Avec la guerre en Ukraine, il est possible que le pire soit devant nous”

Interview: Jocelyn Chan Low, Historien

‘Tout sépare le MMM du régime actuel. Mais, en politique, tout est possible…

Avec le MSM peut-il s’attendre à un fair deal plus qu’à un bad deal ?’

* ‘Remplacer PravindJugnauth non seulement par qui mais pour faire quoi ?’
Jusqu’ici l’Opposition n’a pas fourni de réponses claires’

Une guerre inattendue en Europe frappe les esprits tandis que la pandémie suit son cours et continue de faire des victimes dans le monde entier. Outre la situation sanitaire, la situation économique devient de plus en plus préoccupante, notamment à cause de la flambée des prix des produits alimentaires. Jocelyn Chan Low, historien, jette un éclairage surles causes menant à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et les implications d’un tel affrontement sur le plan mondial et régional.

Mauritius Times : Une nouvelle situation s’est développée avec la guerre en Ukraine dont les conséquences sont ressenties à travers le monde. Rien n’est certain quant à la durée et à l’issue de cette guerre qui a déjà entraîné son lot de destructions et de pertes de vies humaines. Comment les choses se présentent-elles, selon vous?

Jocelyn Chan Low : Les raisons menant au déclenchement de ce conflit sont présentement et seront pendant longtemps sujettes à controverse. Et comment serait-il autrement quand on constate que même après l’ouverture de toutes les archives de la Première Guerre mondiale,plus de cent ans après, les historiens débattent toujours des causes de cette guerre.

Toutefois, ilest vrai que nombre d’analystes, et non des moindres, à l’instar de Georges Kennan, soulignait que l’élargissement de l’OTAN vers les anciennes républiques de l’ex-Union soviétique, plus particulièrement vers l’Ukraine, entraînerait inéluctablement un conflit avec la Russie.Toute l’histoire de la diplomatie russe et de l’Union soviétique est marquée par une véritable pathologie de la sécurité, le pays ayant connu à maintes reprises des invasions le mettant en danger existentiel – entre autres, celles des Tartares, des Français sous Napoléon Ier, et de l’Allemagne nazi sous Hitler.

Cependant, depuis le début de l’invasion russe, nous sommes témoins d’une véritable guerre de propagande par médias interposés entre les pro-russes et les pro-occidentaux. Remarquez qu’historiquement cela a toujours été le cas au cours des grands conflits internationaux. Un diplomate anglais Arthur Ponsonby a même établi au début du 20e siècle une grille de lecture des discours de propagande de guerre – diabolisation de l’ennemi sur lequel on rejette tous les torts quant à l’origine du conflit, exagération de ses pertes militaires, l’annexion de la morale et des artistes à nos côtés, inventions de crimes de guerre alors que nos bévues sont accidentelles, utilisationd’armes prohibées par l’ennemi, etc. En bref, tout ce qu’on retrouve si on analyse les discours des grandes chaînes de presse et de télévision des protagonistes. 

Avec l’importance croissante des médias dans l’espace public, comme le souligne Jacques Baud, ancien colonel et responsable du Service de renseignement suisse, dans son excellent ouvrage ‘Gouverner par les fake news – 30 ans d’infoxutilisées par les occidentaux’ (2020), les États légitiment leur politique étrangère et les conflits dans lesquels ils s’engagent au moyen de fake news souvent distillées par leur servicesde renseignement et relayées par les médias complaisants.

* Mais derrière ce constat il y a l’épais brouillard de post-vérité fait d’intox, de désinformation, ce qui rend difficile la lecture des événements et encore plus aléatoires les prédictions quant à la durée et l’issue de cette guerre, non?

Tout à fait. Prenons le cas des buts de guerre de Vladimir Poutine. Est-ce toute l’Ukraine, ou simplement le Donbass et la mer d’Azov, transformant le reste de l’Ukraine, démilitarisé et neutre, en zone tampon entre la Russie et l’Otan ? On n’en sait rien malgré les nombreuses supputations faites à partir
– des tentatives maladroites de psychanalyse à distance du président russe ou
– de ce qui ressemble à des bobards quant à son état de santé physique et mental, ou
– du fonctionnement du pouvoir au Kremlin, ou encore
– de la qualité de l’appareil militaire russe.

