« L’Etat ne peut pas être dicté par des groupements religieux…
|Interview: Joseph Tsang Man Kin
…On n’est plus au Moyen Age. On n’a pas besoin de policiers religieux ici »
* La société mauricienne est malade et il faut dépasser les symptômes pour identifier ce qui provoque la maladie.
Quelles sont les limites qu’un Etat ne doit pas franchir dans la lutte contre toutes les formes de discrimination ? Joseph Tsang Man Kin se penche sur cette délicate question du respect des droits de chaque individu sans froisser les susceptibilités religieuses et morales des citoyens de la République. Il s’attarde aussi sur divers phénomènes nouveaux qui apparaissent dans la société et touchant particulièrement les enfants. Faut-il chercher les causes profondes de ce mal afin de protéger le pays contre d’autres fléaux sociaux et prévenir la montée de la violence sous des formes diverses ?
Mauritius Times: Le gouvernement mauricien a apporté son soutien, le 17 juin dernier, à une récente résolution de l’United Nations Human Rights Council pour combattre toute forme de discrimination à l’encontre des homosexuels. Pensez-vous, comme le leader de l’Opposition le soutient, que le gouvernement mauricien aurait dû enclencher de larges consultations avant d’accorder son soutien à cette résolution ?
Joseph Tsang Mang Kin : L’Opposition, c’est pour opposer, pas pour gouverner. D’abord, je dois dire que je soutiens pleinement cette résolution des Nations-Unies. Par ailleurs, faut-il aussi ajouter qu’on n’est plus aux temps révolus des siècles précédents où il y avait une confusion de rôles entre la moralité et la politique. De mon point de vue, il faut permettre aux gens d’agir comme ils le souhaitent aussi longtemps que le comportement moral de l’individu n’interfère pas sur son comportement social. Cela ne me gêne pas à condition que ce comportement ne débouche pas sur un comportement antisocial et ne cause pas de désordres ou de violences dans la société. permettre aux gens d’agir en privé comme ils le souhaitent ne veut nullement dire qu’on approuve leur comportement, mais je crois profondément au respect des droits de l’individu. Est-ce que nous voulons jeter en prison tous ces gens qui souhaitent contracter des « same sex marriages », phénomène social récent qui a été dans l’actualité ces dernières semaines ? Je crois qu’il faut être réaliste et tolérant – « live and let live ! » Qu’on laisse les gens vivre comme bon leur semble au lieu de créer des frustrations ! Les frustrations accumulées causent des souffrances et font des malheureux. Pourquoi augmenter la souffrance des autres ? C’est une minorité qui n’agresse personne…
* Il y a quand même une certaine frilosité chez les politiciens lorsqu’il s’agit d’aborder des questions touchant à la religion. Faut-il, à votre avis, avoir des consultations très larges avant d’entamer des changements qui pourraient froisser les susceptibilités religieuses?
Si cela concerne certaines pratiques d’une religion précise, par exemple les fêtes religieuses de telle ou telle communauté, il est tout à fait normal que le pouvoir politique consulte les responsables, tout en sachant que ce n’est pas à l’église ou à n’importe quel autre groupement religieux de dicter le choix politique d’un gouvernement qui doit considérer les situations de manière plus large et plus ouvert parce que dans une société pluriethnique comme la nôtre, il faut faire très attention de ne pas blesser les susceptibilités de qui que ce soit. Je souhaite préciser en même temps que nous ne sommes pas une société religieuse et que tout en admettant le principe de consultation, il faut bien se dire que l’Etat ne peut pas être dicté par des groupements religieux. On n’est plus au Moyen Age. On n’a pas besoin de policiers religieux ici.
* En théorie, c’est bien mais dans la pratique cela ne se passe pas ainsi, n’est-ce pas ? Par exemple, il y a eu beaucoup de résistance à la légalisation de l’avortement. Comment aborder un tel problème ?
