La MIC, une société privée opérant avec des fonds publics
|Analyse
Gouvernance économique
Le contrat entre la MIC et ses clients est une forme juridique qui n’enlève rien à la nécessite de veiller à ce que les transactions soient légales et transparentes, et qu’il y ait des poursuites en cas de maldonne
By Prakash Neerohoo
La conférence de presse du gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen, sur la gestion de la Mauritius Investment Corporation (MIC), une filiale de la banque, a éclairci certaines zones d’ombre sur cette entité, mais elle n’a pas résolu tout le mystère qui entoure ses opérations. Elle soulève plus de questions que de réponses sur une société dite privée mais tirant son capital de fonds publics fournis par la Banque centrale. Voilà un modèle d’antinomie économique que l’ancien gouvernement a légué au pays comme un symbole de sa mauvaise gouvernance généralisée.
Pour mieux comprendre cette problématique, il faut d’abord situer le contexte historique de la MIC et examiner son bilan à ce jour avant de traiter les questions fondamentales qu’elle soulève en termes de structure institutionnelle, d’éthique des affaires et de gestion des risques financiers.
Contexte historique
La MIC est une société d’investissement qui est une filiale détenue à part entière par une société mère (Banque centrale). Elle fut créée en mai 2020 avec un capital de Rs 81 milliards pour venir en aide (par voie de prêts, d’obligations d’entreprise ou d’achat d’actions) à des compagnies privées en mal de fonds de roulement durant la pandémie de la Covid-19. Dès la création de la MIC, nous avions anticipé un problème de gouvernance institutionnelle découlant des relations entre parties liées (une société mère et sa filiale) agissant sous le contrôle du gouvernement, ce qui impliquait un manque de transparence dans les affaires et des décisions d’investissement dictées par la politique plutôt que par l’impératif économique.
Dans un article sous le titre “MIC : un changement de vocation pour la Banque centrale », paru dans l’édition du 26 mai 2020 de ce journal, j’avais souligné le fait anormal que la Banque centrale se départait de son rôle exclusif de régulateur de la politique monétaire pour devenir un opérateur économique (investisseur). D’ailleurs, le FMI aussi a critiqué ces deux rôles antinomiques en demandant à la Banque centrale de transférer la MIC à une société d’investissement de l’État. Les légistes débattront de la question de savoir si le rôle de régulateur-operateur n’est pas ultra vires à la loi constitutive de la Banque centrale.
Ce qui est encore plus anormal, c’est le fait que la Banque centrale, un organisme public, ait créé une société d’investissement privée sous la Loi des Compagnies (The Companies Act) tout en la dotant d’un capital provenant de fonds publics. Le subterfuge est évident : il s’agissait pour le gouvernement à l’époque de soustraire la MIC du contrôle du Parlement et, partant, de la surveillance du Bureau national de l’Audit (National Audit Office), en lui conférant un statut privé. Un subterfuge semblable a été utilisé pour mettre des entreprises commerciales contrôlées par l’Etat (notamment Airport Holdings Ltd et SBM) à l’abri de toute question parlementaire en arguant du secret (de la confidentialité) des opérations commerciales.
L’Etat est l’actionnaire majoritaire dans ces entreprises mais refuse de rendre compte de leurs actions au Parlement. Pour sa part, la MIC rend compte à un conseil d’administration nommé par la Banque centrale, sur lequel le gouvernement exerce un contrôle de facto. L’Etat-mère traite la Banque centrale comme une filiale qui, elle, possède la MIC comme une filiale.
Bilan passif
Globalement, la MIC a un bilan légèrement positif à ce jour du point de vue comptable. Pour l’année financière se terminant le 30 juin 2024, elle a fait des bénéfices de Rs 400 millions (contre Rs 212 millions pour l’année précédente) et elle a des actifs de Rs 82,8 milliards (le capital de Rs 81 milliards converti en investissements plus des bénéfices accrus).
Cependant, des questions se posent sur la capacité de la MIC de recouvrer les fonds qu’elle a déboursés à des compagnies dans les années à venir sous forme d’obligations remboursables (redeemable debentures). Le tableau 1 indique que sur Rs 81 milliards de fonds disponibles, Rs 56,8 milliards furent investis au 30 septembre 2024 dans 60 entreprises et Rs 23,6 milliards n’avaient pas été encore déboursés.
Les investissements de la MIC ont été faits sous forme de prise de participation au capital d’entreprise par l’achat d’actions, d’obligations remboursables et d’achat de biens (immeubles/terres). Le tableau 2 donne la répartition des investissements par type d’instrument financier. Selon un communiqué de la MIC, au 30 septembre 2024, Rs 535 millions d’obligations ont été remboursées entre juin 2020 et septembre 2024.
On note que Rs 25 milliards ont été investis dans l’actionnariat d’Airport Holdings Ltd (AHL), soit 49% de son capital. Si la MIC devait vendre les actions d’entreprise qu’elle a achetées ou si elle devait récupérer les obligations remboursables, l’évaluation de ces instruments porterait un risque de pertes compte tenu de la valeur de marché actuelle des actions et des obligations, comparée à leur valeur nominale. La MIC pourrait-elle vendre 49% du capital d’AHL sans fragiliser davantage Air Mauritius, sa filiale principale, qui fait des pertes ?
Les informations dévoilées à ce jour révèlent que des fonds de Rs 56,8 milliards ont été déboursés à une large gamme d’entreprises privées, dont certaines méritaient sans doute l’aide consentie alors que d’autres (certains hôtels et constructeurs) paraissent avoir eu accès aux facilités grâce à leur proximité politique. Comment expliquer, par exemple, qu’une école de comptabilité a obtenu Rs 55 millions et qu’une agence de sondage peu fiable a obtenu Rs 45 millions (en dollars) ? Est-ce qu’elles obéissaient au critère d’activité économique génératrice d’emplois ? S’il y a eu des carences dans l’évaluation des demandes d’aide ou des malversations dans les déboursements de fonds, les autorités devraient faire l’enquête nécessaire afin de déterminer s’il y a eu des fraudes.Read More… Become a Subscriber
Mauritius Times ePaper Friday 13 December 2024
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