Tourisme, l’autre face
|Carnet Hebdo
Par Nita Chicooree-Mercier
Les nuages s’amoncellent au-dessus de leur tête en ce début d’hiver, une transition saisonnière tant attendue par les habitants. Désormais, une grisaille épaisse s’installe durablement dans les chaumières, à un tel point que le bon peuple se met à souhaiter le retour du soleil. Les réseaux sociaux, Facebook et TikTok en tête, resteront fidèles au peuple pendant toute la traversée d’un long tunnel hivernal. Bon courage !
Voici que certains songent à une petite escapade à Maurice, histoire de changer d’air. Première raison : la proximité de la destination. Cinq jours à l’hôtel pour décompresser complètement, pratique pour la classe moyenne aisée, cadres et fonctionnaires. Que répondez-vous à ceux qui cherchent un avis sur la possibilité de séjourner en famille dans un bungalow ou une maison ? À vos risques et périls.
— Est-ce que c’est en sécurité ? s’enquiert une dame plutôt aisée.
Le temps de la promotion touristique par patriotisme est révolu. Il faut dire la vérité au risque d’avoir sur la conscience une éventuelle mésaventure de ces braves gens sur le sol mauricien.
— Si vous partez en vacances avec ordinateurs et iPhones, c’est risqué.
Les premiers à s’en méfier, ce sont ceux qui vous accueillent : le personnel, femme de ménage et jardinier, et puis… il y a les autres qui sont aux aguets, qui surveillent et guettent la moindre occasion pour vous dérober.
On préfère dire la vérité par scepticisme sur une hypothétique prise de conscience d’un changement de mentalité que la disette touristique provoquée par la Covid aurait laissée pendant deux ans. Est-ce que les grandes difficultés économiques éprouvées par toutes les activités périphériques liées au tourisme ont suscité une remise en question du comportement passé vis-à-vis du touriste ? Pas si sûr…
Y a-t-il eu un discours des responsables du tourisme à la télévision nationale sur ce sujet ? C’était nécessaire.
— Moi, je ne mettrai plus jamais les pieds à Maurice.
C’est le propos d’un voisin français qui s’est fait voler Rs10000 dans un appartement à Grand Baie le soir même de son arrivée à Maurice. Sa réaction est tout à fait compréhensible.
Une autre catégorie qui a tourné le dos à l’île est celle qui s’est trouvée prise dans des altercations verbales violentes avec des gens du pays. En avril dernier, alors que nous dégustions de l’eau de coco fraîchement coupée et un jus de fruit frais sur la plage de Grand Baie, devant nos yeux ébahis se déroula une scène effarante. Sur le parking étroit, une voiture de location conduite par un étranger accompagné de sa famille essayait de se frayer un passage lorsqu’une Mauricienne d’une quarantaine d’années à moto se tourna vers lui et déversa un flot d’injures, terminant par ‘mama’. Le touriste hocha la tête en signe de désapprobation ; le vendeur de noix de coco en fit de même, se tourna vers les clients présents en déplorant ce genre d’incident :
— Regardez ça, c’est comme ça qu’on traite les touristes ici.
Ce genre de scène est comme un coup de poignard à chaque fois qu’on en est témoin. Aucune retenue, aucune indulgence vis-à-vis du visiteur de passage, aucune considération pour l’image du pays. Un tempérament surchauffé, une vulgarité sans borne donnée en spectacle en plein jour.
Et que dire du fils de 19 ans d’une connaissance française qui eut le malheur d’avoir comme voisine, dans une résidence à Grand Baie, une jeune mère célibataire avec deux enfants en bas âge et d’une agressivité à fleur de peau ?
Ayant déjà la main leste sur ses petits dès le matin, la jeune Mauricienne, au lieu de régler d’une manière raisonnable un différend sur la saleté qu’elle laisse dans le couloir, n’eut d’autre réaction que de sortir ses griffes. Le jeune homme se trouva avec des marques ensanglantées sur le visage. Lorsque je me rendis sur les lieux, la mère de 35 ou 36 ans de la jeune femme m’accueillit avec des propos menaçants du genre :
— « Ki ou été ou, sorte deor, nou gueté! »
Une invitation à la bagarre avant même que je puisse me garer.
La Thaïlande a remplacé Maurice chez ceux de la Réunion qui n’ont pas de sérieux problèmes financiers. Cependant, les gens ordinaires aux petits salaires louent volontiers des maisons et appartements en groupe et en famille dans des endroits aussi improbables pour les vacances tels que Beau Bassin, Rose-Hill et Quatre Bornes. L’opulence et le luxe dont jouit une catégorie socioprofessionnelle des Mauriciens les surprend. Comme, par exemple, un couple de médico-professionnels qui a six voitures de luxe et autant de jardiniers qui se prélassent sous les arbres à tour de rôle. Ces touristes… « Plus jamais Maurice! »
C’est l’avis non-négociable de ceux qui ont subi l’esprit de vengeance des Mauriciens. Ces Mauriciens sont plutôt ‘éduqués’, voire très éduqués, dans le sens qu’on donne à une éducation formelle. Les hommes de ce pays remportent la palme de la vengeance. Il se trouve que, souvent, leurs cibles – ici à la Réunion – sont des gens très éduqués et ne mâchent pas leurs mots sur l’image que renvoie le pays depuis quelques années.
Exemple : Un homme brillant de la Réunion qui a côtoyé le milieu politique et approché un politicien de haut niveau à Maurice il y a des années et a ensuite publié un rapport dans Le Monde Diplomatique. Une demande d’explication sur un incident banal lors d’un séjour à Maurice se termina par des menaces d’un des responsables de l’hôtel. De retour à la Réunion, son ordinateur fut piraté et l’adresse mail récupérée par le malfrat. Il était consterné et sidéré qu’un incident puisse prendre une telle proportion.
‘Mais ils sont malades là-bas ! ‘lâcha-t-il sur un ton exaspéré en me racontant sa mésaventure. Je ne pus qu’acquiescer. Prétendre le contraire serait malhonnête. Des griffes au clavier de l’ordinateur en évitant le sabre, ce pays est devenu un nid de guêpes. Qui s’y frotte s’y pique. Un repoussoir !
Le débat intellectuel n’est pas encouragé, il n’y a aucune plateforme pour l’accueillir. Un véritable étouffoir. Voilà ce qu’on peut répondre à ceux qui ont été la cible de certains « mâles » enragés de Maurice.
Ne parlons pas de la honte qu’on ressent lorsqu’il faut répondre à ceux qui vous interrogent sur l’ampleur de la cybercriminalité révélée dans des articles de presse à la Réunion en décembre 2024, articles biaisés pondus sur le modèle de leurs confrères à Maurice.
Pour finir, le film américain Sigmund Freud avec le formidable Anthony Hopkins passe sur le grand écran ces jours-ci.
La psychanalyse est quelque peu démodée à notre époque, commente une amie.
Non. C’est quelque peu dépassé dans la critique littéraire. Mais elle reste bien d’actualité dans les relations internationales, entre grands et petits pays, dans l’analyse des comportements divers, le rôle de l’inconscient et les névroses de tout genre au sein d’une société. Elle invite à l’introspection, et lève le voile sur un paysage mental hivernal dont les ‘malades’ ont grand besoin.
Mauritius Times ePaper Friday 13 June 2025
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