De ‘planting’ à ‘posting’ : la SST continue de faire parler d’elle

Eclairages

Par A.Bartleby

C’est le buzz de la semaine. Un facteur factice aurait tenté de livrer un colis de drogue à l’avocat Akil Bissessur. Ce dernier a même filmé la scène où le prétendu facteur a tenté de lui remettre le colis. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la manière de faire était extrêmement suspecte et que toute personne un peu avertie des procédures de la poste se serait douté qu’il y avait anguille sous roche.

Arrestation d’Akil Bissessur: la manière de faire était extrêmement suspecte…

En effet, selon les procédures en place, un colis venant de l’étranger ne peut pas être livré directement par un facteur. Le facteur dépose un avis de passage dans la boîte aux lettres du destinataire, et ce dernier doit se rendre à son bureau de poste ou à la poste centrale située à Port Louis afin de récupérer son colis. Le colis est ouvert par les services de douanes, souvent ou régulièrement en la présence des membres de l’Anti Drug and Smuggling Unit (ADSU), et cela, sous la supervision du destinataire, qui doit régler les taxes requises afin que le colis soit dédouané et lui soit remis.

Les procédures sont les mêmes lorsqu’un colis arrive par un service de courrier comme DHL ou FedEx, ces services demandant l’autorisation du destinataire afin de procéder au dédouanement avant que le colis ne soit livré.

Tout était donc extrêmement louche avec cette livraison. D’ailleurs, des images du ‘facteur’ ont ensuite circulé sur les réseaux sociaux laissant penser que ce dernier pourrait effectivement être un vrai policier déguisé en faux facteur.

La Special Striking Team (SST) a ensuite procédé à l’arrestation d’Akil Bissessur, de son frère et de sa compagne suivant une perquisition en la résidence de cette dernière. Leurs avocats ont dû attendre plusieurs heures avant d’être informés de l’arrestation de leurs clients. D’ailleurs Me Rama Valayden a fait un Facebook Live dénonçant les méthodes de la SST et le fait qu’Akil Bissessur serait devenu une cible de la SST de par le fait qu’il aurait déclaré avoir entendu l’ASP Jagai répéter : “Oui madame. Oui madame…” lors d’une conversation téléphonique.

Créée en août 2022, en moins d’une année, la section menée par l’ASP Jagai a fait parler d’elle sans discontinuation par des opérations fracassantes. Les choses ont d’ailleurs pris une tournure différente lorsque l’ASP Jagai a accepté l’invitation de TopFM la semaine dernière, mettant encore plus le spotlight sur lui et son équipe.

Cette émission, avec son lot d’événements hors-plateau, relève d’une anomalie profonde. Pourquoi est-ce qu’un ASP de la police impliqué dans une série d’enquêtes hautement sensibles a été autorisé à se rendre sur un plateau de radio afin de parler des opérations de la police ? La police n’a-t-elle pas un porte-parole dont la fonction est justement de répondre aux questions et aux interrogations des journalistes ?

Il était absolument prévisible que cette émission ne se passe pas comme une émission normale au vu des enjeux et de la nature même du travail de la SST. Cette dernière apparaît clairement comme une équipe de commando opérant parallèlement à l’ADSU, avec une capacité accrue pour les infiltrations et les arrestations.

Du reste, le commissaire de police s’estvanté de la création de la SST, et le PM a lui-même donné des chiffres mirobolants au parlement. La SST a saisi, depuis sa création par le commissaire de police, plus de Rs 355 millions de drogues en 11 mois. Ces informations ont été fournies par le Premier ministre à l’Assemblée nationale, le 12 juin dernier, lors de la PNQ du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval. De plus, l’ADSU et la SST auraient procédé à plus de 22 000 arrestations durant la période de janvier 2015 à mai 2023.

Ces chiffres en eux-mêmes peuvent paraître impressionnants et fourniraientde la substance au fait que le PM se vante constamment de casser les reins des mafias de la drogue. Mais il y a tout de même de sérieuses questions à se poser. Nous nous souvenons tous que le rapport Lam Shang Leen avait recommandé le démantèlement et le remplacement de l’ADSU par une autre unité.

Cette solution, jolie sur papier, pose elle-même de sérieuses questions. Faute de pouvoir faire appel à d’autres éléments de la force policière et à ceux ayant les compétences et les contacts nécessaires sur le terrain, le fait de remplacer l’ADSU par une autre unité impliquerait aussi que les mêmes policiers soient redéployés dans cette autre unité. Par conséquent, le problème fondamental n’est absolument pas réglé par rapport aux officiers qui sont ou soupçonnés d’être en connivence avec les barons du trafic de la drogue.