Il faut ajouter sur cette liste les déductions construites à partir d’une lecture des écrits et discours des théoriciens de l’Eurasianisme tels que le philosophe russe Aleksandr Dugin ou du patriarche Cyrille de l’Église orthodoxe russe.

Comme l’écrivait Clausewitz, la guerre est le prolongement de la diplomatie par d’autres moyens. Mais comment comprendre le déroulement des négociations diplomatiques qui devraient mettre un terme au conflit sans appréhender les buts de guerre des protagonistes de même que la situation militaire sur le terrain ?

* Cependant la situation reste explosive et dangereuse, n’est-ce pas?

Oui, on ne saurait écarter le danger d’un conflit qui perdure avec la perspective de la mise en place d’un engrenage qui finirait par entraîner une descente aux enfers et l’élargissement du conflit vers une guerre nucléaire entre deux camps hostiles.

On aconstaté qu’au moment même où il y a eu une percée diplomatique pouvant mener à la fin des hostilités, il semblerait que d’autres forces ou circonstancesont œuvré pour saboter le processus de paix…

Il est certain cependant que nous sommes en ce moment à un point de bascule del’Histoire du monde et du 21e siècle. Grosso modo, l’euphorie qui avait gagné les milieux libéraux et occidentaux, suivant la fin de l’URSS, quant à la ‘fin de l’histoire’ ou ‘le triomphe de l’occident’ à travers l’émergence d’un monde unipolaire dominé par les États-Unis, s’est définitivement estompée.

Il y avait déjà des signes avant-coureurs que tout cela n’était qu’une grande illusion.L’événement tout récent, c’est le départ en catastrophe des américains de Kaboul avec comme justification qu’il était impossible d’exporter ‘la démocratie’ et les ‘valeurs’ occidentaux à travers le monde.

Plus important, la mondialisation -à travers la libéralisation des échanges- a été accélérée par l’ouverture de la Chine, les transformations structurelles en Inde, au Brésil, etc. Celava saper la domination économique de l’Occident. L’évolution des flux commerciaux et financiers démontre clairement que, d’un point de vue économique, le 21e siècle sera « le siècle du grand retour de l’Asie».

Il existe déjà l’hégémonie du dollar sur le commerce et le système économique mondial.En y ajoutant l’appareil militaire, cette hégémonieconstitue l’un des piliers de la puissance américaine. Mais elle commence à être sérieusement entamée. En bref, le monde unipolaire ne peut que céder la place à un monde multipolaire.

Comme le souligne un récent rapport de l’Economist Intelligence Unit sur les conséquences de cette guerre, dans l’immédiat, elle va d’abord accélérer la bifurcation du monde en deux camps hostiles, accroître la dépendance de la Russie sur la Chine, contraindre les Etats-Unis à se focaliser à la fois sur l’Europe et l’Asie (avec évidemment un grand risque de ‘strategicoverstretch’ – dépassement des limites stratégiques –que les américains voudraientéviter), susciter une accélération de la course aux armements, le réarmement de l’Allemagne avec des conséquences majeures sur la scène diplomatique européenne, accroître les risques d’éclatement de conflits dans d’autres régions du monde, et entraîner une plus grande contestation du modèle libéral occidental.

* Ce qui parait probable aussi, c’est que cette guerre va entrainer un réalignement sur le plan géopolitique, ce qui pourrait intervenir dans les moyen et long termes avec la stratégie de la Russie et des pays BRICS en vue de créer un nouvel ordre international et monétaire par le biais de la dé-dollarisation des échanges commerciaux le plus rapidement possible. Voyez-vous là un facteur d’instabilité qui risque d’être introduit dans le système monétaire international et,par extension, dans la géopolitique mondiale ?

‘War is the locomotive of History’, écrivait Trotsky. Effectivement, cette guerre va accélérer les tendances que nous avons mentionnées. Je me souviens des débats, au cours des conférences universitaires en Europe et ailleurs, auxquelsj’ai assisté dans les années 2000 où certains évoquaient déjà la provincialisation de l’Europe et l’émergence d’un monde nouveau et multipolaire, économiquement, politiquement et culturellement.

