prigojine avait ouvertement défié Vladimir Poutine en menant ses troupes vers Moscou dans une tentative de coup.

L’avancée de Wagner fut stoppée nette à un peu plus de 300 kilomètres de la capitale russe, et Prigojine accepta les termes proposés par Poutine et se retira en Géorgie pour un exil qui se voulait discret.

Sauf que Prigojine a rapidement fait parler de lui, il y a quelques semaines, en étant présent au Niger lors du coup qui a évincé le Président démocratiquement élu Mohamed Bazoum en faveur d’une junte militaire. Cette situation bizarre avait poussé les médias internationaux à se demander si les relations entre Prigojine et Poutine s’étaient réchauffées, les deux hommes trouvant un intérêt certain dans leur collaboration.

Mais il semblerait qu’il n’en est rien. La mort tragique de Prigojine laisse planer un réel soupçon sur l’implication de Poutine. Nous ne saurons sans doute jamais si le président russe a ordonné la liquidation de Prigojine ou non, mais il est certain que la disparition de ce dernier enlève une sacrée épine du pied de Poutine.

D’ailleurs, les medias internationaux semblent avoir déjà condamné Poutine avant même que la moindre preuve ne soit apportée contre lui. Il faut avouer que la mort de Prigojine apparaît comme la conclusion d’une série de démissions, de disparitions et de transferts au sein des différents services de sécurité russes.

En effet, plusieurs hauts gradés de l’armée russe – ayant été soupçonnés de comploter contre Poutine – ont littéralement disparu des radars depuis quelques semaines. Il en va de même pour certains hauts fonctionnaires et des hauts responsables du parti.

Plusieurs experts de la Russie y ont d’ailleurs décelé un pattern, certaines caractéristiques, qui n’est pas sans rappeler les grandes heures du stalinisme, toutes proportions gardées. Dans ce cas, a priori, nous sommes très loin des purges stalinistes ; mais il semble que Poutine ait procédé bel et bien à une purge de l’appareil d’État, dont la fonction était d’éliminer tous les éléments récalcitrants à la guerre en Ukraine et de renforcer la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme.

Ainsi, la mort de Prigojine achève un processus dont la fonction est d’envoyer un message clair et sans ambiguïté aux Russes : on ne s’oppose pas à Vladimir Poutine sans en subir les conséquences. S’agit-il d’un basculement inquiétant de Poutine vers un fanatisme totalitaire ? Cela impliquerait un manque de rationalité de la part d’un homme dont la froideur du calcul politique n’a eu aucun égal dans l’histoire récente de la Russie.

Non, Poutine sait parfaitement bien ce qu’il fait car il a appris la leçon fondamentale de la stratégie politique : il vaut mieux être craint que d’être aimé.

Mais Vladimir Poutine devrait également se rappeler d’une autre grande leçon de la stratégie politique : qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt de le laisser en vie.

Ainsi, avec la disparition de Prigojine, Poutine s’expose à un autre problème qui est celui du fantôme de Prigojine qui a été le seul homme à lui tenir tête de manière sérieuse. Et, en faisant de Prigojine un martyr, Poutine pourrait très bien se retrouver en face d’un problème beaucoup plus grand que dans le cas où un seul homme fait de la résistance.


Mauritius Times ePaper Friday 1 September 2023

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