Vers une nouvelle bipolarisation politique

A l’aube de 2020

Pour que l’opposition soit une alternative crédible aux partis dirigeants, il est essentiel qu’elle cherche des intérêts communs entre ses différentes composantes

Par Aditya Narayan

On dit que le leader du MMM mijote sa stratégie politique pour les prochaines élections une fois les dernières élections terminées, qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition. C’est dans cet état d’esprit qu’il a esquissé les contours de la stratégie future du MMM dans son discours de fin d’année, lors d’un rassemblement des militants du parti.

Ce qu’il faut retenir de son discours, ce sont deux indications qui vont potentiellement reconfigurer la scène politique dans l’avenir.

  • Premièrement, il semble avoir fait une croix sur toute nouvelle possibilité d’alliance avec le MSM en le qualifiant de « danger pour la démocratie » qu’il faut combattre à tout prix.
  • Deuxièmement, il semble vouloir privilégier une collaboration active avec les autres partis d’opposition parlementaire, le Parti travailliste en particulier, afin de contrecarrer les plans du gouvernement en place.

Echaudé par sa défaite aux dernières élections, le MMM a abandonné l’idée de faire cavalier seul contre tous, et il entend bien s’allier à un autre parti dans l’avenir pour améliorer ses chances aux prochaines élections – municipales ou générales. Aussitôt après l’installation du Gouvernement nouvellement issu des urnes, il y avait certains couacs au sein de l’opposition parlementaire en ce qui concerne la nomination du nouveau Speaker de l’Assemblée nationale. Le MMM a reproché au leader de l’Opposition de cautionner le choix du titulaire en ne s’opposant pas à sa nomination. Cette divergence n’était pas de bon augure pour les relations entre les deux partis d’opposition, et on craignait une dispersion des forces de l’opposition à l’avantage du régime. Or, le MMM s’est rattrapé depuis et il s’est lancé dans une démarche de séduction vers le Ptr pour que les deux partis accordent leurs violons sur les questions de l’heure et concluent une entente à terme, avec pour toile de fond la contestation conjointe en Cour des résultats des urnes dans certaines circonscriptions.

Vision à long terme

C’est un geste significatif que le MMM et le PTr, tous les deux, parlent de l’absence d’élections libres et équitables (lack of free and fair elections) lors du dernier scrutin législatif, sans vouloir toutefois préjuger du verdict de la Cour. Celle-ci décidera si l’opposition est bon ou mauvais perdant. Quoi qu’il en soit, si les deux partis se trouvent dans le pétrin aujourd’hui, ils sont en partie responsables de leur sort. Lorsqu’ils étaient au pouvoir ensemble (alliance PTr-MMM de 1995) ou avec un autre allié dans le passé (alliance MSM-MMM de 1991-1993 et 2000-2005 ; alliance Ptr-MSM de 2010-2013), ils n’ont pas jugé utile de faire les réformes démocratiques qui allaient précisément garantir des élections libres et équitables. Aujourd’hui, ils sont victimes de leur propre inaction, indécision et tergiversation.

Pourtant, à chaque fois qu’ils participaient au gouvernement, ils avaient la majorité pour faire passer des lois de réforme démocratique. Or, croyant que le pouvoir allait sans doute durer longtemps, ils n’ont pas pensé au-delà d’une mandature de cinq ans et leur absence de vision à long terme nous a menés à la mal-gouvernance généralisée qui afflige le pays. Un leadership éclairé est jugé à l’aune de sa capacité à mettre en exécution des idées qui aient un impact national pour plusieurs générations, comme le fut l’indépendance politique.

Depuis 1982, aucune réforme démocratique majeure n’a été accomplie, à l’exception de l’amendement à la Constitution voté par le gouvernement MMM-PSM de l’époque en vue de garantir la tenue des élections générales et partielles selon des échéances réglementaires. Cet amendement constitutionnel, qui fut un acte visionnaire sans doute, a épargné le pays de certaines tentations totalitaires puisque le peuple a l’occasion de pratiquer l’alternance du pouvoir à intervalles réguliers. Mais il ne fallait pas dormir sur ses lauriers. D’autres réformes étaient nécessaires pour approfondir la démocratie politique, rendre plus équitable l’économie sociale du marché et rendre plus transparente la gouvernance générale, en faisant tout cela au diapason du processus de modernisation économique dans lequel le pays s’est engagé.

Réformes nécessaires

La discordance entre le grand récit de la modernité économique et le caractère inique du système politique est trop évidente. Trois réformes en particulier, si elles avaient été faites sans peur ni faveur, auraient pu atténuer les iniquités du système et mitiger les dégâts pour les partis perdants.

  • Premièrement, une réforme du système électoral avec une dose de proportionnelle aurait permis une meilleure représentation des partis au Parlement en ligne avec leurs suffrages obtenus, cela selon une formule juste et raisonnable sans pour autant bouleverser les résultats découlant du système ‘First Past The Post’. Mais tous les partis, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ont systématiquement renvoyé aux calendes grecques ce projet de réforme en s’estimant à tort bénéficiaires du scrutin à majorité Que de temps perdu en études d’experts, comités d’élite et consultations !
  • Deuxièmement, la démocratisation des ondes – avec l’introduction de la télévision privée – aurait mis fin au monopole de la MBC, outil de propagande malsain en faveur des puissants du jour, et aurait permis des débats publics éclairants sur les enjeux nationaux. Les radios privées introduites en 2000 ont permis une compétition saine avec les radios publiques bien que certaines d’entre elles soient aux ordres du pouvoir. Ce début de réforme de l’espace audio-visuel n’a pas connu de suite tant les différents gouvernements étaient jaloux de leur contrôle absolu de la MBC.
  • Troisièmement, une loi raisonnable sur le financement des partis politiques aurait mis ces derniers sur un pied d’égalité tant sur le plan de la levée des fonds que sur celui des dépenses électorales admissibles. Elle aurait sonné le glas des caisses noires alimentées par des donations illicites et aurait diminué la corruption é

Il n’est jamais trop tard de faire les réformes nécessaires pour peu qu’il y ait un consensus entre les partis sur le minimum acceptable. Pour que l’opposition soit une alternative crédible aux partis dirigeants, il est essentiel qu’elle cherche des intérêts communs entre ses différentes composantes pour trouver un terrain d’entente. Le MMM semble vouloir s’y atteler. S’il réussit dans cette démarche, on sera parti pour vivre une nouvelle version de la bipolarisation politique à Maurice avec, d’un côté, tous les partis d’opposition et, de l’autre, les partis au pouvoir.


* Published in print edition on 10 January 2020

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