Réflexions sur le 2 novembre

Carnet hebdo

By Nita Chicooree-Mercier

Nous commémorons l’arrivée des travailleurs engagés recrutés dans les quartiers de Calcutta dans le sillage d’un exode rural du Bihar natal, appauvris par la réforme agraire menée par les autorités coloniales britanniques au dix-neuvième siècle. La plupart des premiers arrivés regagnèrent leur « Desh », leur pays natal à l’expiration de leur contrat tandis que d’autres choisirent de le renouveler dans ce nouveau pays qu’ils appelaient « Marish Desh ».

Indian Immigrants. Pic – readersend.com

Et c’est en conformité avec les lois existantes sous le pouvoir colonial que certains descendants des travailleurs engagés acquirent des lopins de terre en économisant, ce qui leur donna une certaine indépendance à cultiver les terres pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Et aussi, ils construisirent graduellement des maisons en toit de chaume avec le sol maçonné de bouse de vache, nommées « la case la paille » dans la langue locale à laquelle ils s’adaptèrent aussi.

Le lien avec le pays d’origine resta interrompu dans la continuité culturelle et spirituelle par le biais de diverses associations qui furent formées localement. La radio, un merveilleux outil de communication pour relier la population aux informations locales, opéra la magie d’apporter « All India Radio » dans toutes les chaumières qui étaient assez chanceuses pour en posséder une.

C’est ainsi que les descendants des engagés à Maurice, au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, à Trinidad, en Guyane britannique, au Suriname et au Fidji restaient à l’écoute de l’évolution qui s’opérait en Inde dans tous les domaines. C’est ainsi qu’ils vibraient à l’unisson au « Vande Mataram », l’hymne national indien diffusé sur les ondes de la « All India Radio » à travers le monde à partir de 1947.

C’est tout naturellement que la population d’origine indienne à Maurice s’inscrivit dans la mouvance pour l’indépendance dans un contexte de décolonisation à l’échelle internationale. Dans ce sillage, c’est tout naturellement que le journal « Advance » vit le jour pour donner la voix à des sensibilités et à des aspirations nées de valeurs culturelles communes. L’expression en langue anglaise (langue officielle locale sous le pouvoir colonial britannique et, aussi devenue internationale) parut être le moyen le plus approprié de communiquer avec la population. A partir de 1954, l’hebdomadaire « Mauritius Times » y apporta sa voix en ouvrant l’éventail de ceux qui cherchaient à s’exprimer.

Cet apport nécessaire qui favorise un pluralisme d’opinions et d’idées est mis à mal aujourd’hui, d’une part, à cause des difficultés engendrées par la Covid pour la diffusion des journaux, et d’autre part, par une mesure gouvernementale qui a pris l’ensemble de la presse en grippe depuis 2014 en boycottant les journaux et en refusant de la soutenir financièrement par l’envoi des publicités. Cette mesure pernicieuse s’est montrée généreuse envers certains journaux ces jours-cien leur allouant un certain financement à partir des fonds publics. 

Tel n’est pas le cas pour tous les journaux. Elle s’acharnerait à boycotter, en raison de critiques jugées trop ouvertes du pouvoir dans le but d’étouffer et de faire disparaître le seul journal qui reflète, tout en étant inclusif et ouvert à divers courants de pensée, la sensibilité intellectuelle, culturelle et spirituelle de la majorité d’une population d’origine indienne.

Qu’en pensent les diverses associations issues du Sanatan Dharma ? Si tant est qu’elles aient accordé une attention quelconque à ce que la jeune génération trouve un repère dans un journal qui reflète une sensibilité forgée par une mémoire collective commune, une formation intellectuelle et spirituelle communes … C’est quelque peu paradoxal dans le contexte politique et culturel sur le plan international où l’Inde est de plus en plus visible et audible…

L’apport crucial des descendants des engagés indiens à soutenir le mouvement pour l’indépendance de Maurice est incontestable comme l’est le fondement démocratique des institutions qui furent mises sur place dans ce pays. Incontestable la tradition millénaire de la dialectique, d’explorer la pensée, de poursuivre la logique, de promouvoir la science, de laisser s’exprimer divers moyens de se connecter à l’énergie cosmique, de célébrer la vie sous toutes les formes, et d’argumenter en permanence. Cet héritage est inspiré par le Sanatan Dharma, loi éternelle qui prône le sens de droiture et de devoir, de faire ce qu’il convient de faire en tout discernement. Le « Argumentative Indian » dans le « Bharat » d’aujourd’hui est submergé de sujets à discussion, fortement épicés, et le « Argumentative Mauritian » n’est pas en reste.

Mais y a-t-il une vision et un projet à long terme pour la jeune génération ? Il est à souhaiter qu’il y ait une prise de conscience sur toute une part de richesse culturelle qui s’est évaporée au fil des décennies, des valeurs et une manière d’être et de se comporter jadis transmises par les baitkas, une perte de richesse due à un système formel d’éducation trop matérialiste. C’est un habitant de Triolet qui fut porteur au 19ème siècle d’un imaginaire qui sacralisa un lac en le reliant au Gange en Inde. C’est un habitant de Triolet qui, il y a à peine six ans, porta à la ministre de l’Education la pétition réclamant l’enseignement du sanskrit dans les écoles. Le projet s’est concrétisé.

Il nous a été rapporté que les principaux pétitionnaires étaient ahuris par le manque de vision, voire d’intérêt pour la culture chez les gouvernants, qui sont plus des techniciens à trouver des solutions à court terme à tout problème ou défi économique qui surgit que des visionnaires à long terme sur la question culturelle. Rappelons que le sanskrit est la langue de la science, des mathématiques, de la logique, de la philosophie et des écritures sacrées, et que son alphabet est considéré comme la langue des dieux. L’enseignement du sanskrit est pris au sérieux à l’étranger aussi, et cet apport pourrait enrichir le paysage culturel de la population mauricienne dans son ensemble.

Nos parents apprenaient le sanskrit par leurs propres moyens. La jeune génération devrait pouvoir bénéficier d’un plus large éventail d’héritage culturel de leurs ancêtres. Une trop grande dépendance sur les dirigeants des associations et les politiciens est quelque peu restrictive. C’est à la population de porter des projets à long terme pour la jeune génération, qui permettraient de répondre aux questions cruciales : D’où viennent-ils ? Quel sens donner à leur avenir ? Quel doit être leur rôle sur le plan local et au sein de la diaspora, et comment atteindre les objectifs définis ?


Mauritius Times ePaper Friday 3 November 2023

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