Bénarès, cité millénaire et éternelle
|Récit de voyage
Un curé de Beau Bassin raconte son récit de voyage dans la cité sainte dans les années 1900. Epoque reculée. Bénarès n’avait pas encore son aéroport, ses grands campus universitaires et les infrastructures qui transforment une des plus vieilles villes du monde.
Le R.P. Dom Paul Chauvin, bénédictin du Prieure Sainte-Marie de Paris, a exercé dans l’ancienne colonie de Maurice. Il voyage et visite la vieille pagode de Rameshwaram et, ensuite, Bénarès. Ce n’est pas la vision que livrent d’autres voyageurs comme Law de Lauriston qui dit en 1758 dans ‘Mémoire sur quelques affaires de l’empire mogol’ :
« C’est dans cette ville qu’on fait les plus riches voiles pour les femmes ; on en transporte dans toutes les parties de l’Indoustan ».
Comme Mark Twain qui écrivait :
« Bénarès est plus ancienne que l’histoire, plus ancienne que la tradition, plus ancienne même que la légende…»
Comme Pier Paolo Pasolini qui a écrit son carnet de voyage en 1961 :
« …s’élève une espèce de cité de Dité…Ce sont les murailles des palais que les maharadjahs et les riches se construisent pour venir mourir sur le Gange ; ce sont des temples…»
Paul Chauvin avait donné en 1916 une conférence au profit de la Croix Rouge française sur Bénarès qui demeure pour lui « l’une des visions les plus inoubliables de l’Inde ». Il prête une oreille attentive aux Indiens et ajoute que le sol de Khasi « repose sur une des pointes du trident de Siva : il est même l’une de ces pointes. »
Il passe à côté du grand Queen’s College construit dans le style gothique anglais et fondé par Madame Annie Besant. Mais il est triste devant l’étalage des superstitions « que lui offre la Rome de l’hindouisme ». Comme il y a 80 Ghats à Varanasi, il est impossible de tout voir ; le plus haut en couleur est Dashashwamedh-ghat où Salman Rushdie évoque « des brahmanes sous des parasols de paille, habillés de jaune safran et distribuant des bénédictions. »
Le curé ne cache pas, comme tout touriste, son étonnement devant le spectacle du fakir :
« …sur un des paliers, un fakir se dresse… Ses cheveux ressemblent à de longues cordes rousses qui lui cachent parfois tout le visage. Des colliers de grelots tintent à ses poignets et à ses chevilles. Surtout son regard, qui fixe le vide et ne semble rien apercevoir, hypnotise. »
Evidemment personne ne va à Bénarès sans découvrir le ghat de crémation – Manikarnika. Description précise des gestes :
« A coups de triques, des hommes font écrouler le tas carbonisé, pour hâter l’action du feu ; après quoi tout ce qui reste, cendres humaines, débris d’os, et même chair à demi calcinée, est jeté au fleuve sacré, où des centaines d’hommes et de femmes s’abreuvent et se baignent pieusement. »
Aujourd’hui, à la tombée de la nuit, ce sont de grandes torches allumées qui attirent les regards des touristes et des pèlerins sur les barques. Une impression de danse sur le grand bûcher qui vous fait signe. Et, dans le fond bordant les berges de la rivière Ganga, les anciens bâtiments orangés et les temples avec les dômes dorés dont le plus connu est Kashi Vishwanath.
D’ailleurs, Père Chauvin dit bien :
« Qui n’a pas vu les bords du Gange à Bénarès ne peut s’en faire une idée, même après les toiles rutilantes qui ont rendu si familiers les soubassements écroulés, les minarets de la mosquée d’Aurengzeb, dressés comme deux doigts dans l’azur, les escaliers embués de la fumée des bûchers, les foules entassées dans l’eau pour les ablutions sacrées, les pagodes touffues comme une forêt. La réalité surpasse tout. »
Il rappelle les palais et escaliers construits par le maharajah de Jaipur, par la rani d’Indore. Ce sont jusqu’à nos jours des escaliers, des marches qu’on emprunte pour se retrouver dans des couloirs et tunnels, dans des ruelles avec de petits commerces ou on peut acheter aussi bien des achards que des objets de prière ; rares sont les mendiants. Ce sont des queues interminables contrôlées par des services de sécurité jusqu’au « Puits de la Science, sous le symbole du lingam ». Ces lingams sont aussi en vente aux touristes : en cuivre, en pierre, en marbre, en onyx, etc.
Deux anecdotes s’ajoutent à l’intérêt de ce récit de voyage. La première : A la façade d’un palais,
« une rangée de cinq petites fenêtres par lesquelles Chait Singh trouva moyen de s’échapper après avoir fait massacrer deux compagnies de sipayes envoyées sans munitions par Warren Hastings. Lorsque d’autres soldats vinrent à la rescousse, la cage était vide. »
La deuxième : la reine Mary avait visité la ville sainte. Les singes pullulent dans l’extrême-sud de Bénarès. L’un d’eux avait créé une animation. Lorsque Sa Majesté a eu l’imprudence de se pencher vers la cage d’un macaque captif,
« le jacquot passa le bras à travers les barreaux, empoigna à pleine main le chapeau royal, et se mit à tirer dessus et à le secouer avec une telle violence, qu’il fallut bien le lui laisser, au moins pour un moment. »
Parmi tant de villes de l’Inde, Bénarès demeure la ville incontournable. On ne compte plus le nombre de gens qui y vont pour jeter des cendres, pour apaiser les âmes des défunts et pour se tremper dans le fleuve sacré.
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