Une unité parallèle, composée de policiers chevronnés et aguerris au milieu de la pègre, et ayant un mandat plus libre que l’ADSU, peut donner des résultats plus efficaces que l’ADSU. D’ailleurs, d’autres pays ont recours à ce genre d’unités dans leur lutte contre les « narcos ». Le problème se trouve bien plutôt dans le fait que, contrairement à l’ADSU, la SST opère sans cadre légal clairement défini, ce qui délimiterait les capacités et la nature de leurs interventions.

Et cela produit un immense problème : le fait que la SST semble opérer complètement librement, pour ne pas dire de manière totalement arbitraire comme le perçoivent ceux ou celles qui ont été arrêtés par cette unité. C’est d’ailleurs de là que viennent les accusations des avocats qui n’hésitent pas à déclarer que la SST est une milice politique avant d’être une « unité anti-narco ». Et des opérations comme celles que l’on a vues contre AkilBissessur alimentent et nourrissent ce soupçon, même s’il est ridicule de penser qu’AkilBissessur représente une menace politique pour le pouvoir en place. Mais le soupçon est là.

Cette situation est ainsi politiquement intenable, et le PM doit s’en rendre compte. Intenable car elle produit une peur qui se propage dans la population. Et intenable aussi car elle décrédibilise l’action de la police, en particulier celle de la SST, dont la fonction principale devraitêtre celle dela lutte contre les « narcos ».

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Blinken en Chine: un exercice de communication réussi

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken était en visite officielle en Chine cette semaine. Cette visite était très attendue par la communauté internationale au vu des relations particulièrement tendues entre les deux puissances mondiales depuis quelques années.

L’importance de cette visite a d’ailleurs été incarnée par le fait que le Président chinois Xi Jinping ait reçu Antony Blinken comme si ce dernier était au même rang que son homologue. En effet, le Secrétaire d’Etat a été reçu comme s’il s’agissait du Président des États-Unis lui-même, avec un Xi Jinping lui accordant plusieurs audiences et réunions.

Blinken a d’ailleurs lui-même affirmé avoir eu une conversation d’importance avec Xi, ainsi que des réunions qu’il a qualifiées de “candid, substantive and constructive” avec les officiels chinois.

Alors que les tensions montent en Mer de Chine depuis plusieurs mois et que la course économique fait rage entre les deux pays, il était important que la Chine et les États-Unis affichent la volonté de renouer un dialogue amical et diplomatique. Cela semble être chose faite, et surtout avec cette petite phrase de Xi Jinping et Antony Blinken – pendant des conférences de presse séparées : ‘webothagree on the need to stabilizeourrelationship’.

Xi Jinping a été plus précis en déclarant que les deux parties ont avancé sur des dossiers particuliers, en trouvant un terrain d’entente qui convenait aux deux superpuissances. Cela dit, les dossiers actuellement sensibles n’ont pas été abordés, notamment la question de Taiwan, la guerre en Ukraine et les tarifs douaniers que les États-Unis imposent sur les puces (chips) produits en Chine.

Les choses seraient-elles aussi simples ? L’entente et la cordialité affichées relèvent autant du fait que les deux pays souhaitent effectivement normaliser leurs relations que du fait qu’il était absolument essentiel de produire un exercice de communication envoyant un signal positif et encourageant au reste du monde. Sur ce dernier point, l’exercice est réussi. Sur le point essentiel des différences, en revanche, seul l’avenir nous dira si les bonnes volontés déclarées et affichées se matérialiseront ou non.

La réalité actuelle est que les États-Unis se dirigent vers une élection présidentielle qui sera capitale pour l’avenir de sa politique internationale alors que l’économie chinoise, elle, commence à ralentir. Signe de ce ralentissement, l’effondrement de plusieurs projets du ‘Belt and Road Initiative’ en Afrique et le fait que les géants des technologies Apple et Samsung aient délocalisé toutes leurs unités de productions chinoises en Inde, au Vietnam et en Corée du Sud. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que Xi Jinping a tenu à organiser une rencontre hautement médiatisée entre son “grand ami” Bill Gates (qui faisait partie de la délégation américaine) et lui, où ils ont discuté de l’avenir des nouvelles technologies et le rôle essentiel de la Chine dans ce secteur.

Est-ce que cette visite de Blinken résoudra tous les problèmes actuels entre les deux puissances qui vont déterminer les orientations stratégiques des prochaines décennies ? Non ! Mais cette visite aura eu le mérite de démontrer la volonté des deux puissances de renouveler un dialogue essentiel pour la paix mondiale. Espérons maintenant que ce dialogue se poursuivra et deviendra positif et productif.