Je suis d’accord que très souvent cela ne se passe pas ainsi dans la pratique. En ce qui concerne la légalisation de l’avortement, de mon point de vue, c’est très simple. D’abord, c’est à l’Etat de proposer et aux parlementaires de décider s’il faut aller de l’avant avec la légalisation de l’avortement, et ensuite, libre aux individus d’en tirer les conséquences selon leurs croyances religieuse. Je peux comprendre que certaines personnes s’opposent à l’avortement parce que cela heurte leurs croyances religieuses et elles n’ont pas recours à une telle pratique, mais le principe doit être admis que la croyance individuelle d’une personne ne doit pas être prise comme la norme pour dicter un comportement aux autres personnes qui ne partagent pas la même conviction religieuse ou autre.
On doit bien faire bien la distinction entre la gestion d’un Etat et le comportement moral d’un individu. Il faut qu’il y ait une séparation bien nette entre ces deux situations.
* Et c’est le même principe qui devrait être appliqué en ce qui concerne la décriminalisation de la sodomie, le mariage des homosexuels, … ?
Oui. Je sais que beaucoup de groupes religieux seraient contre ces propositions. C’est vrai que ce sont des questions délicates, mais j’affirme que c’est le même principe qui doit être appliqué. Voyez la situation aux Etats-Unis, par exemple. Certains Etats ont légalisé certaines pratiques alors que d’autres Etats sont contre. Donc, c’est à l’Etat de trancher dans l’intérêt de la collectivité locale, de l’ordre et de la paix. En fin de compte, la question fondamentale par rapport à toutes ces questions, relève d’une question de conscience individuelle. Alors, ce n’est pas à l’Etat de dicter aux individus leurs choix. Qu’on les laisse agir selon leur conscience, cela aussi longtemps qu’ils ne créent pas de désordre dans la société et qu’ils n’adoptent pas des comportements antisociaux. C’est souvent la répression qui provoque des explosions de colère, des comportements antisociaux, et tout ce qu’on est en train d’observer dans la société mauricienne. Notre société est malade du fait qu’il existe trop de faux-semblants, de mensonges et de répressions. Les gens n’osent pas parler, ils ont peur de dire ce qu’ils pensent et si on ne dit pas la vérité, qu’est-ce qui se passe ? On invente d’autres ‘réalités’, on se trompe soi-même… il y a une sorte de schizophrénie qui s’installe dans son être intérieur et cela amène à un moment donné à une explosion. Les meurtres, les cas de pédophilie, etc., sont le fait de cette situation d’auto-répression.
* On a appris cette semaine le cas d’une fillette de 3 ans qui aurait été battue à mort par ses proches. Il y a eu récemment le cas de quelques élèves de l’école primaire Emilienne Rochecouste qui s’étaient automutilés. On parle aussi du phénomène Marilyn Manson dans les établissements scolaires – pas très répandu, selon le ministre de l’Education, mais qui affirme que la vigilance reste de mise. Est-ce suffisant ?
Je crois que le problème est beaucoup plus profond. Ce n’est pas en passant des lois ou en punissant plus sévèrement les coupables qu’on parviendra à stopper de tels comportements. La solution se trouve, à mon avis, dans l’éducation. Il faut apprendre aux gens comment se comporter en société. Cela relève aussi sans doute de la question de moralité… Toutefois, je crois que le phénomène d’automutilation qu’on a connu récemment relève d’une forme inconsciente de protestation contre les parents et la société ; on n’arrive pas à dire ‘Non’ ouvertement à son entourage, à ses professeurs et à ses parents. Donc, les élèves ont trouvé un moyen de s’exprimer : l’automutilation ; c’est une forme de protestation, c’est un cri de détresse, c’est pour attirer l’attention.
* Vous voulez dire que des enfants de 5-8 ans ont des choses à dire à la société et qu’ils s’automutilent, faute de liberté d’expression ?
