“Nos politiciens d’aujourd’hui ne sont pas les seuls coupables de la dérive de notre pays. Nous, électeurs mauriciens, sommes autant coupables”

Interview: Yvan Martial, Journaliste et historien

* ‘Tout n’est pas perdu pour notre pléiade de partis d’opposition. Ils ont amplement le temps d’ici les prochaines législatives de fermer leurs grandes gueules, tellement bavardes et inutiles’

* ‘Si Pravind Jugnauth pouvait et voulait éradiquer toute infiltration mafieuse au sein de nos institutions, il l’aurait déjà fait… Si cela n’a pas déjà été fait, nous devons en tirer les conclusions qui s’imposent’

* ‘Franklin est un enfant de chœur comparé à ceux et surtout celles lui ayant permis d’agir jusqu’ici en pareille impunité’

Lorsque le bruit court que les partis politiques se préparent pour les élections, les spéculations tournent autour du comportement des partis, notamment le principal parti au pouvoir et celui de l’opposition. Bien entendu, l’attitude de l’électorat est aussi analysée. Et pourtant, les attentes de la population demeurent vaines un fois que les élections sont terminées. Pour comprendre ce paradoxe, nous avons sollicité Yvan Martial, journaliste et historien, fin observateur du paysage politique local.

Mauritius Times: Certaines personnes qui sont sur le terrain disent avoir noté un certain “flottement” de l’électorat – et ce, pas seulement au niveau urbain. Les raisons de ce “flottement” ne sont pas très claires, mais il semble que les choses ne sont pas aussi nettes qu’auparavant. Pensez-vous que le vent est effectivement en train de tourner en faveur de l’opposition?

Yvan Martial: J’espère de tout cœur, même pas militant, que notre opposition tellement atomisée conservera encore suffisamment d’expérience stratégique pour balayer d’un revers de main définitif cette fausse bouée de sauvetage que pourrait être un « certain flottement électoral ». Observez les volutes «bleuâtres qui montent d’un cigare ». Bien fou serait celui qui voudrait s’appuyer sur tant de volatilités pour prendre parti !

La réalité m’apparaît tout autre. Professionnellement parlant, je dois ingurgiter quotidiennement la propagande vespérale mi-jugnauthienne, mi-religieuse, sinon prosélytiste, de la MBC, la Ministers’ Broadcasting Corporation, que suit aveuglément la moitié de notre population, surtout celle qui est rurale.

Les sbires du Pouvoir tellement culinaire tiennent solidement en otage un téléspectateur sur deux. Ils connaissent leur métier ces mercenaires. Ils n’ont pas leur pareil pour retourner tout débat contre l’opposition, se contentant de cette soupe populaire journalistique, qu’est la conférence de presse tenue dans des hôtels huppés. C’est hélas le dernier endroit où elle peut multiplier les effets de manche, les trémolos dans la voix, la pesée de mots creux, les accusations sans lendemain.

Nul opposant ne possède la conviction tellement fallacieuse de tel ou tel ministre. Le mensonge le plus illogique, le plus incohérent, devient vérité incontestable quand elle est débitée par des menteurs aussi patentés, sans oublier la religiosité d’appoint, voulant faire accroire que Dieu puisse être du côté de pareils larrons.

Mais il nous appartient de descendre ce Dieu, peut-être cloué sur la croix de nos turpitudes, l’armer du fouet vengeur pour que, comme jadis, il chasse encore nos politiciens les plus indignes, en criant de toutes ses forces divines :

« Vous avez fait de la classe politique mauricienne un business de bandits, de voleurs, d’exploiteurs d’hommes, de négriers, de sirdars anti-coolies, d’oligarques. Disparaissez bande de mécréants ! Vous multipliez les prosternations et les faces de carême, pour mieux dissimuler votre égoïsme dévastateur. Vous feriez de beaux… caveaux. Mais les marbres de Carrare n’escamotent pas la putréfaction qu’ils renferment ».