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 Sir BhinodBacha: le “enforcer” du PMO

Alors qu’il marchait dans le parking de la résidence où il habitait, une voiture est venue le percuter. Il a été emmené tout de suite aux services urgentistes de l’hôpital Candos où son décès a été annoncé un peu plus de 6 heures après l’accident. Le départ de Sir Bhinod Bacha aura été comme sa vie : spectaculaire et tragique.

Sir Bhinod Bacha était un de ces personnages dont la vie semblait tout droit sortie d’un roman ou d’une fiction. Personnage haut en couleur, homme intelligent et cultivé, il était la plume de tous les Premiers ministres du pays, de SSR à PravindJugnauth. Comme le disaient certains politiciens : les gouvernements venaient et partaient, Sir Bhinod restait.

Il était ainsi considéré comme quasiment indispensable au bon processus de gouvernement, ou du moins il avait su se rendre indispensable comme un maillon essentiel du rouage du processus de décision et un relais critique entre les politiques et l’administration publique.

Ainsi, avec les années et l’expérience, Sir Bhinod est devenu plus qu’un haut fonctionnaire, mais ce que les Britanniques appelleraient le “enforcer” du PMO. Toutes les grandes décisions passaient par lui, et il était celui qui recadrait aussi bien les ministres que les hauts fonctionnaires. Pour cela, il savait faire preuve de diplomatie mais savait également se montrer ferme et dur, dépendant de la situation, ce qui lui a valu l’admiration de certains mais également la peur des autres.

D’ailleurs, il suffit d’observer les divers témoignages et réactions à la suite de son décès pour constater à quel point il était un personnage clivant : les hommages étaient chaleureux et admiratifs, mais les critiques sur les réseaux sociaux étaient violents et frôlaient souvent l’indécence. C’est le lot des hommes de pouvoir et surtout des hommes de l’ombre. Ces derniers exercent une certaine fascination chez les gens, et Sir Bhinod aimait à cultiver cette fascination.

Il faut avouer que les grands événements qui ont marqué sa vie ont entièrement participé à la construction de l’aura du personnage. Qui ne se souvient pas de son procès aux assises ? Cette affaire faisait la une des journaux à l’époque et garda le pays en haleine pendant plusieurs mois. Elle participa d’ailleurs entièrement à la série de rumeurs et de ragots malgré le fait que Sir Bhinod et son épouse furent acquittés.

Sir Bhinod s’inscrivait dans la lignée des grands stratèges politiques comme Christian Rivalland ou encore Dan Callikan, décédé récemment également. Ces individus, pas forcément connus du grand public, étaient des maillons essentiels de la vie politique et leur départ laisse un vide immense dans le pays, il ne faut pas le sous-estimer.

Et ce vide ne sera pas près d’être comblé puisque la relève n’est pas encore en place. En effet, il n’y a actuellement aucun jeune capable d’occuper l’espace laissé vide par le départ de Sir Bhinod. Ce dernier, tout comme les grands leaders politiques, n’a pas préparé la relève en formant quelqu’un capable de prendre un jour sa place. Cela aura forcément un impact sur le processus de gouvernement, et PravindJugnauth le sait parfaitement bien lorsqu’il a déclaré que Sir Bhinod allait nous manquer.

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MK passe une commande de trois A350 à Airbus

La nouvelle a été annoncée sur la page Facebook d’Airbus lors du Salon du Bourget cette semaine : Air Mauritius passe une commande de trois A350 de la dernière génération.

Après la vente des vieux A340 et des A319, la flotte de MK se limitera à des ATR, des A330 Neo et des A350. L’acquisition de ces trois A350, qui devraient être livrés d’ici début 2026, envoie un message clair et net au secteur de l’aviation et au secteur touristique : Air Mauritius se concentrera sur ses lignes longs courriers, et consolidera les marchés européens.

Ceci est parfaitement logique au regard de deux choses. Premièrement, il est clair que la destination mauricienne reste en grande demande pour les marchés traditionnels que sont la France, la Grande Bretagne et l’Allemagne ; et que les tentatives de diversification des marchés tentées il y a quelques années (avec les corridors asiatiques) n’ont pas porté leurs fruits. Et deuxièmement, avec l’arrêt de la production des A380 et le fait qu’Emirates risque de les remplacer progressivement par des A350 et des Boeing, pourrait emmener le porteur des Emirats à revoir sa stratégie pour Maurice, avec une baisse des flux de passagers.

Nous ne sommes pas encore là, mais la volonté de consolider les marchés européens et augmenter le flux de passagers vers Maurice est une stratégie juste au regard des grands changements qui vont transformer l’industrie du voyage.


Mauritius Times ePaper Friday 23 June 2023

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