Elections locales au Royaume-Uni : échec cuisant des Tories

Eclairages
Par A. Bartleby

Les choses ne pouvaient pas être pire pour Rishi Sunak. Alors que son gouvernement est empêtré dans le marasme économique de l’après Brexit, son parti vient de subir un échec cuisant aux élections locales. En effet, le Parti conservateur qui est au pouvoir depuis maintenant 13 ans au Royaume-Uni a perdu près de 258 sièges d’élus locaux, envoyant un signal fort quant à l’issue des législatives prévues pour l’année prochaine.

Le Premier ministre, Rishi Sunak, sous la pression de l’aile droite des conservateurs. P – AP

C’est le Parti travailliste britannique qui en profite avec une progression nette de 143 sièges, alors que les Libéraux-démocrates enregistrent, eux, un gain de 63 élus. Il est intéressant de noter que Stoke-on-Trent, la capitale du Brexit avec 69% de vote ‘Leave’ en 2016, a basculé entièrement du côté des Travaillistes.

Keir Starmer, qui s’est félicité de cette performance du parti travailliste et de la contre- performance du parti conservateur, entrevoit déjà une vague de changement pour les prochaines élections générales. Il est clair que la dynamique est pour l’instant en faveur de Starmer, qui briguera le poste de PM l’année prochaine. Ce dernier aura ainsi un immense défi à relever afin de renverser la tendance.

Pourra-t-il y arriver ? Rien n’est moins sûr, puisque Sunak n’arrive toujours pas à faire l’unanimité dans son propre camp. Certes, le gouvernement et la majorité parlementaire le soutiennent sans faillir, mais il n’arrive toujours pas à faire l’unanimité au sein du parti conservateur au sens large. Ainsi, les prochaines élections générales se présentent pour lui comme un double défi : rallier entièrement le parti conservateur derrière lui et rallier aussi le pays derrière lui.

Y arrivera-t-il ? Peut-être. Mais il faut avouer que les choses sont très mal embarquées pour l’instant.

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Arrestations en série : État policier ou « illibéralisme » assumé ?

L’arrestation de Rama Valayden, à la fin de la semaine dernière, n’aura pas manqué de renforcer le sentiment que les choses basculent à Maurice. Cela fait un moment que certains commentateurs crient à tort et à travers que nous basculons dans une dictature. Ce terme est utilisé à toutes les sauces et pour décrire tout et n’importe quoi à Maurice.

Jusqu’à preuve du contraire, nous ne sommes pas dans un système à parti unique où les opposants sont envoyés dans des camps, où les journalistes ne peuvent pas exercer leur métier, où les citoyens n’ont pas droit à la parole, etc.Mais il est également clair que nous entrons dans une phase complexe par rapport à l’exercice même du pouvoir et par rapport aux libertés tolérées. Cette situation est mondiale et correspond à ce que certains essayistes nomment le capitalisme de surveillance.

Ce concept définit l’avènement des nouvelles technologies et le fait que les systèmes de gouvernement se heurteront de plus en plus à tout un ensemble de phénomènes amplifiés par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. La prolifération de la culture des ‘fake news’, le bruissement continu des ‘trolls’, des médias devenus assujettis à la dictature de l’audimat plutôt qu’à l’impératif de délivrer l’information véritable… tout cela produit une instabilité constante qui trouble les affaires publiques.

Il est d’ailleurs aisé de constater que le gouvernement actuel subit de plein fouet ces troubles. La corruption n’est pas nouvelle à Maurice, tout comme l’abus que le pouvoir fait de la police et de la MBC – à différents degrés. Ce qui a changé, c’est l’existence de voies alternatives pour faire de la résistance ou de véhiculer de la contre-propagande, ce qui ajoute à la confusion de la masse, chose que des individus comme Rama Valayden savent très bien faire.