Les enfants sont soumis à un rythme de vie ou de scolarité qu’ils ne peuvent plus suivre. Donc, c’est une façon non seulement de protester mais c’est aussi un SOS qu’ils sont en train d’envoyer aux parents et à la société. Ce n’est pas seulement l’aspect visible – la mutilation — qu’on devrait voir. A mon avis, il existe un problème plus profond, un malaise intérieur de l’individu face à ses professeurs, à ses parents et à la société en général. Il est soumis à un rythme de vie et à un comportement contre lesquels il proteste et comme il n’arrive pas à s’exprimer, il s’automutile pour attirer l’attention. La société mauricienne est malade et il faut dépasser les symptômes pour identifier ce qui provoque la maladie pour pouvoir ensuite soigner correctement et efficacement les malades.
* Cela requiert une approche multidisciplinaire ?
Oui, mais il y a aussi autre chose. Notre société évolue d’une telle façon qu’il y a aujourd’hui plus de liberté, plus de consommation. On se retrouve aujourd’hui avec des phénomènes nouveaux. Voyez le cas de ces épouses qui délaissent leur mari tout en abandonnant leurs enfants derrière elles, phénomène nouveau qui démontre une volonté de vivre sa vie. Je ne veux blâmer personne. Je fais un constat. Il s’agit là de situations toutes nouvelles aujourd’hui de par leur ampleur dans la société.
* Nul n’est à l’abri de ce type d’évolution sociétale… Toutes les composantes de la société mauricienne y passent parce que leur capital culturel qui, auparavant les protégeait contre de tels phénomènes, n’arrive plus à supporter cet envahissement. C’est ça ?
Oui. C’est effectivement un problème d’ordre culturel, ce que j’appelle de la transculturalité, c’est l’interpénétration des cultures et des conséquences qu’elle entraîne. En fait, il s’agit de l’évolution de la société humaine. Nous évoluons dans notre île dans une espèce de delta au sein duquel s’entrecroisent plusieurs courants culturels. L’enfant se trouve souvent désorienté dans un tel environnement. Je prends l’exemple d’un enfant chinois, d’une communauté que je connais bien. On a appris depuis notre tendre enfance que nous devons nous adresser à quelqu’un selon son rang social en l’appelant soit ‘Tonton’, ‘Ah-Pak’, ‘Ah-Siouk’, ou tante Ah-Yi…. On retrouve les mêmes pratiques chez les Hindous et les Musulmans.
Mais les choses sont différentes aujourd’hui : pris dans cette rencontre de cultures différentes, et avec le fait que les gens mettent plus l’accent sur le prénom plutôt que sur le clan, la famille ou le rang, on assiste à une mise à plat de la hiérarchie traditionnelle. Il y a perte de valeurs et surtout perte du capital de respect et de considération qui va de pair avec la hiérarchie qui prévalait auparavant. En fait, en privilégiant l’individu au détriment de la famille, nous sommes en train de briser les soubassements de notre société en même temps que ses valeurs et garde-fous. Par conséquent, l’enfant se croit l’égal de l’adulte et se met à l’appeler par son prénom. L’élève tutoie le professeur et faut-il être surpris si l’élève agresse les professeurs pour lesquels il n’a plus aucun respect. Cette pratique que nous avons vue dans les écoles occidentales et qui arrive chez nous maintenant doit nous pousser à réfléchir sur l’avenir de notre société.
On vit également dans une société où il n’existe malheureusement plus de ‘role models’ comme c’était le cas auparavant, que ce soit localement ou sur le plan international. Posez la question à la présente génération, ils vous diront qu’il n’y a pas grand monde à admirer. Ils n’ont plus de ‘role models’ à émuler afin de réussir dans la vie. Comme le disait Khalil Gibran, Nos enfants ne sont plus nos enfants, ils sont les enfants de leur époque. Je pense qu’il y a tout un travail à abattre au niveau de la culture, et j’estime que c’est à l’Université de Maurice que devrait incomber cette responsabilité. Il faut un département spécifique pour s’occuper de la chose culturelle, pas seulement pour rendre évidentes d’autres pratiques populaires, mais pour la transculturalité, c’est-à-dire amener chaque communauté à bien comprendre non seulement les enseignements de sa communauté, de sa culture mais aussi le capital culturel de toutes les autres communautés de ce pays. Il faudrait arriver à tout prendre en compte, voir ce qu’il y a à retenir dans cette rencontre des cultures et, à partir de là, produire un code de conduite, les assises de la conscience mauricienne.
