Strategic Litigation Against Public Participation (SLAPP)

Par Prakash Neerohoo

Air Mauritius a choisi de tirer à boulets rouges sur une seule personne, en l’occurrence Raj Ramlugun, parmi tous ses détracteurs. Pourquoi ?

Le procès que la compagnie Air Mauritius a intenté à son ex-cadre Raj Ramlugun pour avoir formulé des critiques contre la gestion de cette entreprise relève de la pratique de «Strategic Litigation Against Public Participation» (SLAPP).

Dans certains pays, le SLAPP est une tactique utilisée par des politiciens ou des entreprises pour poursuivre ceux qui critiquent leur action ou leur méthode de gouvernance afin de les réduire au silence. Ainsi, dans certains pays développés, des compagnies pétrolières ont utilisé cette arme légale pour faire taire les critiques des écologistes contre les projets d’exploitation de ressources fossiles qui contribuent au réchauffement climatique. Comme ces écologistes n’ont pas les moyens financiers de se défendre contre des poursuites, ils sont obligés de tempérer leurs critiques.

Pour protéger le droit de la société civile de participer au débat public sur les questions d’intérêt national ainsi que le droit de faire des critiques de bonne foi contre les initiatives privées au nom de l’intérêt public, certaines juridictions, notamment la province de l’Ontario au Canada, ont passé une loi contre le SLAPP. En 2014, l’Assemblée législative de l’Ontario a passé la Protection of Public Participation Act, 2014 (décrite dans son préambule comme “An Act to amend the Courts of Justice Act, the Libel and Slander Act and the Statutory Powers Procedure Act in order to protect freedom of expression on matters of public interest).

Il y va de la liberté d’expression et du droit de participer au débat démocratique.

De toute évidence, la performance financière de la compagnie d’aviation nationale est un sujet d’intérêt public dans la mesure où les contribuables, à travers l’Etat, sont aussi l’actionnaire majoritaire de cette entité publique. Tout le monde a le droit de faire des commentaires sur les résultats de son bilan financier. Bien des personnes, y compris des leaders de partis d’opposition, n’ont pas manqué de s’en prévaloir récemment pour tirer la sonnette d’alarme sur une situation insoutenable. Le CEO d’Air Mauritius lui-même a dit que le modèle d’affaires de la compagnie n’était plus performant.

Pourtant, la compagnie a choisi de tirer à boulets rouges sur une seule personne, en l’occurrence Raj Ramlugun, parmi tous ses détracteurs. Pourquoi ? Parce qu’il a osé dire davantage que d’autres en écrivant une lettre au Premier ministre. Le procès intenté contre lui établit un mauvais précédent. Désormais, tous ceux qui comptent faire des critiques contre une entreprise quelconque devront penser aux conséquences légales de leurs actes avant d’agir. En filigrane, voilà le message qui est envoyé au public.

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 Strange bedfellows

It is said that politics makes strange bedfellows

Eh bien, nous en avons eu récemment une autre preuve avec l’article de Rama Sithanen dans l’express (que j’ai lu non sans amusement) dans lequel il vient soutenir la thèse de Vishnu Lutchmeenaraidoo (son cousin lointain) que la croissance économique de 3% à Maurice n’est pas une fierté nationale. Avec chiffres à l’appui, il a voulu démontrer que tous les variables économiques (investissement, emploi, épargne, exportations nettes, etc.) se sont dégradés depuis 2015 sous le régime en place.


«Rama et Vishnu ont toujours été dans des camps politiques opposés (l’un est au MSM lorsque l’autre est au PTr et vice versa) parce qu’ils ne voulaient pas être prétendants au poste de ministre des Finances dans le même parti (un cas d’exclusivité mutuelle). Or ne voilà-t-il pas qu’ils sont sur la même longueur d’ondes maintenant… »


Rama et Vishnu ont toujours été dans des camps politiques opposés (l’un est au MSM lorsque l’autre est au PTr et vice versa) parce qu’ils ne voulaient pas être prétendants au poste de ministre des Finances dans le même parti (un cas d’exclusivité mutuelle). Or ne voilà-t-il pas qu’ils sont sur la même longueur d’ondes maintenant.

Les deux anciens ministres des Finances ont détenu le portefeuille des Finances pendant une période plus ou moins égale à dix ans à des époques différentes. Toutefois, il y a un fil conducteur entre leur passage respectif à ce ministère. C’est celui d’un libéralisme économique effréné. Ce libéralisme, commencé par Vishnu dans les années 80, fut étendu par Rama dans les années 2005-2010 avec enthousiasme et persévérance au point d’imposer un modèle de développement néolibéral qui est à l’origine des problèmes structurels de l’économie mauricienne.

Ces problèmes structurels ne sont pas imputables au seul Gouvernement du jour. Ils ont leur genèse dans les choix de politique économique qui ont été adoptés dans le passé. Il ne suffit pas de voir l’évolution des variables économiques en 5 ans pour faire un constat de succès ou de faillite. Il faut remonter au passé.

Les déficits du budget national, avec pour conséquence l’endettement croissant, ont commencé il y a belle lurette. Les déficits de la balance commerciale et du compte courant de la balance des paiements ont pour cause la baisse tendancielle des exportations (depuis la fin du Protocole Sucre) et la hausse vertigineuse des importations, alimentée par la surconsommation. Le modèle néolibéral a apporté un développement inégal (Maurice est une preuve empirique de la théorie de Samir Amin) avec un capitalisme de petits copains (introduit au nom d’une fausse démocratisation économique) et l’accroissement des inégalités économiques, lequel est exacerbé par la fiscalité légère (impôt sur le revenu uniforme de 15% à l’opposé de l’impôt progressif) et la TVA régressive.

Ce modèle néolibéral a affaibli l’appareil de production, privant le pays de la sécurité alimentaire et de la sécurité énergétique ; a entravé la mise en œuvre du développement durable, a permis la braderie de pans entiers du patrimoine national, a accéléré le développement immobilier sur un territoire qui se rétrécit comme une peau de chagrin, et a mis en péril les écosystèmes naturels qui sont en proie aujourd’hui aux effets du changement climatique.

L’analyse quantitative des variables macro-économiques pour des besoins de comparaison ne cache pas les réalités du développement inégal et les faiblesses structurelles du modèle économique.


* Published in print edition on 26 April 2019

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