Assistons-nous en ce moment à la fin d’un cycle qui a débuté en 1500 avec l’émergence de la suprématie occidentale et, par la suite, son prolongement avec l’hégémonie américaine ?

Le vote aux Nations Unies sur la résolution condamnant la Russie est très révélateur : les pays qui se sont abstenus représentent plus de la moitié de la population mondiale. Parmi les BRICS, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil mais aussi le Pakistan, des pays du Moyen Orient, 17 pays africains, dont Madagascar. De même sur la question des sanctions à l’encontre de la Russie, l’Europe est certes unie mais seule. Même la Turquie qui fait pourtant partie de l’OTAN s’abstient d’appliquer les sanctions.

Les Etats poursuivent leurs intérêts et ne se laissent plus dicter par l’occident. Comme le disait Nelson Mandela, ‘l’erreur de l’occident est de croire que vos ennemis sont automatiquement mes ennemis.’

En outre, au niveau de l’occident et des Etats-Unis, on a vu éclater au grand jour, l’occidentalisme – c’est-à-dire la tentation de confondre le monde, la communauté internationale et l’universel à l’occident et à ses intérêts.

Le résultat a été une vague de condamnation de ce qui est perçu comme une hypocrisie flagrante quant au traitement différentiel des réfugiés ukrainiens – ‘blonds aux yeux bleus’ – par rapport aux africains, aux asiatiques ou à ceux issus du Moyen-Orient et auracisme indéniable lors de la couverture des événements par certains journalistes des grandes chaînes de télévision occidentales.

Le traitement médiatique accordé à l’Ukraine contraste singulièrement avec le traitement de la guerre en Irak, en Palestine ou au Yémen.

Quant à la question des crimes de guerre, de nombreux commentateurs s’interrogent sur l’impunité accordée à Georges W. Bush et à Tony Blair au vu de leur rôle dans le déclenchement de la guerre en Irak en 2003. De même, le ton menaçant des responsables européens ou américains par rapport au vote des pays africains et asiatiques à l’ONU a fait bondir d’indignation plusieurs responsables politiques des pays concernés, à l’instar d’Imran Khan, premier ministre du Pakistan.

Quant à la dédollarisation des échanges commerciaux, il faut souligner que le processus était déjà amorcé avant l’invasion de l’Ukraine. Dès la fin de 2021, la Chine avait approché l’Arabie saoudite pour que ses achats de pétrole ne soient plus effectués en dollars mais en yuans.

Avec les sanctions, inévitablement, d’autres monnaies que le dollar seront utilisées pour les transactions commerciales avec la Russie. Et la décision de geler les réserves de dollars de la Russie va indubitablement accélérer la recherche d’alternatives chez les dirigeants d’autres états, et ce,afin de ne pas se retrouver politiquement à la merci des Etats-Unis.

* Se dirige-t-on donc vers l’émergence d’un nouvel ordre mondial?

Dans le moyen terme, la fin de l’hégémonie du dollar aura un impact considérable sur une administration américaine déjà surendettée. Elle ne pourra plus continuer d’imprimer des dollars pour éponger ses dettes, avec comme résultat un détricotage de son outil militaire, ce qui annonceraitla fin de l’ordre unipolaire américain, favorisant l’émergence d’un nouvel ordre mondial.

Cependant, historiquement, les transformations d’une telle envergure ont souvent été accompagnées de guerres comme nous le rappelle Ray Dalio dans son ouvrage ‘The New World Order: Why Nations succeed or fail’ (2021) ou encore Graham Allison dans son livre ‘Vers la guerre: La Chine et l’Amérique dans le Piège de Thucydide ?’(2017).

A ce propos, certains n’hésitent pas à affirmer que la fin du régime de Kadhafi et l’exécution de ce dernier seraient le résultat d’une initiative qu’il avait lancée pour mettre fin au pétrodollar.

Cela dit, la guerre a été omniprésente dans certaines régions du monde depuis 1945. Et les Etats-Unis ont été impliqués dans un grand nombre de conflits depuis la Deuxième Guerre mondiale – Corée, Vietnam, Irak, Afghanistan, etc… Cependant les puissances nucléaires ne se sont jamais retrouvées face à face, les affrontements n’étant jusque-là que des wars by proxy. Avec l’invasion de l’Ukraine, la donne risque de changer.

