A quoi servent les partis politiques ?
|By J. Tsang Mang Kin
Faudrait-il s’étonner si des jeunes, compétents, travailleurs et désireux de servir leur pays ne s’intéressent nullement de se joindre aux partis. Comment peuvent-ils vouloir entrer dans un groupe où on ne vous demande pas de réfléchir ?
J’ai pris connaissance, avec un vif intérêt, de la préoccupation de mon ancien collègue du Cabinet Me Razack Peeroo, touchant au rajeunissement du Parti Travailliste, le fait d’avoir des jeunes pour assurer son l’avenir du Parti. Idée intéressante. Est-ce tout ?
Je connais un certain nombre de jeunes Mauriciens, autour de la quarantaine, qui ont fait leur preuve à l’étranger où ils ont occupé des postes à responsabilité dans des firmes prestigieuses et des femmes tout aussi qualifiées et qui viennent de secteurs des ONG avec des expériences fort utiles acquises tant en Amérique qu’en Afrique et, bien sûr, en Europe. Or, ils reculent avec appréhension à l’idée de se joindre soit au Parti Travailliste soit au MMM, soit encore au MSM où des contacts auraient été pris.
Les bons éléments, comme ceux qui ont grandi sur place, font la fine bouche. Resteraient alors les moins compétents ou alors des opportunistes. Suivant l’exemple venant d’en haut, et face au cynisme triomphant de ceux qui ont « réussi », une nouvelle génération grandit sans orientation aucune. Ils n’ont pas de modèles à suivre. Pourquoi les jeunes dont nous avons besoin ne font-ils pas la queue pour se joindre aux partis politiques ?
On ne peut s’empêcher de se demander si les partis politiques ne donnent de mauvais exemples, en ne faisant pas leur travail de parti, à savoir ils devraient être un groupe de penseurs d’avant-garde, qui discutent et font des propositions pour l’avancement de la société et du pays, et réfléchissent à l’avenir du pays.
Or, les partis politiques semblent constituer, à l’heure actuelle, de véritables obstacles à la vie intellectuelle des citoyens de ce pays. En n’inspirant pas les jeunes, ils ne leur servent pas d’exemple. Ils n’ont aucun rôle face aux yeux des jeunes, les premiers concernés. Pourtant, les jeunes auraient dû être les premiers à être recrutés pour donner une raison d’être à l’existence des partis politiques.
A les voir, ces partis donnent l’impression qu’ils ne connaissent pas leur rôle, ils paraissent sans projet, sans idéal, sans aucune vision, sauf qu’ils ont peut-être des agendas bien ou mal cachés. Ils découragent les patriotes, tous ceux-là qui veulent servir le pays.
L’histoire d’une trahison
Par exemple, dans un document fort intéressant de Lalit: L’histoire d’une trahison, il y est question de la trahison de l’idéal du MMM des débuts qui parlait de lutte des classes, de mettre fin à la misère du petit peuple et de tuer le communautarisme. Le Parti Travailliste aujourd’hui n’est pas loin derrière. Comment peut-on affirmer cela ?
Tout simplement parce que le Parti Travailliste donne à croire qu’il a oublié sa mission de servir le petit peuple, les désavantagés de la société mauricienne, comme l’avait fait Sir Veerasamy Ringadoo lorsqu’il avait fait ouvrir une banque commerciale de l’Etat pour d’abord venir en aide à une partie de la population oubliée. Celle-ci n’avait pas accès aux sources financières pour leurs projets de développement. Or, il y a une perversion de la mission de cette banque confiée alors, hélas !, à un étranger qui ne partageait nullement la vision du Parti Travailliste de SVR ; il l’avait perverti en faisant une banque comme les autres, oubliant sa mission pour s’acharner à engranger des profits.
Et aujourd’hui, dans le Parti Travailliste, ce sont encore des étrangers, plus graves des gens qui sont étrangers et qui se moquent bien de l’idéal du Parti Travailliste, dont l’œuvre capitale et unique a été la création du Welfare State. Qu’on ne vienne pas me dire que c’est dépassé, qu’aujourd’hui le concept du Welfare State ou il n’y a plus d’idéologie, qu’il est seulement question de globalisation, de l’open market economy. Non, ne vous laissez pas jeter la poudre aux yeux. Regardez les Etats nordiques qui ont également réussi leur Welfare State.
Le MMM, avec Paul Bérenger, comme ministre des Finances en 1982, avait voulu enlever les subsides sur le riz et la farine et abolir l’éducation gratuite, que l’on venait d’obtenir, en 1976. Le peuple a-t-il la mémoire raccourcie? La menace pèse toujours… Pourquoi vous encourage-t-on maintenant à découvrir les vertus du fruit-à-pain, fruit fort nutritif, soit dit en passant que l’intention date d’environ 20 ans ? C’était la première étape vers la suppression des subsides sur nos denrées de base. Gare à vous maintenant! N’allez pas dire demain que vous n’aviez pas été prévenus!
