Soomanglie Bharadwaj et émancipation féminine
|Arya Samaj
Dans le cadre de la célébration du centenaire de l’arrivée du Dr Chiranjiva Bharadwaj (Fellow of the Royal College of Surgeons, Edinburg University) sur le sol mauricien Arya Samaj a organisé une série d’activités socioculturelles et académiques.
A la Municipalité de Port Louis une conférence sur la contribution de l’Arya Samaj dans la construction de la nation mauricienne a été organisée vendredi 6 mai 2011. Parmi les intervenants retraçant les aspects majeurs et les retombées de ces activités étaient M. Bramdeo Mokoonlall, M. Chit Dukhira et Shakuntala Boolell. Mauritius Times présente une synthèse de l’exposé de l’universitaire S. Boolell, ci-après :
Dans les années 1910 à 1950 et même une décennie après les filles de la grande communauté indienne étaient soit complètement marginalisées soit en train de lutter pour avoir un rôle actif, constructif. C’était difficile pour elles à cause des raisons sociales, politiques, culturelles, personnelles. Il y avait des coutumes à respecter, des injustices à l’égard des filles, des discriminations sexistes, des barrières de langues, des préjugés raciaux et même des complexes vis-à-vis des autres filles d’autres communautés qui maîtrisaient bien, pour une majorité, les langues anglaise et française et ne souffraient pas de la misère.
Je reprends ici les mots de Mootoocomaren Sangeelee qui a travaillé à Arsenal Street Aided School et qui a dit lors d’une interview : « Quand j’avais 15 ans, les filles indiennes n’allaient pas à l’école. C’était en 1917. » Dans l’école primaire où il a enseigné le pourcentage de filles scolarisées était de 10 pour cent et seulement les filles chrétiennes suivaient la classe de sixième. Pandit Cashinath Kistoe, qui compte parmi les fondateurs de la branche locale de l’Arya Samaj a voulu, nonobstant les obstacles, éclairer la communauté sur l’éducation comme tremplin vers l’émancipation de l’esprit. A Pandit Ramruttun qui remplaçait alors Pandit Anirood Sharma, il dit: « As you are appointed by the Sabha as a priest, you have to perform the Yaj ceremonies rightly. Do not forget to tell the Aryan people to educate their children. You should educate your children first. »
Encadrement
L’éducation n’était pas un droit accordé à tout le monde. C’est un fait. Ce sont les fondateurs de l’Arya Samaj sur le sol mauricien qui ont eu leurs propres stratégies et ambitions pour changer les choses. Arya Samaj avait placé la barre de façon assez réaliste pour ce qui était un processus graduel de renforcement des capacités nationales et l’élaboration des stratégies anti pauvreté, anti illettrisme. Arya Pracharini Sabha, comme l’a dit Lakawtee Hurgobin, dans son interview, a ouvert des écoles partout.
Des leçons ou « cours particuliers » devenaient un moyen pour une prise de conscience chez les filles. Basdeo Bissoondyal, Pandit Cashinath Kistoe et certains enseignants de bonne foi comme Madho Gopaul, Gopeechand Chuttur encourageaient l’apprentissage des langues. Leurs noms sont souvent cités.
Les années 30-40 marquaient un tournant. Quelques grandes figures de l’époque notamment Manilal Doctor, Seewoodharry Buguth, Dhunputh Lallah vont montrer qu’il fallait transformer la main-d’œuvre prolétaire en une communauté instruite. La mise en chantier de certains écoles — Maheswarnath à Triolet, Aryan Vedic Hindu Aided à Vacoas, etc., — tire progressivement la fille indienne des ghettos. Un journal Jagriti publie le 13 décembre 1940 un article pour une prise de conscience de la condition féminine et de l’importance de l’émancipation — « During the last twenty years the social life of the Indian girl has been undergoing a set of reforms. Illiteracy, child marriage, purdah system, and ill-treatment have been doomed… While our sisters of India are progressing, it is a matter of deep regret that the Indo-Mauritian girls are lagging behind. The fault is ours: no arrangements have been made for their proper education. »
Les pandits de l’Arya Samaj tels que Pandit Atmaran, Pandit Gayasigh, Pandit Cashinath Kistoe et les pères de famille ont donc un rôle prépondérant dans la construction d’une élite féminine. Ce sont eux qui facilitent l’apprentissage des filles et leur communiquent des connaissances pratiques. Gopeechand Chuttur est un de ceux qui a bien encadré ses trois filles. Vidyawatee Chuttur disait fièrement : « Notre maison était comme un couvent d’instruction où les enfants venaient lire et écrire et même séjourner pour pouvoir aller à l’école. » Les mentalités et les conditions de vie ne se modifient quand même pas du jour au lendemain. Un équilibre va se créer grâce à ces leçons. C’est que cette méthode qui date du passé permet à la fille indienne de partir à la conquête de nouveaux espaces, d’ouvrir ses horizons et d’avoir des débouchés pour avancer dans la société.
