Voir au-delà du 10 décembre
|Ou penser l’après-Ramgoolam, l’après-Berenger et l’après-Jugnauth
Le peuple mauricien, appelé aux urnes, n’a jamais été confronté à un choix aussi difficile et aussi facile, car la question qui se pose n’est pas seulement pour qui voter, mais aussi pourquoi voter.
Prenons le cas d’un fidèle du Parti travailliste. Pour lui, le réflexe serait bien sûr de suivre le parti et donc voter bloc, ce qu’il a toujours fait dans le passé. Le choix paraît donc facile. Mais comme il regarde son parti, il hésite. Il ne le reconnaît plus.
Il voit de toutes nouvelles têtes qui n’ont jamais rien eu à faire en tant que tel pour le Parti travailliste ou qui ne se sont jamais distingués dans la société, et qui n’ont jamais fait de travail social, et dont la présence sur la liste du parti est due seulement à sa proximité avec le leader du parti. Parachuté pour devenir député ou peut-être demain ministre, sans aucune préparation ni formation, ce nouveau protégé ne devra rien aux votants et toute son allégeance ira au leader à qui il doit tout. Plus grave, on y a vu des transfuges et des roderre-boutte qui n’ont aucune culture travailliste.
Voilà la raison pour laquelle le fidèle du Parti travailliste a des hésitations sur les hommes que lui propose le leader du parti, je dis bien leader, parce que le parti n’a pas eu et n’a jamais eu son mot à dire sur le choix des candidats. Alors ? Ce fidèle du Parti travailliste de Chacha Ramgoolam, sollicité par le MSM, que va-t-il faire? Se jeter dans le bras d’Anerood Jugnauth? Et c’est là que le choix devient difficile.
Maintenant prenons le cas d’un militant de la première heure, nourri et habité par les souvenirs de la première heure de luttes à côté de leur leader, Paul Raymond Bérenger. Le sang mauve coule dans ses veines, il n’a jamais cessé de fredonner les refrains ensorcelants de soldats la lutte…Voter pour son parti est un réflexe conditionné. Rien de plus facile.
Mais ici, son parti est en alliance avec son adversaire de toujours, Aussi ce qui paraissait facile ne l’est plus et devient difficile. Il n’arrive pas à oublier…Il a appris depuis des décennies à détester le Père de la Nation, pour avoir renvoyé les élections et son parti lui demande maintenant de voter bloc, c’est-à-dire pour les candidats travaillistes et militants confondus dans la même Alliance… Le choix est difficile. Convaincus que leur leader les a trahis, un militant des plus purs et durs Ivan Collendavelloo, lui, a choisi de claquer la porte entraînant un pan important hors du MMM.
Mais derrière ces choix de personnes ou de programmes politiques, il y a plus sérieux, plus grave, car ces prochaines élections générales ont surtout l’air d’un référendum pour ou contre la Deuxième République. Nombreux sont les membres du public interrogés par les journalistes qui ne savent pas exactement de quoi il est question, sauf pour le fait que le Président serait « élu à un tour, avec un mandat de 7 ans renouvelable »…
Cela fait peur à tous les démocrates du pays. Un projet liberticide pour ceux qui y ont sérieusement réfléchi et qui n’en veulent pas. Et c’est ce que veulent Ramgoolam et Bérenger. Donc, oubliant son parti et ses allégeances traditionnelles, le choix devient facile pour ceux-là qui sont contre la Deuxième République.
Pensons au 11 décembre, au lendemain des élections. Imaginons que les partisans de la Deuxième République gagnent les élections. On ne verra rien de nouveau, aucun changement dans le style et les options de ceux-là qui ont déjà été au pouvoir et qui vont continuer de faire la même chose qu’ils faisaient auparavant. Et ce sera tout à fait normal à cause de leurs vieux réflexes qui n’ont jamais été secoués ou questionnés par les électeurs. Ils seront incapables de changer.
Jugnauth battu, il ne pourra pas faire grand-chose pour implémenter son programme en 10 points, qui a fait tourner la tête à une multitude d’électeurs. Mais s’il est en minorité confortable, il y aura toutes les chances que l’on voie se faire une coalition pour l’implémentation du programme du PTr-MMM qui est une copie conforme de son propre programme annoncé plusieurs semaines plus tôt. Dans cette configuration, étonnant que Bérenger y ait toujours sa place.
Mais, au contraire, comme le promet les divers sondages, Navin Ramgoolam a perdu la confiance des électeurs, cela se traduira par ce qui sera davantage la défaite de Navin Ramgoolam plutôt par la victoire de Anerood Jugnauth. Alors, Jugnauth formera le gouvernement et implémentera les mesures annoncées dans son programme et il est connu pour un homme qui respecte sa parole et ce sera tant mieux pour la population.
Mais il faut voir plus loin. Nous sommes déjà entrés dans un monde tout à fait nouveau, dans une nouvelle ère, avec de nouveaux challenges, qui interpellent les dirigeants de la terre sur de nombreux plans – économique, écologique, politique, monétaire, avec une Amérique désorientée, une Europe nostalgique, une Asie en montée de puissance. Mais, sur place, dans notre île même, nos politiciens ne semblent pas prendre la mesure de ce qui attend Maurice dans ce contexte international tourmenté. Il y a le cyclone dehors et l’on ne semble pas en être conscient ici dans nos milieux politiques.
Certes, les partis parlent des jeunes qu’il faut instruire et former pour qu’ils trouvent de l’emploi, certains parlent de combattre le chômage, mais il y a l’inégalité sociale profonde et grandissante comme vient de nous le rappeler le Gouverneur de la Banque de Maurice, M Rundheersing Bheenick. Bien sûr, cela est très important. Mais, ce que je dis, c’est qu’il faudrait que les projets capitaux de même que les mesures palliatives, s’insèrent dans une vue globale de nos problèmes dans un contexte régional ou international.
Il se trouve que la plupart de nos leaders politiques sont dépassés, ils ne comprennent pas, ils sont davantage préoccupés par la conquête du pouvoir personnel que par une vision d’une île Maurice nationale, qui avance sur le plan intellectuel et spirituel pour devenir une nation. Ce cheminement ne pourra pas se faire sans une volonté et un leadership politiques, soutenus par toutes les communautés du pays, qui devraient être encouragées à croire et qui croient sincèrement que la construction d’une nation est essentielle pour le progrès, l’harmonie et le devenir de notre pays, et surtout pour sa survie. C’est donc une priorité.
Le problème du pays, aujourd’hui, c’est que nos leaders sont vieux. Il ne s’agit pas d’une question d’âge ou du nombre d’années ! Il s’agit de pouvoir se projeter dans l’avenir et de voir au-delà de l’horizon. C’est dans ce sens que Ramgoolam, Bérenger, et Jugnauth sont vieux et, par conséquent ils ont été incapables de proposer un road map pour l’avancement du pays.
Sans vouloir offenser quiconque, cela nous fait penser aux dinosaures. Mon vœu, c’est que de nouveaux patriotes se lèvent dès maintenant et se montrent prêts à occuper les places qui vont se libérer. Qu’ils viennent de l’avant, non parce qu’ils sont jeunes en âge, mais parce qu’ils sont jeunes d’esprit, patriotes, désintéressés, et optimistes avec une vision ou un projet de société pour leur pays.
Donc, il faut dès aujourd’hui penser à l’après-Ramgoolam, l’après-Bérenger, l’après-Jugnauth.
* Published in print edition on 5 December 2014
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