La tourmente et les incertitudes
Je dis donc que dans la tourmente et les incertitudes du monde financier où l’on pense devoir tirer la sonnette d’alarme : « Attention le Welfare State est menacé et risque d’en faire les frais. Il faut maintenir ces acquis du Parti Travailliste. L’éducation gratuite, la santé gratuite, ne les prenez pas, je vous en prie, comme disent les Anglais, for granted, définitivement acquis.
Il n’y a plus dans le Parti Travailliste que quelques-uns qui soient de véritables Travaillistes et qui aient connu le combat contre les oligarchies, qui comme toujours, veulent tout, tout accaparer pour eux seuls. Et ce qui est grave, personne au Parti ne propose une réflexion sur la consolidation et l’extension des acquis du Welfare State. D’ailleurs, peut-on confier ces questions qui nous préoccupent à ceux qui n’y croient pas ou qui s’en fichent ?
On se demande alors de quoi relève leur croyances si ce n’est d’abord à leurs propres intérêts ? Avez-vous entendu les partis organiser des débats et inviter des membres de la société mauricienne, universitaires ou hommes d’affaires, à contribuer à leurs séances de réflexion? Ces séances n’existent pas. Ont-ils eu quelque chose à dire sur la question de l’avortement, avant d’arriver au projet de loi? Avez-vous entendu ces partis faire des réflexions sur une question que tout le peuple mauricien semble avoir oublié ? Je parle de la réforme électorale, de la question constitutionnelle, de la deuxième République. Un temps existait où l’on disait des Français qu’ils étaient des veaux, que l’on conduit à l’abattoir. Valons-nous mieux?
Et il y a d’autres questions que l’on ne discute pas mais qui devraient être au centre des réflexions des citoyens du pays. Quelques exemples : Le rôle de Mauritius Telecom qui a bloqué le développement des autoroutes de l’information et la mise à la disposition des débits rapides aux Mauriciens, étudiants comme entrepreneurs, uniquement pour faire des profits et enrichir une poignée de personnes. Mauritius Telecom a déjà fait perdre au pays dix années de progrès. Et ici je salue pour son courage et sa vision le ministre Pillay qui n’est pas passé par quatre chemins pour dénoncer le Mauritius Telecom, mais je regrette énormément le silence coupable des partis y compris, le Parti Travailliste qui ne l’ont pas soutenu dans son combat.
Par la même occasion, je voudrais saluer le courage et la vision de Percy Mistry qui avait mis en garde contre le scandale des IRS, qui brade le pays et font en sorte que les Mauriciens deviennent des étrangers dans leur propre pays, des étrangers misérables, parce qu’aucun d’entre nous, salariés ne serons en mesure de nous offrir des résidences IRS à 1 ou 2 millions de dollars, c’est-à-dire 30 à 60 millions de roupies. (À moins bien sûr de gagner le Loto chaque semaine, disons une dizaine de fois!) Est-ce normal? Parce que, avec un salaire de pays en voie de développement pour la vaste majorité de la population, ce sera un avenir très sombre. Et les habitants des côtes, parmi les plus pauvres et les plus exploités seront fort utiles pour nettoyer les piscines, ramasser les balles de tennis ou garder les propriétés des Arabes aux pétrodollars ou des Sud-africains avides de reconstituer leurs bantoustans. Pire, pour le pays, comme l’a écrit et si bien dit Mistry, l’IRS ouvre la porte toute grande à la corruption. Il n’aurait jamais dû être accepté et devrait être rejeté comme l’avait annoncé le Parti Travailliste…
Ni vocation, ni compétence
Le nouveau Président français, François Hollande, avait promis de limiter l’écart de salaire de 1 à 20 entre patrons et employés dans ses 60 engagements. Et je regarde mon pays où la grosse masse du petit peuple doit vivre avec moins de Rs6000 par mois, et où l’écart de salaire est de 1 à 50 ou plus. Et la question que nous posons tous aux partis politiques : L’écart de salaire, est-ce une question qui vous préoccupe? Alors que font les partis qui se disent socialistes pour réduire ou limiter cet écart?
On se demande si les partis pensent à toutes ces questions qui interpellent, comme le coût de la vie, le sale by levy, le loyer de l’argent, la réforme agraire, les recommandations de la Commission Justice et Paix, l’interruption de grossesse, ou encore le vote électronique. Sans parler de la corruption… En fait, il s’agit de réfléchir sur le type de société dans laquelle nous voulons vivre ou celle que nous voulons léguer à nos enfants. Par leur mutisme, on a la triste impression que les partis ont autre chose à faire, ou qu’ils n’ont ni vocation, ni compétence.
Alors, faudrait-il s’étonner si des jeunes, compétents, travailleurs et désireux de servir leur pays ne s’intéressent nullement de se joindre aux partis. En effet, comment peuvent-ils vouloir entrer dans un groupe où on ne vous demande pas de réfléchir ou qui ressemble à un désert intellectuel où les idées ne poussent pas. Non merci, vient la réponse.
Pleure, mon pays.
* Published in print edition on 8 June 2012
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