Quant à l’économie mondiale, le déclin du dollar pourrait entraîner la fragmentation de l’économie mondiale en blocs régionaux, utilisant des monnaies distinctes comme moyens d’échanges. Quand on y ajoute le retour de la division du monde en blocs rivaux, le développement séparé de la technologie hi-tech, la fragmentation de l’internet, entre autres,on peut y entrevoir un coup d’arrêt à la mondialisation.

* Deux grandes puissances économiques, la Chine et l’Inde, ont refusé chacune, pour diverses raisons, de se ranger dans le camp de l’Ouest et condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Jusqu’où pourraient-elles persévérer dans cette voie, selon vous?

La Chine et l’Inde, en tant que puissances émergentes, sont -de fait – les plus aptes à bénéficier de l’émergence d’un monde multipolaire.

Il est vrai qu’entre ces deux grands états, il y des divergences profondes – conflits frontaliers qui perdurent, les relations avec le Pakistan, le Belt and Road Initiative et lesperceptions qui en découlent. D’ailleurs, ces divergences ont amené l’Inde à se rapprocher des Etats-Unis et de l’Aukus.

Mais l’Inde est loin d’être inféodée aux Etats-Unis.D’ailleurs,elle a de profondes divergences économiques avec ce pays, notamment sur les tarifs à l’importation. Quant à ses relations avec la Russie, elles sont inébranlables du fait que cette dernière a été l’allié indéfectible de l’Inde depuis l’indépendance, notamment sur la question du Cachemire.

En outre, c’est la Russie qui lui pourvoit la grosse partie de son armement militaire. Et les sanctions contre la Russie offrent de bonnes opportunités à l’Inde en ce qu’il s’agit de l’achat de ses produits pétroliers. Il faut ajouter à cela que la Russie dispose d’un fort capital de soutien au sein de la population indienne.

Quant à la Chine, ses relations avec la Russie sont établies sur le roc. Non seulement cette relation sécurise l’énorme frontière qu’elle partage avec la Russie, mais les deux pays ont le même objectif révisionniste par rapport à l’ordre mondial. En outre,la Russie sanctionnée apporte dans son sillaged’énormes opportunités aux entreprises chinoises.

Au vu de leurs intérêts mutuels, on voit mal ces deux pays abandonner leurs relations avec la Russie sous pression de l’occident. Les Etats-Unis ne feront rien pour contraindre l’Inde alors qu’un bras de fer économique avec la Chine serait catastrophique pour l’Europe.

* Maurice a-t-elle bien joué ses cartes dans cette confrontation opposant deux grandes superpuissances du monde ?

Le fondement de la diplomatie mauricienne, petit état insulaire, a été tracé par Sir Seewoosagur Ramgoolamau cours de la première guerre froide et se résume à deux mots‘Perfectneutrality’. Et, dans ce conflit, Maurice s’est déclarée neutre, bien qu’à la différence de Madagascar, elle a voté la résolution condamnant l’invasion del’Ukraine par la Russie. Il ne faut surtout pas oublier le poids de l’Union européenne à l’île Maurice…

* Les conséquences économiques de cette guerre sur l’économie mauricienne tout comme pour beaucoup de pays africains risquent d’être très dures. Étant déjà fragilisés par la pandémie de la Covid-19, la récession économique nous guette, selon les économistes, et cela risque de rejaillir sur le plan social comme c’est le cas présentement au Sri Lanka et au Pakistan… Faut-il craindre une nette détérioration sur ce plan-là?

Evidemment. La pandémie de la Covid-19 ne pouvait qu’avoir un impact important sur une économie tournée essentiellement vers l’extérieur et où le tourisme demeure l’un des plus gros pourvoyeurs d’emplois et de devises étrangères. Le paysest extrêmement dépendant des importations pour sa survie.

Le gouvernement, à juste titre, bien qu’il y ait des critiques quant à la manière de son utilisation, a puisé dans les réserves de la Banque centrale pour limiter la casse sociale. Grosso modo, le pays et l’économie ont été placés sous respiration artificielle. Et, avec le reflux de la pandémie et la levée des restrictions, on croyait que le pire était derrière nous. Hélas ! Avec la guerre en Ukraine, tel n’est plus le cas… il est possible que le pire soit devant nous. Le rapport de l’Economist Intelligence Unit sur l’impact économique de cette guerre et des sanctions prévoit une nette décélération de la croissance dans les pays du G7, parmi lesquels on retrouve certains de nos plus gros clients et pourvoyeurs de touristes.

