Enseigner l’Histoire de Maurice à nos Enfants

By Joseph Tsang Mang Kin

« Une des choses fondamentales que doivent connaître les citoyens de tout pays, c’est d’abord leur propre Histoire, celle de leur pays, de ceux qui ont construit ou voulu détruire leur pays, l’Histoire des combats et des réalisations de leurs citoyens, dans tous les domaines, que ce soit politique, social, éducatif, scientifique, etc. C’est cette ignorance de l’Histoire qui fait qu’aujourd’hui on voit n’importe quel affabulateur se prendre pour un historien, donner sa version des événements et ainsi faciliter la manipulation des masses… »

Tout étudiant en science politique ou tout simplement le citoyen qui observe notre vie politique quotidienne, ne peut pas ne pas être intrigué par un phénomène récurrent qui semble collé à notre Histoire depuis 1983: le pays semble être condamné à assister aux mariages, divorces et remariages de serial divorcés. Où les noceurs ne se demandent même pas la peine de savoir s’ils s’aiment ou pas, mais ce qui est certain, c’est qu’ils se détestent et ne se font nullement confiance. Et les citoyens-enfants sont tenus d’assister à d’éternels remakes sans avoir leur mot à dire. « Sois stupide et tais-toi ! »

Et si on ne voulait plus se taire ou cesser d’être des idiots ! Comment faire ? Question certes facile, mais les réponses pas si faciles à trouver. Pour essayer d’y voir clair, voyons ce qui se passe autour de nous, en ce moment. Il y a l’initiative de Jack Bizlall qui réunit des hommes et des femmes qui réfléchissent et constituent un réseau d’intellectuels qui ont à cœur l’avenir du pays. Il y a également Shafick Osman qui réunit des citoyens qui ont des choses à dire ou d’autres qui veulent en savoir, chaque jeudi après-midi dans sa librairie de Rose-Hill. Je lui ai fait la réflexion qu’il serait en train de monter un nouveau Club des Etudiants, mais espérons qu’il devienne un Club d’Agissants.

C’est sain et encourageant, tout cela. Et voilà que nous voyons agir et non pas seulement réfléchir des citoyens qui s’interrogent, comme Roshi Badhain qui n’hésite pas à pointer du doigt telle pratique de silence et d’opacité dans la gestion de tel dossier. C’est un début : c’est un commencement. Cela veut dire qu’il nous faut un Freedom of Information Act à la manière des Etats-Unis où on essaie de traiter les affaires qui nous concernent tous dans la transparence.

Mais souvent les hommes de réflexion ou d’action se trouvent dans un désert où ils se sentent seuls et sont parfois découragés par l’inertie ou le cynisme de leurs compatriotes, qui se demandent à quoi servent les initiatives, lesquelles seraient certainement une perte de temps. Et ces hommes de réflexion et d’action de leur côté tellement jaloux de leur liberté de pensée qu’ils se méfient des partis ou des associations de peur de perdre leur indépendance. Que faire ? Ecrire dans les journaux, dont un bon nombre, certes, ont leurs propres agendas plus ou moins secrets ? En déposant les armes, en se taisant, en ne se groupant pas, on fait la part belle aux manipulateurs de notre société.

Il n’y a rien de plus facile que de manipuler les personnes ignorantes, je ne dis pas imbéciles, non, mais ignorantes, c’est-à-dire ceux qui ne savent pas, qui ne sont pas informées ou qui ne savent pas qu’ils ne savent pas. Quand on ne dispose pas des faits, on n’est pas en mesure de porter un jugement ou de prendre une décision appropriée. On laisse faire, on se laisse faire. On est manipulé.

Une des choses fondamentales que doivent connaître les citoyens de tout pays, c’est d’abord leur propre Histoire, celle de leur pays, de ceux qui ont construit ou voulu détruire leur pays, l’Histoire des combats et des réalisations de leurs citoyens, dans tous les domaines, que ce soit politique, social, éducatif, scientifique, etc. C’est cette ignorance de l’Histoire qui fait qu’aujourd’hui on voit n’importe quel affabulateur se prendre pour un historien, donner sa version des événements et ainsi faciliter la manipulation des masses. Sans qu’il y ait des contradicteurs qui mettent fin aux contre-vérités. Si quelqu’un se met à vous raconter l’Histoire des Hollandais débarquant sur la plage de l’île et vous montre des tapis de sable blanc mais omet de montrer des dugongs qui s’y étalent, comment les enfants qui lisent ces livres vont-ils connaître l’Histoire ou savoir que l’auteur ment par omission ou par ignorance. Ou si on vous montre de beaux flamboyants à l’époque de La Bourdonnais, alors que ce bel arbre n’est venu chez nous qu’un siècle plus tard, sous les Anglais.

Mais il y a plus grave : il y a ce chapitre de l’histoire politique Maurice qui est complètement faussé : ce qui s’est passé depuis 1968 jusqu’au 60-0. Il y a la version biscornue et amusante d’un Jean Claude Antoine (Week-end du 10 juin 2012) ou celle hésitante de SJ Reddi (son livre sur Sir Veerasamy Ringadoo) sur les événements de 1971. (Je vais revenir dessus.) Il n’y a pas que ces textes qui donnent des versions insuffisantes ou approximatives de ces décennies mouvementées. Il y a plus grave : c’est le silence par des témoins privilégiés sur ce qui s’est vraiment passé: au lieu de dire la vérité ils mentent par omission. C’est ce qui ressort des autobiographies qui se taisent, non pas sur le triomphal 60-0, mais sur ce que les vainqueurs du jour ont fait de ces 60-0.

On ne finira jamais de le répéter. Les 60-0 ont été utilisés pour violer les droits de l’homme, les droits des hauts fonctionnaires qui ont été chassés de leurs emplois, par vengeance. Pour ne citer que le tout dernier livre de Jayen Cuttaree, il n’est nullement question de remords ou de regrets, ni de sa part ni celle de ses pairs (Jugnauth, Bérenger, Boodhoo…etc.,) dans le viol des droits de l’homme et de la campagne de chasse aux sorcières qu’on n’est pas près d’oublier. Un livre et surtout une autobiographie eût été une excellente occasion pour s’excuser auprès des victimes de 1982. Comment peut-on être aussi sans coeur?

J’évoque cette manipulation des faits récents pour dire que les citoyens de ce pays ont le droit et le devoir de connaître leur Histoire. Il y a aurait des actions à prendre : il appartient au ministère de l’Education d’introduire ce sujet dès l’école primaire et ensuite dans le curriculum du secondaire, en somme que ce soit une matière obligatoire. Ce n’est pas parce Cambridge n’offre plus l’Histoire de Maurice qu’elle ne doit pas été enseignée. Qu’attend-on pour le faire ?

Il appartient de son côté, au parti travailliste qui s’est jusqu’ici montré complexé sur la période évoquée, d’écrire son Histoire, de donner sa version. Celle-ci sera certainement, contestée, confrontée à celle des ses adversaires. Tant mieux ! Du choc des versions contradictoires jaillira la vérité. On mettra ainsi fin à la version, du genre pensée unique que l’on nous impose depuis des décennies. Qu’attend-on pour le faire ?

Cet exercice aura le grand avantage de rendre nos compatriotes plus avertis, moins endoctrinables, et ce sera un grand pas en avant dans l’avancement de notre démocratie.

Au lieu de pleurer, il faut se lever !


* Published in print edition on 29 June 2012

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