Pionnieres et initiatives
En 1912, la présence de Mme Soomanglie Devi Bhardwaz a agi comme catalyseur. Elle est une des pionnières à inculquer les enseignements védiques aux filles qui venaient à ses classes du soir. Les filles apprennent les prières mais vont avoir un esprit moins borné. On leur donne l’opportunité de sortir de la maison, d’écouter et de réfléchir.
D’autres figures remarquables se trouvent progressivement dans le sillage de Mme Soomangli Devi Bhardwaz. Citons Cossila Boolell, Radhika Kistoe, Mme Buckorylall, Mme Parvatee Soomaree, Mme Pattaroo, Mme S. Seetulsing, Mme Kulpoo, Mme Bhagwatee Gayasingh… Radhika Kistoe, s’en rappellent ses nièces Kamla et Deepa Duljeet, lisait son journal Janta régulièrement et expliquait à son entourage ce qui se passait, et elle prenait aussi la parole lors des comités des femmes à Vacoas.
Mme Bhardwaz a donné une forte impulsion à cet effort d’émancipation féminine. On va noter une marée montante dans la première moitié du 20e siècle. Les ouvrages de P. Ramsurrun ‘Arya Samaj brings independence’ en 1970 et de M.Mohit ‘Arya Sabha Mauritius Ka Hihas’ en 1973 montrent que les femmes ne se croisent plus les bras. Et le 29 janvier 1933 à l’Avenir, St Pierre un nombre remarquable de femmes Indo-mauriciennes (Tamils, Telegus, Marathis, Hindoues) ont été présentes à une conférence.
Qu’est-ce que l’émancipation ?
Une libération de l’esprit. Une manière de devenir plus intégré à la société, à l’économie, à la politique. Une façon de marquer sa présence et donc de rejeter l’exclusion. L’émancipation semble être une bonne chose pour la communauté ; elle vise à diminuer l’écart entre les filles qui sont instruites et celles qui vont surmonter les obstacles, les barrières de langue, de culture, de religion. Quand le concept de l’émancipation est mieux compris, non pas dans un sens défavorable, davantage de filles vont voir leur situation s’améliorer. Elles se sentent en confiance et côtoient les enfants des autres communautés.
Les résistances sociales, politiques sont souvent le principal obstacle à l’émancipation. Il fallait en comprendre les enjeux. Les progrès ne sont pas accomplis selon les espérances dans les premiers temps selon la ‘Population Census’ de 1931 : seules 1265 femmes pouvaient lire et écrire l’anglais et le français.
Selon les statistiques de 1930 – selon le journal Arya Patrika, sur 60000 Indiens seuls 7000 enfants étaient sur les bancs de l’école.
La femme partie prenante de la nation
Les premières professionnelles émergent dans les années soixante. Soobhagyarati (Shanta) Bundhoo est la première pharmacienne à concourir aux examens de pharmacie et à réussir. En 1961 Arya Bhawan célèbre le succès de Mokshida Kistoe, lauréate qui revient de l’Angleterre et de la demoiselle pharmacienne. La reconnaissance est là. D’autres femmes arya samajistes s’investissent dans le social pour créer un environnement plus épanouissant pour leurs consoeurs. Lakawtee Hurgobin en est une qui a même fondé un Trust pour les enfants défavorisés. A ce jour les sphères religieuses, éducatives, culturelles comptent des femmes qui œuvrent dans les couvents, forment les jeunes dans les écoles secondaires et la branche tertiaire de DAV de Pailles. Les femmes entrepreneurs sont aussi prêtes à relever les défis dans un monde global.
* Published in print edition on 13 May 2011
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