Certes, la Russie bien que puissance militaire mondiale majeure, ne se retrouve qu’à la onzième place dans le classement des économies du monde. Cependant, elle est l’un des plus gros fournisseurs de gaz et de pétrole du monde et de l’Europe en particulier. En outre, avec l’Ukraine, elle demeure l’un des plus gros producteurs de blé, de céréales et d’autres produits alimentaires. Il faut ainsi s’attendre à une flambée du prix des carburants et des produits alimentaires,et aussi à une augmentation des risques de famine dans les mois qui viennent.

En outre, la guerre et les sanctions entraînent des perturbations majeures dans le fret, les chaînes de production et les marchés financiers. Avec le prolongement des hostilités, le pire est devant nous. Déjà certains signes, tels que le récent ‘invertedyieldcurve’ à la bourse américaine, laisse présager une récession aux Etats-Unis dans les mois à venir. Tous ces développements ne pourront qu’avoir des répercussions sur l’économie mauricienne.

Déjà la dévaluation continue de la roupie entraîne une hausse constante des dépenses des ménages et une partie grandissante de la population mauricienne n’arrive plus à joindre les deux bouts. La population s’attend légitimement à des mesures correctives du gouvernement pour augmenter le pouvoir d’achat.

Où trouver les ressources pour le faire ? Une fuite en avant ne pourra qu’entrainer une descente aux enfers et nous amener effectivement à la faillite et à la situation prévalant au Sri Lanka actuellement.

* Au regard des conséquences de cette guerre sur l’économie mauricienne et possiblement sur le domaine social assez rapidement, la proposition a été faite de réunir les compétences politiques du pays dans un gouvernement d’unité nationale, cela afin éviter que la situation ne dégénère. Que faites-vous de cette proposition de Rama Sithanen ?

La proposition est intéressante à plus d’un titre. Il est vrai que le gouvernement actuel dispose d’une majorité très confortable à l’Assemblée nationale. Quant à la question decompétences, cela relève d’une question d’appréciation. De toute manière, les ministres sont épaulés par des fonctionnaires qui assurent la continuité de l’État et de l’administration.

Cela étant dit, un gouvernement élu avec 37% des suffrages a tendance à tout faire pour augmenter sa cote de popularité.
– Est-ce possible et judicieux en temps de crise ?
Peut-on renvoyer les mesures impopulaires aux calendes grecques ?
– Peut-on éternellement puiser dans les réserves et s’endetter au-delà de nos capacités pour susciter un feel-good factor artificiel ?

Un gouvernement d’unité nationale mettrait en suspens les divergences, trop souvent personnelles et futiles, afin de se concentrer sur l’objectif prioritaire de sortir le pays de cettemauvaise passe résultant- en grande partie- d’imprévus.

Certains avancent qu’un tel gouvernement serait un pas de plus vers la répression et équivaudrait à un chèque en blanc pour la mauvaise gouvernance. Cependant il pourrait tout aussi bien susciter des checks and balances à l’intérieur même du gouvernement. D’autres avancent que ce serait essentiellement un gouvernement de ‘dinosaures’. Mais, au cœur de la tempête, peut-on faire appel à des novices pour diriger la barque ?

En outre, le vide dans l’opposition faciliterait l’émergence d’une nouvelle force, avec de nouvelles idées et un nouveau personnel politique comme cela a été le cas avec le MMM sous le gouvernement de coalition mené par Sir Seewoosagur Ramgoolam et Sir Gaëtan Duval.

Toutefois, si l’on se réfère aux dernières déclarations de divers responsables de l’opposition, et de certains dirigeants de l’alliance gouvernementale, cette idée est irréalisable. D’ailleurs, avec les personnalités en jeu, connues pour leur ego surdimensionné, on risque de se retrouver avec un gouvernement miné par des tiraillements, ce qui saperait la cohésion de l’action gouvernementale.