* Le problème est donc culturel et la solution l’est également ?
Oui, la solution c’est l’éducation. Je pense surtout à l’éducation, parce que je vois chez les jeunes qui me posent des questions, un sentiment de désorientation. Au sein des familles, les parents n’arrivent pas à comprendre le comportement de leurs enfants, et ces derniers pensent que leurs parents sont dépassés et ne comprennent rien. Il y a un dialogue indispensable à établir entre les générations et tout cela passe par l’éducation. Il y a là un problème immense.
* Parlons Histoire donc : que pensez-vous de ce débat qui a eu lieu ces derniers jours concernant le « refus », selon la Commission Justice et Vérité, du Mahatma Gandhi Institute de lui donner accès, dans un premier temps, à ses archives ?
De quel droit le MGI se permet-il de refuser ce qui ne lui appartient pas ? Les archives avaient été confiées à cette institution à un certain moment. Elles ne sont pas la propriété du MGI. D’ailleurs, je suis surpris qu’elles soient toujours au MGI et n’ont pas encore été remises aux Archives Nationales où elles doivent se trouver. Ces documents appartiennent à la nation et doivent être immédiatement disponibles et consultables pour tous les chercheurs à commencer par la Commission Justice et Vérité.
Il y a une autre question que soulève le refus du MGI. Le MGI veut-il contrôler la pensée des Mauriciens ? C’est inacceptable ! Personne n’a le droit de dire ce que les autres doivent lire ou ne pas lire. Jamais auparavant dans l’Histoire de l’Humanité n’a-t-on eu autant de chance d’accéder à la connaissance, à tous les savoirs. On ne peut permettre à un noyau de gens de s’opposer à la volonté du peuple. D’ailleurs, il n’y a rien comme la vérité pour libérer les hommes et leur redonner leur dignité.
Que cherche-t-on à cacher ? Une vérité désagréable au sujet de ses origines, de la pureté de son sang ou du niveau de sa caste ? C’est à partir du moment où l’on est confronté à la réalité et que l’on accepte cette réalité, qu’on l’assume et que l’on s’assume, c’est à ce moment-là qu’on arrive à grandir, à être libre, à devenir un être humain.
* Vous disiez auparavant qu’il faut libérer les hommes, et il faudrait bien que toutes les institutions du pays mettent les documents qu’elles possèdent concernant l’exploitation des esclaves à la disposition des chercheurs…
Oui, il faut leur donner tous les documents mais je crois que le point de départ, c’est la nécessité d’introduire l’Histoire comme une matière dans les écoles primaires et secondaires. Je trouve qu’il est facile de faire connaître notre Histoire aux Mauriciens en tenant en ligne de compte quelques dates.
D’abord 1735. C’est la date de l’arrivée de Labourdonnais. Un siècle juste après, en 1835, le gouvernement décide de faire venir des laboureurs indiens et, en 1835 également, il y a la libération des esclaves. Encore un siècle plus tard, en 1935, les Indiens prennent connaissance de leur identité culturelle et numérique et lancent la « Indian Cultural Association ». Dans la même année, paraît « l’Indian Cultural Association Review » dont la direction est confiée au Docteur Seewoosagur Ramgoolam et il devient le secrétaire de ce groupe. Ce qui fait qu’un siècle plus tard, c’est-à-dire en 1935 les Hindous célèbrent leur libération mais les descendants d’esclaves, eux, ne le font pas. Pourquoi ? Il n’y a pas dans leur milieu des gens formés ou éduqués pour assurer le leadership parce que les souvenirs de l’esclavage font mal et honte, même si paradoxalement, ceux qui devaient avoir honte, ce n’étaient pas les esclaves mais ceux qui possédaient les esclaves. Le grand problème associé à l’esclavage, c’est le complexe d’infériorité qui l’accompagne et on n’ose pas en parler.
