Manifestation des travers
|By Nita Chicooree-Mercier
Les autorités et représentants du bon peuple dans sa diversité prennent au sérieux leur rôle d’arbitre et de médiateur que la télévision publique prend soin de transmettre à tous les foyers du pays. L’intention est de ménager la susceptibilité des uns, un défaut accentué par l’insularité et le statut sacrosaint de l’identité des uns et des autres, et d’autre part, à rétablir la vision officielle de tout polémique qui inonde l’espace médiatique où les intervenants surchauffés se donnent à cœur joie et à plein gosier. A l’écran national, au rassemblement de tous les foyers le soir venu, l’exercice consistant à rétablir la sérénité est plutôt bien réussi. Et tant mieux.
« Sont prévus par le Gouvernement le dédommagement des pêcheurs, le plan de logement pour les démunis, et l’assurance d’un rapport sur l’état écologique des mers dans le sud. Et si la définition de l’apartheid et de dictature est bien claire, à moins d’être de très mauvaise foi, on se demande si c’est un spectacle d’un Don Quichotte en guerre contre les moulins- à-vent auquel le pays assistera en fin de semaine… »
Goupillon à la main, le dernier en date de ce type d’exercice a été fait lors d’une messe en l’honneur d’un saint dont les profanes et païens connaissent peu les qualités. Les grands mots tels que ‘notre peuple’, ‘notre pays’ – pronom possessif très prisé dans l’exercice de rassemblement ponctuent le discours. La ‘diversité’, aussi au rendez-vous, fait bonne figure. La messe est dite. Ainsi soit-il.
Il faut admettre que l’étalage au grand jour des sujets dits ‘sensibles’, bénéficiant habituellement d’une omerta censée préserver l’harmonie, lève le voile sur des vérités qui fâchent. Les discours tentent de présenter comme autant de ‘négativité’ ce qui, en somme, est la vérité.
Et nous ? Notre rôle n’est pas de plaire, mais de dévoiler la vérité au-dessus de toutes autres considérations supposées préserver ‘l’harmonie’. Plus qu’un rôle, c’est un devoir. A quel prix ? A n’importe quel prix.
Si le sens du devoir, une obligation par excellence prônée dans le Bhagavad Gita, impose une certaine exigence, la méthode de l’expression peut frôler tantôt la moquerie et l’ironie, et tantôt la provocation. Le sens de l’humour n’est pas le point fort d’un pays où on produit et on étale en permanence les palabres des mâles à fort taux de testostérone. Toute tentative de présenter avec humour les faits de société, d’ici et d’ailleurs, est voué à l’échec. Tout est pris au premier degré, et ils montent tous sur leurs grands chevaux à la moindre provocation. La colère fait partie de leur vie quotidienne. D’ailleurs, on est étonné qu’il n’y ait pas plus de violence dans ce pays. Leur réaction ordinaire consiste à se venger. Vengeance et représailles constituent leur point fort. Il y a quelques années, un ami algérien à la Réunion qui a eu quelques déboires ici suivis de représailles fit cette observation très juste : ils ne sont pas bien là-bas. ‘Là-bas’, c’est ici dans le pays ‘nou zil’ tant vanté.
Cette mentalité, qui selon certains serait infantilisante, n’a pas évolué au fil des années dans ce pays où on fait grand étalage de la religion et des prières.
Des palabres passent pour des discours sensés, étalés dans la presse et les réseaux sociaux. Ce trait négatif des mâles d’ici nous a servi de repoussoir et rempli d’assez de dégoût durant nos années d’adolescence pour nous pousser à plier bagages et à voir la vie différemment sous d’autres cieux plus cléments où l’évolution de la société a fait place à la Raison dans les échanges et les rapports sociaux, une raison qui favorise des rapports civilisés, et par conséquent, apaisés.
Si ce n’était que les mâles ! Au fil du temps, il semble que les ‘femelles’, au sens premier du terme, ont intériorisé le même comportement dans l’espace médiatique, empiré par le cloisonnement insulaire. Elles ont rejoint en toute lâcheté le rang des mâles et, ceux de leur clan pour certaines, se rendant ainsi complices de tous les travers de ces derniers. Elles ont ainsi enlaidi le repoussoir.