* Certains opposants de l’actuel gouvernement estiment toutefois que débarrasser le pays du régime des Jugnauthdevrait demeurer la principale priorité de l’Opposition. Il n’est pas évident à ce stade si l’électorat, une majorité du moins, va suivre l’Opposition sur ce plan-là. Qu’en pensez-vous?

L’opposition – malheureusement – donne l’impression de continuer à personnaliser tout le débat politique, que ce soit dans ses rapports avec le gouvernement ou entre ses diverses composantes, donnant ainsi l’impression aujourd’hui que toute sa politique et son programme se résument à : ‘Ôte-toi que je m’y mette.’

La grande question devrait être ‘remplacer PravindJugnauth non seulement par qui mais pour faire quoi ?’Jusqu’ici elle n’a pas fourni de réponses claires à cette interrogation.

* Les Travaillistes vont se réunir au seinde leur Bureau politique demain pour prendre une décision concernant un éventuel arrangement avec l’Entente de l’Espoir. Déjà les choses ne sont pas au beau fixe avec la sortie de NandoBodha contre les Travaillistes. N’avez-vous pas le sentiment que le leader du PTr va traîner les pieds avec qu’il ne se décide ? Et cela, probablement pour de bonnes raisons?

L’opposition, dans son ensemble, a accepté bon gré mal gré que l‘opposant direct à PravindJugnauth au poste de premier ministre au prochaines élections générales, sera issu du Parti travailliste, le plus grand parti de l’opposition en termes électoral.

En outre,le Parti Travailliste est moins affecté par les défections et autres tentatives de débauchage, sans doute parce que le parti a de grandes perspectives de se retrouver au pouvoir dans un avenir pas très lointain.

Et le parti travailliste a plusieurs options d’alliances. On sait que des intérêts œuvrent pour un rapprochement du PTr avec le MSM.

Reste le fait qu’il y a une forte possibilité que les élections municipales soient organisées cette année-ci. Toute fragmentation de l’opposition ne pourrait que profiter au régime actuel. La solution serait un arrangement uniquement pour les municipales bien que le MMM insiste que ‘nothingisagreeduntileverythingisagreed’.

* Il y a le risque toutefois que plus ça tarde, plus cela pourrait pousser Paul Bérenger à envisager ce qui pourrait paraitre inimaginable présentement,cela pour assurer la survie de son parti, qui est déjà absentdes régions rurales et dont le poids électoral, même dans des régions urbaines, ne pèse pas très lourd au regard du désenchantement desmilitants. Voyez-vous des signes annonciateurs d’une telle éventualité ?

La réponse d’Ajay Gunness à l’idée d’un gouvernement d’unité nationale peut donner la perception que tout sépare le MMM du régime actuel. Mais, en politique, tout est possible.

Cependant le rapport des forces est nettementen défaveur du MMM qui ne s’est point consolidé depuis sa défaite aux dernières élections générales tant au niveau de sa base électorale qu’au niveau de l’appareil du parti. Avec le MSM peut-il s’attendre à un fair deal plus qu’à un bad deal ?

* Le MSM mise sur la fragmentation des forces de l’Opposition, ce qui risque de se produire avec la venue de nouvelles formations politiques, dont la dernière c’est ‘LinionLepepMorisien’. Beaucoup d’eau va sans doute couler sous les ponts jusqu’aux prochaines élections. Mais voyez-vous l’économie comme le facteur déterminant en fin de compte ?

Divers sondages ont démontré que le noyau dur des partis traditionnels s’est considérablement rétréci. Et le personnel politique des partis mainstream s’est beaucoup décrédibilisé. En outre, l’activisme politique et social ne se retrouve plus au sein de ces partis,d’où la création de ‘LinionLepepMorisien’, fragmentant davantage l’opposition. On voit mal émerger un front uni regroupant une opposition aussi disparate.

Certes la détérioration de la situation économique devrait – en théorie- augmenter le protest vote contre le gouvernement, mais le manque d’unité de l’opposition va entraîner non seulement une dispersion de ce vote mais aussi une confusion au niveau du choix, augmentant le nombre des abstentionnistes. Cela devrait profiter grandement à PravindJugnauth et son équipe, eu égard aux moyens dont ils disposent pour mobiliser leurs partisans.


Mauritius Times ePaper Friday 8 April 2022

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