La réponse à ce phénomène ? Une utilisation qui peut sembler arbitraire de la police, et notamment de la Special Striking Team, qui semble être devenue un organe d’action directe à la solde du pouvoir. Si cette hypothèse se confirme, il sera alors clair que nous avons basculé dans un État policier, qui se définit précisément par le fait que la volonté du pouvoir se traduit littéralement dans des actions directes de la police, sans la médiation des institutions de la justice et sans qu’il y a ait la moindre contestation entre un ordre émanent du pouvoir et une action policière.

En fait, il semble que nous basculons dans quelque chose de bien plus subtil à Maurice, ce que les théoriciens de la démocratie nomment « l’illibéralisme » démocratique. Cette dernière se présente comme un rejet de certains principes démocratiques sans pour autant qu’il y ait un rejet de la démocratie elle-même. Il s’agit, par exemple, d’une situation démocratique où, néanmoins, l’indépendance de la justice est malmenée, et les citoyens ne bénéficient pas d’un traitement égalitaire face à la loi, ni de protection suffisante face à l’État ou à des acteurs privés.

Ainsi, « l’illibéralisme » ne se présente pas comme une dictature, mais comme une manière de gouverner qui revendique certaines postures disruptives face à certains principes démocratiques. Est-ce que la République de Maurice est dans une phase similaire ? Chacun en sera le juge.

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 Nicolas Sarkozy condamné
A défaut de prison, il devra porter un bracelet électronique pendant un an

La nouvelle est tombée ce mercredi : Nicolas Sarkozy, l’ancien président de la république française, a perdu son appel dans l’affaire des écoutes téléphoniques, liée au financement occulte de sa campagne de 2007. Il est ainsi condamné à trois ans de prison, dont une année ferme, mais il n’ira pas en prison, le tribunal ayant ordonné le port d’un bracelet électronique afin que l’ancien président puisse servir sa peine depuis le confort de son domicile.

Les avocats de Nicolas Sarkozy ont fait un pourvoi auprès du tribunal de cassation, mais les chances d’un renversement du jugement du tribunal d’appel sont extrêmement minimes.

C’est la première fois qu’un ancien président de la république est ainsi condamné à une peine de prison ferme – même s’il bénéficiera du bracelet électronique. Cette peine signifie également que Monsieur Sarkozy sera inéligible à voter ou à se présenter à une élection pour une période de trois ans.

Cela ne fera aucune différence dans le cas de Sarkozy puisque sa carrière politique était bel et bien terminée depuis un moment. Cette condamnation ne fait que confirmer qu’il ne faudra pas compter sur lui pour les prochaines échéances électorales. Mais cela ne signifie pas forcément qu’il n’aura pas d’influence sur un certain nombre d’élus.

En effet, Nicolas Sarkozy – bien qu’éloigné du devant de la scène politique depuis quelques années déjà – conserve une certaine popularité et une influence auprès d’élus de la droite et de l’ancienne Union pour un mouvement populaire (UMP). Son refus, par exemple, de soutenir Valérie Pécresse aux dernières présidentielles a coûté cher à cette dernière, faisant le jeu d’Emmanuel Macron.

Est-ce que Nicolas Sarkozy influera sur les prochaines échéances électorales ? Il est difficile de le dire. Mais ce qui est certain, c’est qu’une bête politique comme lui ne sortira pas de la scène politique aussi facilement que cela, surtout par la plus petite des portes : celle des condamnés pour corruption.

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 Le groupe ENL heureux de la reprise économique

Le CEO du groupe ENL, Hector Espitalier-Noel, se dit extrêmement satisfait des résultats du groupe sur l’année écoulée. En effet, le groupe affiche une augmentation de 21% de ses revenus par rapport à la même période l’année dernière, dépassant la barre des Rs 15 milliards.