Message aux dirigeants politiques et représentants des identités ‘sensibles’ : Sans l’apport de la Raison, l’apaisement désiré restera superficiel. Un habit d’apparat recouvert de dorures destiné à attirer le regard sur le ‘paraitre’. Quant à ‘l’être’, il requiert de gros efforts de penser et de réflexion. Ce n’est pas le point fort du pays non plus.
De leur côté, les élus essaient tant bien que mal de rendre plus crédible leur opinion sur les sujets controversés d’intérêt général, gestion d’une générosité douteuse de la banque d’Etat, les tournoiements d’Air Mauritius, lois du travail et dérive d’un navire qui a eu la mauvaise idée de se rapprocher d’une barrière à ne pas franchir. Les bonnes étoiles ne sont pas prêtes à s’aligner ni pour le monde entier, ni pour nous. Bien avant la pandémie, la situation économique envoyait des signaux alarmants dans de nombreux pays. Un coup de grâce – flanqué par un virus – a mis le monde à genoux.
Profitant de cette situation créée par un enchaînement de catastrophes, en brandissant les grands principes et les grandes causes dont ils sont les ardents défenseurs, des voix multiples ont créé une cacophonie permanente sur les ondes. Et c’est pour le plus grand bonheur de l’audimat des plus remuants parmi eux. Chanceux sont ceux qui y arrivent à voir clair dans le discours qui invite à des manifestations de rue, une habitude dont le désœuvrement est susceptible à créer la demande de manifester tous les quinze jours.
Hormis le mécontentement suscité par la gestion des crises, selon certains, il y aurait comme une soif de prendre le pouvoir à tout prix, un empressement de faire feu de tout bois et un incendie de la moindre étincelle. Celui-là même qui jure de ‘réformer’ par le parti qu’il a fondé semble animé par un esprit de vengeance contre le parti et le clan dont il était jadis ami et défenseur juré, et mis en scène par un baisemain gracieux de mâle à mâle. Il a l’air d’investir toute son énergie à détruire l’ennemi d’aujourd’hui, l’ami d’hier.
En mal de héros, le public a jeté son dévolu sur une des figures très médiatisées par les temps qui courent en y voyant, selon l’angle d’optique, un Martin Luther King, une Mère Théresa et pourquoi pas un Nelson Mandela contre l’apartheid. Les causes : le sort des pêcheurs, celui des squatteurs, le logement, la loi du travail, la marée noire, anti-dictature et tutti quanti. Auto-portrait : un loup de mer habitué aux dangers et très remonté contre l’action ou l’inaction des gouvernants. Son principe : même pas peur de mourir. Lui, a l’air de prendre son rôle au sérieux.
Entre autres, sont prévus par le Gouvernement le dédommagement des pêcheurs, le plan de logement pour les démunis, et l’assurance d’un rapport sur l’état écologique des mers dans le sud. Et si la définition de l’apartheid et de dictature est bien claire, à moins d’être de très mauvaise foi, on se demande si c’est un spectacle d’un Don Quichotte en guerre contre les moulins- à-vent auquel le pays assistera en fin de semaine.
Si on n’est pas à jour dans notre perception des divers organes de presse et médias ainsi que les intervenants, le confinement a permis d’en prendre pleine connaissance. Suffisamment pour retrouver le repoussoir enlaidi de notre adolescence qui, même en faisant le tri dans ce guêpier où fourmillent des passions destructrices, la guerre des égos, la soif du pouvoir, palabres, vengeance et représailles, pousse à scruter le ciel pour le prochain vol et à contempler l’océan pour sa beauté dans un désir de prendre le large et l’air.
‘Can Mauritians think?’ de Samad Ramoly serait d’une grande utilité au public si c’est une réelle invitation au ‘hard thinking’.
Vivement l’ouverture des frontières !
* Published in print edition on 28 August 2020
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