Et, en 1936, c’est la création du Parti Travailliste (PTr) avec cette prise de conscience hindoue et créole.
En passant, je dois dire que l’esclavage tel qu’il a été vécu, nourri, encouragé, protégé en tant que procédé inhumain et tout ce qui en a découlé de cette pratique, cette forte façon de faire et d’agir du monde esclavagiste ne se retrouve dans nul autre pays où il y a eu des esclaves avec pareille intensité. C’est uniquement à Maurice qu’il y a eu une planification systématique pour combattre tous ceux qui voulaient libérer des esclaves. Il y a eu Baco et Burnel. Il y a eu Jeremie. Il y a même eu des personnes assassinées pour avoir voulu mettre fin à l’esclavage.
J’ai étudié l’Histoire de la libération des esclaves aux Antilles. Tout est différent ici. A Maurice, il faut le dire, c’est un malheur d’avoir eu cet Acte de Capitulation de 1810 car, en respectant le droit de propriété, les Anglais perpétuent l’esclavage et intensifient l’assujettissement de la population servile. Farquhar est responsable de continuer l’esclavage et il a même le culot de demander au Secrétaire d’Etat aux Colonies d’accepter et de perpétuer l’esclavage. Il se fait rabrouer mais quand il quitte le pays, il est nommé l’Agent des esclavagistes pour défendre leurs intérêts en Angleterre !
* On rapporte dans la presse que vous allez publier un ouvrage sur l’esclavage et sur la contribution de l’Eglise pour protéger cette forme d’exploitation …
Je vais publier un ouvrage, en effet, mais c’est une chronologie comportant des dates portant sur l’esclavage dans ses rapports avec l’Eglise et la franc-maçonnerie. C’est seulement une série de faits et de dates.
* Et ce constat objectif des faits va-t-il embarrasser certaines personnes, certaines institutions ou contiendra-t-il des informations trop sensibles ?
Je ne cherche à embarrasser personne. Ce n’est pas mon genre. Je souhaite seulement que mes compatriotes connaissent l’Histoire de Maurice.
* Dans un papier intitulé ‘Maurice face à la mondialisation : une vision et une Grande Ambition’, vous avez parlé de l’Ecole de la transculturalité, de jumelage avec les villes amies de la démocratisation de l’économie, etc. Est-ce que ces sujets sont toujours d’actualité ?
Tous ces sujets sont toujours d’actualité et je crois qu’il y a deux grands problèmes auxquels tous les gouvernements du monde doivent faire face aujourd’hui : sécurité alimentaire et sécurité énergétique. La responsabilité d’un gouvernement, c’est de s’assurer que le peuple soit nourri et, aujourd’hui, on sait que tous les prix grimpent. Heureusement, on sait qu’il y a les initiatives ou les projets de certains pays et de multinationales qui louent des terres en Afrique, au Mozambique et ailleurs. Et c’est intéressant de savoir qu’en Afrique, un hectare de terre produit une tonne de maïs et, en Amérique, pour la même superficie, ils en produisent six tonnes. Le problème, ici, c’est de pouvoir mettre à la disposition des cultivateurs la connaissance technique pour améliorer le rendement. Donc, la sécurité alimentaire pour l’Afrique peut être assurée si on donne aux Africains les équipements et l’expertise nécessaires pour y arriver.
Concernant la sécurité énergétique, les Chinois ont été très prévoyants car ils ont approché tous les pays producteurs de pétrole, il y a une vingtaine d’années et ils se sont arrangés pour s’assurer qu’ils seront toujours alimentés en pétrole et également en toutes sortes de matières premières. Quant à nous, je trouve que nous ne sommes pas assez vigilants en ce qui concerne notre approvisionnement extérieur.