Ce lavage quotidien répété – non contré – des cerveaux risque fort de coûter cher à notre opposition désunie lors des prochaines législatives. Puisse une possible raclée lors des Municipales, pouvant servir de gadjack électoral à la dynastie jugnauthienne, être le coup de fouet pouvant contraindre à notre opposition émiettée de voir enfin la cruelle réalité en face et se ressaisir. C’est notre ultime espoir, comme le dit si bien Reza.

* Plusieurs raisons pourraient expliquer un tel “flottement” de l’électorat: la cherté de la vie ces temps-ci, le grand déballage concernant le trafic de drogue dans le pays, les révélations sur la richesse non déclarée tirée de ces activités illicites, les allégations de pot-de-vin par rapport à la carte d’identité et l’octroi des ‘State Lands’ pour l’organisation, entre autres, des ‘rave parties’… Mais l’électeur mauricien a démontré qu’il ne réagit pas toujours de façon très rationnelle. Qu’est-ce que votre expérience journalistique vous a enseigné sous ce rapport?

Rien de nouveau sous le soleil mauricien, sinon du MSM. La cherté de la vie remonte à lé temps margoze. Le commerce de la mort, on en parlait déjà à l’époque des Amsterdam Boys, des barons de la drogue sur l’estrade du Sunray et au Garden Party gubernatorial, des enveloppes aussi bourrées de billets de banque que certains coffres-forts, se baladant dans les corridors ministériels. Et cela est le fait de vantards prétendant vouloir juguler le commerce de la mort et l’assassinat de la jeunesse mauricienne…

 La carte d’identité demeure un atout en toute main ministérielle, pourtant bien fournie et garnie. « Jamais assez », c’est la devise d’éternels satisfaits, ministres compris. Macarena précède les Rave Parties mais, en respectant mieux peut-être, le caractère sacré de certains lieux de pèlerinage. Un Macarena que n’a pas désavoué avant l’élection partielle du No8 (2009-2010) un célèbre Pinocchio. Qui ne dit mot, consent, sinon approuve, même in petto. Le Festival des Terres, tellement duvalier, anticipe pareillement ces chassés convoités car tellement oligarchiques.

Chassez le naturel et il revient au galop. Plus ça change et plus c’est pareil, sinon pire. De Charybde en Scylla. Pleure, pays bien aimé… S’il te reste encore des larmes, bien sûr… L’électorat mauricien en a tellement vu et entendu avant même 1982, que, nouveau Lucien de Rubempré, il perd ses illusions. Avant les prochaines législatives, les pires d’entre nous marchanderont-ils aux plus offrants leur pouvoir inscrire trois croix sur un bulletin de vote à glisser dans une urne électorale peut-être déjà bourrée ?

Mais gare aux effigies politiques des billets de banque de Rs1,000 et Rs 2,000. Elles pourraient provoquer des retournements de veste de dernière secondedans le secret de l’isoloir. Un nouveau billet de banque de Rs5,000 à l’effigie d’un Menteur ne surprendrait personne, hormis les bigleux.

* L’opposition vous parait-elle crédible pour qu’elle puisse ‘challenge’ efficacement l’alliance gouvernementale et amener un changement au niveau de leurs préférences électorales?

Ne comparons pas émiettement et trame serrée. Ne confondons pas viande hachée et steak saignant que servent les meilleures cuisines politiques du pays, même à proximité d’un lac sacré. Serions-nous encore au lendemain du 7 novembre 2019 et d’une énième déculottée électorale, que nous aurions pu encore croire en l’infime possibilité d’une alliance anti-MSM digne de ce nom.

Qu’avons-nous fait depuis sinon régresser de semaine en semaine, en tolérant d’inacceptables guéguerres et autres nouveaux déchirements d’opposants encroûtés dans leur ego surdimensionné, vivant sur des nuages d’avant le 11 juin 1982. N’importe quel amateur de football télévisé et donc mondial, puisque ce sport ne se pratique plus ou presque à Maurice, vous dira que c’est à la veille des rencontres les plus cruciales que les meilleures équipes s’entredéchirent, entre autres parce que le capitanat est attribué à X au lieu de l’être à Z.

