Terres de l’Etat et moralité publique

L’exemple canadien

Opinion

By Prakash Neerohoo

Dans tous les pays, l’octroi des terres de l’État à des entrepreneurs privés pour les besoins du développement immobilier, industriel, agricole ou commercial est un enjeu d’intérêt public. C’est une question politiquement sensible dans la mesure où il y a un risque de conflit d’intérêts pour les officiers de l’Etat qui approuvent l’octroi de terrains à bail à des parties privées.

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La distribution des terres de l’État exige donc de la transparence et un degré de moralité publique élevé. En matière de moralité publique, le Canada, un pays qui a une démocratie parlementaire de type westminstérien, vient de donner une leçon très appréciable cette semaine.

En effet, dans la province de l’Ontario, le ministre des Affaires municipales et du Logement, Steve Clark, a démissionné le 4 septembre 2023 à la suite d’un scandale d’attribution des terres de la Couronne à des entrepreneurs privés pour les besoins du logement. Le gouvernement ontarien avait décidé de vendre une partie d’une région verte (Greenbelt) à des entrepreneurs privés pour leur permettre de construire 50 000 maisons afin de pallier le manque de logements dans la province.

À la suite d’informations troublantes publiées dans la presse, deux autorités indépendantes en Ontario ont enquêté sur cette affaire : l’Auditeur Général Bonnie Lysyket l’Ethics Commissionner du Parlement David Wake. Dans son rapport, l’Auditeur Général a dit que le processus d’attribution des terres n’était pas assez transparent et que certains entrepreneurs ont été favorisés. Le Commissaire à l’Ethique, lui, a statué que le ministre a failli à son devoir de superviser le processus en laissant la décision d’attribuer les terrains de la Couronne à son chef de cabinet. 

A la suite de ces deux enquêtes, le ministre et son chef de cabinet ont démissionné de leur poste respectif. Le gouvernement ontarien, pour sa part, a accepté les recommandations de l’Auditeur Général pour réviser les procédures d’octroi de terres de la Couronne.

Contrastons ces développements en Ontario avec ce qui se passe à Maurice.

Depuis des mois, un entrepreneur privé a fait des allégations auprès de l’ICAC à l’effet qu’il a payé un pot-de-vin de Rs 3 millions à une tierce personne pour obtenir le bail d’un terrain de chasse de 733 arpents dans le voisinage du lac sacré de Grand Bassin. Ce bail fut approuvé par le ministère de l’Agro-industrie, dont le titulaire à l’époque était aussi le ministre de la Justice. Une “Black Label Stag Party” aurait eu lieu sur le terrain de chasse où le ministre de l’Agro-industrie d’alors et un député (ex-PPS) auraient été présents.

Après plusieurs mois, l’ICAC a convoqué le député en question pour l’interroger. C’était la semaine dernière. Il faut souligner que cette convocation intervient après qu’un individu, le Pandit Vivek Pursun, a déposé une poursuite privée contre le ministre et le député, les accusant de complot pour pervertir le cours de la justice dans l’octroi du bail du terrain. Entretemps, le titulaire du ministère de l’Agro-industrie a été muté au ministère des Affaires étrangères mais il cumule toujours le poste d’Attorney Général.

En Ontario, deux autorités indépendantes ont agi promptement pour élucider une affaire d’octroi de terres de la Couronne. À Maurice, l’ICAC prend son temps. Elle est rattrapée aujourd’hui par une poursuite privée en Cour suprême. Si le DPP permet la poursuite privée d’aller de l’avant, ce sera une première dans les annales juridiques du pays. L’ancien DPP avait annulé trois poursuites privées contre certains ministres.


Mauritius Times ePaper Friday 8 September 2023

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