Le changement apporte un souffle de libération
|Elections générales
By Prakash Neerohoo
La victoire sans appel (60 sièges sur 60) de l’Alliance du Changement (PTr-MMM-ND-ReA) aux élections générales du 10 novembre 2024 est historique, rééditant le score de 1982 (MMM-PSM) et de 1995 (PTr-MMM). Une liesse populaire a accueilli le changement politique à travers le pays avec un défoulement irrésistible venant des foules qui étaient auparavant en proie à la peur sous un gouvernement autoritaire.
Avant le scrutin, un vent de changement soufflait sur le pays. Le 11 novembre a apporté un souffle de libération à un peuple qui en avait assez d’un règne autocratique de 10 ans.
Si l’on prédisait une victoire certaine de l’Alliance du Changement, personne ne pouvait prévoir son ampleur. Certains prévoyaient un tsunami ou un raz de marée électoral sans se hasarder à prédire un score de 60-0. Même les sondages les plus scientifiques n’auraient pu prédire la lame de fond qui allait balayer l’Alliance Lepep.
Enseignements pertinents
Les résultats des élections comportent des enseignements pertinents et utiles à tirer pour l’avenir.
Première leçon : Il ne faut pas rayer à jamais un leader politique qui a une certaine assisse populaire. Le scrutin marque le « comeback » d’un leader (Navin Ramgoolam) que l’on croyait mort politiquement après deux défaites successives en 2014 et 2019. Il revient en force après une traversée du désert marquée par de multiples déboires personnels et légaux. Il a fait preuve d’une résilience extraordinaire pour combattre ses adversaires et regagner le pouvoir, un peu à la manière du président Lula au Brésil.
Il est vrai que les conditions objectives comme les problèmes socio-économiques (inflation, trafic de drogue, institutions dysfonctionnelles, situation d’insécurité publique, mauvaise gouvernance généralisée, etc.,) ont créé un désir de changement chez l’électorat. Mais ce qui a permis à l’Alliance du Changement de capitaliser sur ce désir de changement, c’est la capacité de ses deux principaux dirigeants (Navin et Paul) de rassembler leurs troupes autour des objectifs communs en faisant des compromis de part et d’autre. On a noté cette fois-ci une synergie des partisans du MMM et du PTr sur le terrain dans les villes comme dans les villages, laquelle a fait éclater le mythe que les circonscriptions 4 à 14 étaient acquises au MSM.
En s’adjoignant le parti de gauche ReA et les Nouveaux Démocrates dans une plus grande alliance, les deux partis ont montré un esprit d’ouverture qui est de bon augure pour l’avenir. Pour sa part, le MMM a prouvé qu’il demeure l’élément incontournable dans tout scenario conduisant à un score de 60-0. Il est le seul parti qui est partie prenante de trois victoires électorales parfaites (1982, 1995 et 2024).
Deuxième leçon : Le scrutin majoritaire au premier tour (First Past The Post) favorise une lutte bipolaire entre deux grandes alliances opposées qui ne laisse pas de place aux candidats indépendants ou une troisième force (Linion Reform). L’Alliance du Changement a obtenu 63% des votes contre 28% à l’Alliance Lepep, 5% à Linion Reform et 4% à divers groupuscules.
En 2019, le MSM et ses alliés avaient obtenu 37% des votes pour rafler une majorité de sièges de député contre une opposition désunie (MMM et PTr-PMSD) qui se partagea 63% des votes. En 2024, le MSM et ses alliés obtiennent 28% des votes, soit un recul de 9% par rapport à 2019.
Le caractère bipolaire de la lutte électorale s’affirme davantage lorsque l’enjeu des élections est hautement stratégique (le changement contre le statu quo), ce qui favorise le vote utile. Une troisième alternative à Maurice n’est pas viable dans l’avenir pour deux raisons :
(a) le système électoral inique, et
(b) le financement politique.
Sans une réforme des deux systèmes, seuls deux blocs opposés continueront à dominer l’échiquier politique.