Hector Espitalier-Noel attribue cette forte hausse à la reprise des activités économiques post-Covid, et notamment à la reprise touristique. “Notre croissance solide dans tous les secteurs d’activité démontre la résilience et la capacité d’adaptation de notre groupe. Malgré les défis liés à l’inflation et aux taux d’intérêt, nous avons su saisir les opportunités offertes par la reprise du tourisme local et maintenir une performance remarquable dans notre pôle hôtelier. Nous restons confiants quant à la poursuite de cette dynamique positive pour le reste de l’année.”

Voilà les termes exacts qu’utilise Hector Espitalier-Noel pour décrire la bonne santé du groupe ENL. Ils sont intéressants car ils nous permettent d’entendre un autre son de cloche que ce que nous bassine les médias du matin jusqu’au soir : le fait que l’économie mauricienne se porte bien, contrairement à ce qui est aujourd’hui ressenti par les petites classes moyennes et les classes ouvrières. Cette dynamique positive, tous les gros conglomérats et les entreprises bien positionnées du pays en profitent, et les secteurs qui sont aujourd’hui les piliers de notre économie affichent un optimisme qui est en contraste avec le sentiment de crash que beaucoup semblent entretenir.

En effet, le secteur touristique est un pôle qui a bien repris, avec la barre des un million de touristes quasiment franchie, mais le secteur de l’immobilier et celui des services financiers se portent également très bien au regard des circonstances mondiales. Certes, par exemple, le secteur immobilier a été touché de plein fouet par l’augmentation des prix des matières premières et par la crise de la supply chain, mais les grands projets immobiliers du pays vont de l’avant avec des ventes record sur plan. Il en est de même pour le secteur financier qui se remet très bien de l’épisode de l’inscription sur la liste grise du GAFI.

Il ne s’agit pas ici uniquement d’affirmer que l’investissement et les revenus se portent bien dans ces secteurs, mais de comprendre la dynamique en place, qui est loin d’être dramatique. Maurice affiche un CPI de 11,3% cette année. Ce chiffre aurait de quoi effrayer n’importe quel entrepreneur ou investisseur, mais pas à Maurice. Justement pourquoi ? Eh bien, tout simplement parce que l’inflation à Maurice, aussi élevée semble-t-elle être, reste très attractive pour l’investissement. À titre de comparaison, les analystes estiment que l’inflation dans l’Union européenne pourrait dépasser les 7% cette année, alors que la Grande Bretagne pourrait, elle, faire face à une inflation de plus de 10%. Les États-Unis se maintiennent eux autour de 4%, et un pays émergent comme l’Inde affiche un taux d’à-peu-près 5%. Parallèlement à cela, nous voyons également des cas où l’inflation explose exponentiellement, comme en Turquie, pays qui fait face à un taux de 43% et en Argentine où la barre des 100% a été dépassée.

Stabilité politique et une meilleure répartition de la croissance économique

L’inflation à Maurice n’est donc pas dans la partie basse du tableau, mais elle n’est pas non plus dans la partie haute. La dynamique produite par une inflation importante et une Roupie qui s’est affaiblie rend le pays extrêmement attractif à l’investissement étranger, du moment que les conditions de faire de bonnes affaires sont maintenues. Ces conditions : la stabilité politique et la bonne santé des institutions.

Hors, c’est exactement là que les choses se compliquent. L’inflation importante et la cherté des énergies et des matières premières mettent une sacrée pression sur les budgets des ménages, ce qui produit de l’instabilité sociale. Cette même instabilité se traduit dans un potentiel d’instabilité politique. Rajoutant à cela une gestion parfois approximative de certaines institutions, nous voyons comment une dynamique économique positive pour le pays peut venir se heurter au mur d’une crise sociale.

Cette hypothèse devient réelle aujourd’hui à Maurice, il ne faut pas la sous-estimer. Et ce n’est pas la bonne santé des indicateurs économiques qui renversera cette tendance, mais des décisions politiques allant dans le sens d’un allègement des charges et des prix pour le peuple.

Que pourra donc faire le gouvernement pour permettre une meilleure répartition de la croissance économique ?