Jusqu’au prochain Nomination Day, la zizanie minera notre opposition tellement fantomatique comme jamais auparavant. Sommes-nous sûrs que chaque pilier de l’opposition sera capable de résister à un clin d’œil de Pinocchio l’invitant à prendre place dans le gruyère ministériel ? Tout pilier séduit et partant affaiblira d’autant l’opposition déjà fragilisée. Le mal sera d’autant plus grand que le traître aura droit à moult propagandes télévisées pour vomir sur ses anciens compagnons de lutte, sur les guerres de tranchée minant une opposition de pacotille.

Le pire est à venir et nous sommes tellement veules, tellement collabos, pour reprendre l’insulte si bien trouvée par Ananda Devi Nursimooloo-Anenden pour décrire la bassesse de deux femmes ministres anglaises, voulant se blanchir l’épiderme (plutôt coloré) en expulsant du Royaume-Désuni des immigrants, ressemblant tellement à leurs ancêtres. De quoi penser aux Mauriciens qui veulent expulser les Bangladais de cette terre d’accueil séculaire qu’est notre pays.

* En l’absence de sondages d’opinion fiables, des questions subsistent quant à l’accueil que réserveront les militants et les travaillistes à une nouvelle alliance entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, et si elle produira les mêmes effets et le même résultat que celle de 2014. Votre opinion?

A qui devons-nous cette absence de sondages d’opinion fiables sinon à ceux qui en ont le plus besoin ? Autrement dit nos partis d’opinion.

D’aucuns diront que l’opposition n’a pas de sous pour financer ces sondages d’opinion. Faux débats. Il leur suffit d’interroger leur base avec l’honnêteté voulue pour savoir s’ils ont la cote ou s’ils perdent le terrain pouce par pouce.

D’aucuns ajouteront encore plus perfidement que nos partis d’opposition n’ont peut-être plus de base. Il convient alors de tirer l’échelle. Que vaut un parti sans base ? Qui voudra recruter un helper sans corps pour soutenir sa tête ?

Seul Danton peut, avant d’être guillotiné, dire à son bourreau : « Tu montreras ma tête au Peuple. Elle en vaut la peine ». Mon opinion ici n’a absolument utilité car elle ne saurait influencer des bases de partis peut être inexistantes. Mais tout n’est pas perdu pour notre pléiade de partis d’opposition. Ils ont amplement le temps d’ici les prochaines législatives de fermer leurs grandes gueules, tellement bavardes et inutiles, sinon à noircir des pages et des pages de journaux, pour répéter semaine après semaine et ad nauseam les mêmes ritournelles. On aurait envie de leur donner ce conseil :

‘Fermez vos gueules, mais ouvrez vos oreilles. Ne dites rien aux Ti-Dimounn sur le terrain mais écoutez ce qu’ils ont envie de vous dire, ce qu’ils ont envie de vous demander pour que notre Population recommence à croire dans l’utilité des politiciens.’

Ne me demandez surtout pas ce que ces innombrables Ti-Dimounn pourraient bien vouloir dire à nos politiciens consentant enfin à se mettre à leur écoute. C’est à eux qu’il faut poser cette question. Nul besoin de finances ici. Il suffit de payer de sa personne politicienne. A chacun sa circonscription et les vaches seront bien gardées.

Une dernière remarque : ces sondages d’opinion préélectoraux sont des secrets non d’État mais de parti. Ils sont faits pour être décortiqués seulement entre stratèges ou en Politburo. Ils ne doivent pas être rendus publics car ils rendraient alors service à l’ennemi. Il se peut même que des partis d’opposition soient assez compétents pour n’avoir pas attendu mon conseil valant ce qu’il vaut pour se mettre déjà à l’écoute de ce que pense et veut la Base. Tant mieux en pareil cas. Car l’espoir peut renaître.