Absence d’opposition
Vu l’absence d’une opposition confortable au Parlement, la question qui hante les esprits est de savoir si l’Alliance du Changement ne contient pas les germes de la division qui provoqueront une cassure à terme, comme on l’a vu en 1982 et 1995, à la suite des divergences profondes entre les partenaires. Certains prophètes de malheur prévoient déjà un éclatement de l’Alliance compte tenu des précédents historiques. Jamais deux sans trois, disent-ils.Or, cette fois-ci une cassure est peu probablepour plusieurs raisons.
- D’abord, les deux leaders de l’Alliance ont acquis de l’expérience et de la sagesse et ils sont conscients que le temps n’est pas suffisant (5 ans) pour faire les réformes nécessaires et laisser un héritage précieux à la postérité. Essentiellement, ils présideront un gouvernement de transition qui devrait jeter les bases des réformes structurelles (politiques, constitutionnelles, économiques, sociales) qui puissent permettre l’émergence d’une Ile Maurice plus juste, égalitaire et démocratique.
- Ensuite, ils ont la responsabilité de préparer la relève dans leur parti respectif à partir du présent mandat. Donc, le temps ne se prête pas aux querelles de clocher ! Ils doivent se focaliser sur l’essentiel et non pas l’accessoire.
Défis majeurs
A court et moyen termes, le nouveau gouvernement aura des défis majeurs à relever sur tous les plans (économique, social, institutionnel). En attendant des réformes profondes au système, il devra s’occuper durant la première année des problèmes les plus pressants tels que le combat contre l’inflation, le trafic de drogue, l’insécurité publique, la relativité salariale, l’accès à l’éducation et au logement, l’emploi, les taxes indirectes régressives et les prix des carburants.
D’abord, il faudra une remise en ordre général dans les institutions qui sont minées par l’incompétence, la corruption et le népotisme. Cela exige le départ de tous ceux qui ont consciemment et volontairement contribué au pourrissement du système.
Il ne s’agit pas de mener une politique de vengeance, mais plutôt de situer les responsabilités pour toutes les gabegies et malversations dans les institutions.
Il y avait une convention dans la politique selon laquelle un nouveau gouvernement ne s’engage pas dans une vendetta contre son prédécesseur. Or, en 2014, le MSM a rompu cette convention en arrêtant Navin Ramgoolam sous des charges provisoires, dont 10 sur 11 ont été rejetées par les cours de justice (la onzième étant toujours en suspens). Si l’on veut donner quelque sens à la notion d’imputabilité (« accountability ») dans l’administration publique, des actions s’imposent en termes d’enquêtes et de poursuites dans les cas où la loi a été violée et l’Etat de droit a été contourné.
Audit des finances
Les chefs qui ont permis des pratiques de mauvaise gouvernance dans la police, la MBC, la FCC (ex-ICAC), la BOM, la MIC, la FSC, l’IBA, l’ICTA, Airport Holdings Ltd, SBM et d’autres organisations publiques (CWA, STC, CEB) devraient être appelés à répondre de leurs actes après une enquête judicieuse. L’Etat de droit devrait pouvoir fonctionner dans la séparation des pouvoirs avec un DPP indépendant et un judiciaire plus efficace.
Certains conservateurs reprocheront au nouveau gouvernement de vouloir trouver des squelettes dans les placards afin de justifier une éventuelle velléité d’austérité. Or, il est important d’introduire une certaine rigueur dans la gestion des finances publiques. A cette fin, un audit des finances nationales, effectué par une autorité indépendante comme le directeur de l’Audit, est nécessaire afin d’établir le montant réel du déficit budgétaire 2024-25 et le niveau de la dette nationale.
Celle-ci est sous-estimée par la pratique du « financement hors bilan », qui consiste à créer des entités adhoc (SpecialPurposeVehicles) pour enlever de la dette publique des prêts contractés pour financer des projets spécifiques (par exemple, le prêt indien pour financer le Metro Express). Or, l’Etat est responsable du remboursement de ces prêts. De même, la Banque de Maurice et Statistics Mauritius devraient évaluer la croissance économique et le déficit de la balance des paiements en toute indépendance, sans aucune tentative de faire de la comptabilité créative.
Mauritius Times ePaper Friday 15 November 2024
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