Historiquement, la répartition économique se fait par les salaires et par les bénéfices sociaux. Et, il est ici intéressant de noter que le secteur hôtelier était en demande de près de 2500 emplois non-pourvus pour la saison écoulée. Les secteurs de la construction et de la finance sont également en sous-effectif, devant souvent recourir à des compétences étrangères afin de palier le manque de main-d’œuvre et de qualifications locales.

Cela témoigne encore plus d’un fossé, d’une frontière même, qui pose de plus en plus problème à Maurice. D’un côté, l’économie qui avance rapidement, qui se transforme et s’adapte aux défis mondiaux avec la résilience légendaire de Maurice. Et, de l’autre côté, des classes ouvrières et moyennes qui souffrent de la cherté de la vie, du chômage, de l’exclusion et qui sombrent dans une précarité qui peut sembler irréversible.

Comment expliquer cette dysfonction ? Mais surtout, que faire politiquement pour renverser la tendance ?

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Trafic de drogue et enfants mules

Une étude conjointe de CUT et de PILS, deux ONG actifs dans la prévention contre la prolifération des substances illicites à Maurice, datant d’il y a quelques années, avait démontré deux statistiques affolantes :

– l’âge moyen de la première prise de drogue synthétique par des enfants à Maurice serait estimé à 12 ans ;
– l’âge moyen des enfants passeurs de drogue tournerait autour de 8 ans.

Ce n’est ainsi donc pas une surprise de lire dans les journaux de cette semaine qu’un passeur de drogue âgé de 6 ans a été interpellé par des policiers de la force régulière et des travailleurs sociaux dans les hautes Plaines-Wilhems. Surveiller des enfants passeurs serait même devenue une stratégie mise en place par la police, et l’ADSU en particulier, afin de taper dans le cœur même du trafic de drogue.

Même si ce genre d’information a de quoi choquer, il est connu que l’utilisation des enfants comme “mules” est une pratique courante des trafiquants. La raison à cela est que la police ne peut pas interpeller un enfant de la même manière qu’un adulte, ce qui offre des avantages aux trafiquants. L’autre avantage est que même si ces enfants sont interpellés, ils sont envoyés dans des centres de la CDU en attendant une décision du DPP quant aux poursuites potentielles.

Nous sommes ici dans un domaine qui diffère de la simple délinquance juvénile. Le jeune âge de ces enfants ne laisse rien présager de bon quant à leur avenir et leur insertion dans la société. Bien au contraire, nous devinons facilement qu’être un enfant mule n’est que le début d’un quotidien d’une violence inouïe où ces enfants seront confrontés à ce que le philosophe Thomas Hobbes qualifierait d’une vie “nasty, brutish and short”.

Cette dimension de la sociologie du trafic de drogue est très peu commentée ou étudiée à Maurice. Nous avons trop souvent cette tendance à nous concentrer sur les barons et sur les arrestations, sans tenir compte de ce qui se joue comme drame humain dans les milieux les plus exposés aux effets dramatiques du trafic de drogue. Et il est grand temps de nous poser les bonnes questions.

C’est une chose d’arrêter les trafiquants et de saisir des quantités importantes de drogue, mais qu’est-ce qui est fait pour la réinsertion des jeunes délinquants ? Qu’est-ce qui est fait pour permettre à ces enfants d’avoir un autre avenir ? A travers ces questions, se posent vraiment tout un ensemble de questions sur la nature même de notre système punitif et pénitencier qui, dans l’état actuel, ne permet pas à des jeunes qui se trouvent dans la situation de ce gamin de 6 ans d’envisager un avenir loin du milieu des gangs et des mafias de la drogue.

Et c’est ça aussi qui doit nous interpeller. Ce phénomène des enfants mules démontre, en premier ressort, que le trafic de drogue a un très grand avenir à Maurice puisque les générations futures de trafiquants sont formées dès leur plus jeune âge. La relève est assurée!


Mauritius Times ePaper Friday 19 May 2023

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