Pinocchio rencontre quotidiennement des gens par milliers devant d’accommodantes caméras. Mais ces milliers sont préalablement triés sur le volet. Il ne faut pas confondre encenseurs et Ti-Dimounn. Pinocchio peut donc être autant couillonné que nos chefs d’opposition désunie, absolument allergiques à la moindre critique. Obeegadoo, Ganoo et Collendavelloo en savent quelque chose pour ne citer que les derniers militants déçus par le stalinisme ambiant prévalant encore à River Walk et à Hennessy Park, derniers fiefs connus d’une vaste aura capable de faire du 70% à Triolet comme en septembre 1970.

Quitte à me répéter, je dis que la victoire est encore possible pour une opposition soudée autour du leader que désignerait une majorité (à trouver) de Ti-Dimounn. Une fois ce dernier désigné par la vox populi, il lui suffirait de s’engager auprès de ses partisans de permettre aux principales régions du pays (Nord, Est, Sud, Ouest, Port-Louis, Plaines-Wilhems Hautes et Basses) de désigner sans contestation possible une candidate femme et un candidat jeune de moins de 30 ans, soit généralement deux nouveaux candidats, pour que cela produise un électrochoc tel que l’électorat plébiscitera pareille ouverture sur le petit peuple.

Du coup voilà notre opposition dotée d’ailes féminines et jeunes pouvant fonctionner durablement. Tout succès réside dans une saine délégation de pouvoirs. Le reste est baratin.

* Malgré l’échec de presque toutes les pétitions électorales devant nos cours de justice, on pourrait s’attendre à ce que les mêmes modalités par rapport à l’organisation des prochaines élections pourraient aussi produire les mêmes résultats qu’en 2019. C’est sans doute un risque que l’opposition ne voudrait pas prendre une nouvelle fois. Qu’en pensez-vous?

Maintenons les pétitions électorales mais pour la forme seulement et en espérant seulement de la part d’éventuels pétitionnaires que leurs requêtes s’appuient sur des arguments juridiques valables. Faute de quoi, ils se trompent eux-mêmes et nous avec. Cela est impardonnable.

Notre histoire électorale ne connaît pas de pétitions à succès ayant entraîné un changement radical de régime. Dans un sens, cela est réjouissant car elle (cette histoire) a connu quelques réussites bien spécifiques, en raison de failles bien précises dont suffisamment légalistes pour priver d’élection un brave RomrikyRamsamy (Circonscription No29, Curepipe, 1959) pour n’avoir pas totalement respecté son patronyme, tel qu’il figure sur son acte de naissance.

Il n’y a que des mauvais perdants à pouvoir croire que des pétitions à gogo peuvent leur donner une victoire qu’ils n’ont pu obtenir le jour du scrutin. Ils n’ont pas droit à notre attention, ni à notre estime. Ils perdent notre temps et surtout celui de notre Justice. Celle-ci est également coupable de ne pas être capable de liquider toutes les pétitions électorales qui lui sont soumises dans un délai de six mois après tout scrutin. Quel peut-être l’intérêt d’avoir une pétition électorale victorieuse à six mois d’un prochain scrutin ?

Passé le mi-mandat, les pétitions électorales en souffrance devraient être rayées d’office. Il suffirait pour cela que notre Justice se montre plus ferme et sévère à l’égard des demandes de renvoi, visant seulement à gagner du temps mais indûment.

Notre système électoral n’est peut-être pas parfait mais il est celui en vigueur et tous ceux qui participent à un quelconque scrutin doivent en tenir compte et s’organiser en conséquence. Tout parti politique voulant être crédible doit pouvoir compter sur des agents compétents dans chaque bureau de vote et à chaque étape du déroulement du scrutin et du dépouillement des suffrages.

Tous les manquements notés doivent être dûment et immédiatement notifiés aux autorités concernées, comme à la direction des partis. Ces informations doivent demeurées disponibles à tout moment aux membres du public, surtout avant la proclamation des résultats. Tout arbitrage de notre Commission électorale doit être respectueusement accepté même avec des réserves, quitte à être contesté ensuite en Justice.