Il y a aussi d’autres problèmes préoccupants : il y a les banques et Mauritius Telecom. Je trouve indécent qu’ils affichent des milliards de profits. Pour les banques, je peux comprendre mais je ne pense pas que la mission de Mauritius Telecom soit de faire des profits massifs. Par contre, il a un rôle social et pour bien le jouer, il faut qu’il fasse les investissements nécessaires pour amener une baisse des prix de la communication de l’ADSL et accroître la vitesse des débits. Je pense qu’il faut nationaliser cette compagnie : ce n’est pas acceptable que ce bijou national ait été bradé pour des raisons que l’on attend encore…
Autre problème : c’est l’IRS qui est en train de brader notre île Maurice, de la découper en bandes verticales : la côte est , c’est pour les Arabes et la côte ouest, c’est pour les Sud-Africains, la bande centrale, elle, est comme une peau de chagrin rétrécie pour les Mauriciens. Et que va faire le Mauricien moyen, qui ne pourra jamais s’acheter une maison coûtant un million de dollars ? Il est tout juste bon pour ramasser des boules de golf ou nettoyer la piscine du grand patron ? Je trouve cette politique anti-patriotique et anti-nationale. Je me souviens de Sir Seewoosagur Ramgoolam qui m’avait dit dans le passé « Joseph, dans tout sa ki to faire, pense so conséquences dans 20 ans », et là, on n’a pas pensé aux conséquences de ce type de transaction et je dis qu’il faut arrêter ces projets IRS. Je ne suis pas d’accord de réduire l’espace des Mauriciens pour servir, encore une fois, un système qui est proche, par certains côtés, de l’esclavage.
Autre problème aussi grave : je souhaite que les partis politiques se mettent au travail, non pas pour gagner des votes mais pour travailler sur les dossiers importants pour l’avenir du pays. Que chaque parti politique constitue des équipes pour réfléchir sur les grands problèmes de Maurice. Les partis politiques doivent se doter de commissions d’études, et mener des réflexions sur tous les problèmes liés aux enfants, à l’éducation, à l’automutilation. Les partis pourraient organiser des débats nationaux sur les grandes questions qui nous préoccupent. Ils devraient s’occuper de la formation des membres appelés un jour à être des dirigeants du pays, députés ou ministres.
* Que pensez-vous de l’enseignement des langues et de l’utilisation du Kreol au Parlement ?
Ce serait une grossière erreur. C’est pousser la population mauricienne à l’abêtissement. L’écriture du créole phonétique est une grave erreur pour la bonne et simple raison qu’une langue a deux aspects : il a un son et une image. En privilégiant la phonétique, on tue l’image. On tue la langue. Essayez d’écrire : la mie l’a mis là, et dites-moi si la seule phonétique suffit. Il n’y a aucune langue phonétique au monde qui ait vocation d’universalité. En chinois, par exemple, le son mot « ma » peut avoir une trentaine de significations, et s’écrit d’autant de façons. Alors quand un Chinois l’écrit, il sait à quelle image il fait référence.
Nous, à l’île Maurice, nous avons la chance d’avoir des langues internationales qui sont extrêmement valables comme l’anglais et le français. Pensez à nos marchants ambulants qui côtoient les touristes sur les plages. Ont-ils besoin du créole phonétique ou de l’italien, de l’allemand ou du russe pour gagner leur vie ? Face à cette irresponsabilité, je demande aux jeunes qui pensent à leur avenir de se mettre à étudier le chinois ou l’hindi. Elles vont devenir indispensables.
L’autre grande question qu’il faudrait aborder a un rapport avec la Constitution. Je soutiens que notre système électoral actuel avec trois candidats dans une circonscription nourrit le communalisme. Il faudrait responsabiliser le député à travers le « One Member Constituency », un député par circonscription. Ce député sera connu personnellement par des gens qui l’accepteront ou non et cela en se basant sur les qualités intrinsèques de l’individu qui aspire à devenir deputé. Ainsi, le Mauricien aura la chance de voter pour quelqu’un qui n’appartient pas à sa communauté s’il est compétent et, de cette manière, nous pourrons créer une société libérée du communalisme.
* Published in print edition on 1 July 2011
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