L’opposition n’a pas d’autre choix que d’accepter les règlements en vigueur. L’alternative serait alors de ne pas participer à un scrutin qu’elle considère inéquitable et vicieux. Elle ne doit toutefois pas oublier que l’électorat lui a donné à maintes reprises la possibilité (avec de dangereuses majorités de plus de trois quarts de voix) de modifier les règlements électoraux datant de 1965 (Banwell et Greenwood) pour empêcher que les dérives, dont elle se plaint en 2023, ne se répètent lors des prochaines législatives. Tous nos partis d’opposition ont déjà partagé le Pouvoir avec le MSM des Jugnauth. Ne nous prenez pas pour des imbéciles.

* Cette question concernant l’organisation des élections nous amène à celle par rapport aux dysfonctionnements ou même le blocage des institutions publiques clés du pays – l’ICAC, la police, la Commission électorale, la ElectoralSupervisory Commission… C’est du moins la perception dans le grand public. Comment réagissez-vous à cela?

Nous ne pouvons ici que répéter ce qui a été dit au sujet des pétitions électorales. Nous, électeurs mauriciens, avons plus d’une fois donné à nos différents gouvernements depuis le 7 août1967 de modifier comme bon nous semble l’administration du pays que nous laissent les occupants anglais nous imposant notre Indépendance politique pour mieux se débarrasser de nous, sans nous avoir dérobé préalablement notre archipel des Chagos.

Nous devons avoir le courage nécessaire pour reconnaître que, depuis, le pays est chaque jour moins bien gouverné que la veille. Quelques exemples serviront à illustrer parfaitement cela. Nous nous plaignons volontiers de l’autonomie régressive de nos institutions par rapport aux diktats politiciens de plus en plus nombreux, envahissants, staliniens. C’est oublier que jusqu’au 12 juin 1982, tout fonctionnaire avait le droit de dire « merde » à tout politicien, fût-il son ministre de tutelle, s’il pensait que ce dernier outrepassait ses prérogatives et se permettait de lui donner un ordre par-dessus son chef hiérarchique.

Il lui suffisait de dénoncer ce malotru auprès de son supérieur hiérarchique pour que, dans les 24 heures, le litige soit porté à la connaissance de Seewoosagur Ramgoolam, via le secrétaire permanent et le chef de la fonction publique (alors un certain Dayendranath Burrenchobay) et pour que ce politicien soit vertement remis à sa place, fût-il un Senior Minister.

Avant le 12 juin 1982, les hauts fonctionnaires qualifiés, compétents, connaissant parfaitement leurs dossiers, n’hésitaient pas à conseiller leur ministre de tutelle sur l’attitude correcte à avoir en telle ou telle circonstance. Et si cela déplaisait audit ministre, l’affaire était portée à l’arbitrage suprême de Seewoosagur Ramgoolam. Malheur alors pour le ministre s’il avait cherché à exercer une pression indue sur un fonctionnaire. Notre pays va depuis à vau-l’eau car des apprentis sorciers pensent pouvoir remplacer le tandem Seewoosagur Ramgoolam/Dayendranath Burrenchobay.

Nos politiciens d’aujourd’hui ne sont pas les seuls coupables de la dérive de notre pays, sinon de son naufrage programmé. Nous, électeurs mauriciens, sommes autant coupables et responsables de nos malheurs, comme ceux des enfants de nos enfants. Notre faute impardonnable est de n’avoir pas su, lors de chaque scrutin général, plébisciter les 60 meilleurs candidats réclamant nos suffrages. Nous nous infantilisons chaque jour davantage, au point d’être absolument incapables de comprendre ces deux vérités fondamentales :

Nous sommes incapables, journalistes compris, de comprendre que lorsqu’on nous dit « le gouvernement donnera ceci ou cela », il s’agit en fait des contribuables et des consommateurs qui devront faire de nouveau les frais de nouvelles promesses ministérielles forcément démagogiques et onéreuses.

Nous plébiscitions de parfaits imbéciles pour administrer notre pays à notre place et la première bêtise qu’ils profèrent en occupant leurs nouvelles fonctions, c’est ceci : « Nous ne pouvons rien faire si la population ne fait pas le job à notre place ».

Un exemple: Il faut sauver notre unique planète.

Réponse ministérielle : « Je ne peux rien faire si chaque Mauricien ne fait pas le boulot à ma place », même si le minus est le seul à être grassement payé à la fin de chaque mois par contribuables et consommateurs.

Autre exemple : Il faut éradiquer le trafic de la mort.

Réponse ministérielle : Le cabinet ne peut rien faire si chaque Mauricien n’a pas le courage de dénoncer, au risque de sa vie, les commerçants de la mort.

A quoi bon d’ailleurs les dénoncer s’ils sont si bien protégés ? Est-ce nécessaire de donner d’autres exemples ?

* Par ailleurs, cette perception de blocage des institutions semble être confirmée par l’allégation d’infiltration de ces mêmes institutions, faite par le Premier ministre. Il a dit au Parlement mardi dernier qu’il est, par ses fonctions, l’homme le mieux informé du pays. Vous vous attendez aussi à ce qu’il agisse en conséquence?

Si Pravind Kumar Jugnauth pouvait et voulait éradiquer toute infiltration mafieuse au sein de son gouvernement comme en celui de nos institutions les plus chères, il l’aurait déjà fait, ne serait-ce que pour nous prouver qu’il est bien le fils d’Anerood Jugnauth et qu’avec lui, comme avec son regretté père, il n’y saurait avoir de ‘cata-cata’. Si cela n’a pas déjà été fait, nous devons en tirer les conclusions qui s’imposent.

J’ai heureusement autre chose à faire professionnellement que de m’intéresser aux larmoyantes jérémiades vespérales télévisées de celui qui prétend succéder à des Seewoosagur Ramgoolam et autres AneroodJugnauth. Mais tant qu’il fera l’objet du plébiscite de l’électorat majoritaire de mon pays, je respecterai à la lettre cette volonté populaire et nationale, même si je la tiens en partie responsable d’une partie des malheurs s’abattant sur le pays des enfants de nos enfants.

* L’actualité reste dominée par l’affaire Franklin qui est à l’évidence une source d’embarras pour certains dirigeants politiques. Il est probable que ce que nous avons vu jusqu’à présent, ce n’est que la pointe de l’iceberg, et on n’en sait pas trop sur le lien qui existerait entre les différents réseaux de trafiquants et les partis politiques. Pensez-vous que nous en sommes arrivés là?

Franklin est un enfant de chœur comparé à ceux et surtout celles lui ayant permis d’agir jusqu’ici en pareille impunité. Je subodore qu’on l’utilise pour empêcher que l’attention générale ne se porte sur des méfaits encore plus graves.

L’homme est un loup pour ses semblables. Je me sais seulement coupable de n’avoir pas pu faire davantage pour empêcher que notre pays bien aimé ne se dégrade autant. J’ai une admiration sans borne pour tous les militants, journalistes, politiciens, syndicalistes, professeurs, fonctionnaires, religieux, travailleurs sociaux, entrepreneurs, travailleurs, serviteurs d’autrui, qui ont le courage, malgré tout de se lever chaque matin, de sortir de leur confort et bien-être, pour apporter une nouvelle pierre à l’édification d’un pays Maurice plus fraternel.

Ne comptez pas sur moi pour jeter la première pierre à qui que ce soit, ici-bas. J’ai une conscience trop aiguë de mes innombrables défauts, dont j’aurai à répondre, pour oser porter un jugement sur qui que ce soit, fût-il mon Premier ministre. Il a sa conscience. Elle seule le jugera à la fin de sa vie.

Son travail est loin d’être une sinécure. Il a de très lourdes responsabilités. Il faudrait être fou pour vouloir être à sa place. Je le prendrai simplement plus au sérieux quand il me donnera la preuve qu’il est davantage capable de prendre conseil d’éminents compatriotes, ayant toute mon estime et admiration. Alors je saurais mon pays en de bonnes mains.


Mauritius Times ePaper Friday 31 March 2023

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *