Quelles perspectives de collaboration entre Maurice et Canada ?

Rencontre Trudeau-Jugnauth

By Aditya Narayan

Pour la première fois, un Premier ministre canadien a reçu son homologue mauricien en tête-à-tête. Dans le passé, l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam avait rencontré son homologue canadien (Stephen Harper) en marge d’une conférence annuelle du Commonwealth. Mais jamais auparavant les chefs de gouvernement du Canada et de Maurice ne s’étaient entretenus sur des questions d’intérêt bilatéral et international.

La rencontre entre Pravind Jugnauth et Justin Trudeau dimanche dernier à Addis-Abeba en marge du 33e sommet de l’Union africaine promet-elle une nouvelle ère de collaboration entre les deux pays ?

Contexte

D’abord, situons le contexte de cette rencontre. De part et d’autre, il y avait sans aucun doute un intérêt mutuel. Justin Trudeau est venu rencontrer les chefs d’Etat africains à l’occasion du sommet de l’Union africaine afin de solliciter leur soutien à la candidature du Canada au poste de membre non-permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU pour une période de deux ans.

Sa démarche s’inscrit dans le droit fil de l’engagement du Canada dans le monde en faveur des causes internationales aussi importantes que le combat contre le changement climatique, la paix dans le monde et l’avancement de la démocratie libérale et des droits de l’homme dans les pays en voie de développement.

La dernière fois que le Canada avait postulé pour ce poste dans les années 2010, il fut devancé par un pays européen au moment du vote en l’absence de soutien suffisant parmi les membres de l’ONU. A l’époque, le soutien inconditionnel du Canada, sous un gouvernement conservateur, à la politique d’Israël dans les territoires occupés de la Palestine n’était pas apprécié par beaucoup de pays africains et arabes.

Cette fois-ci, la démarche diplomatique de Trudeau se déroule sous de meilleurs auspices parce que le Canada, sous sa direction, a renoué avec sa politique traditionnelle de soutenir la proposition d’établir deux Etats indépendants en Palestine, l’Etat d’Israël et un Etat palestinien, comme solution préférentielle au conflit israélo-palestinien.

Récemment, le Canada s’est abstenu de voter une résolution onusienne condamnant l’expansion des implantations juives dans les territoires occupés, ce qui a provoqué le courroux du régime israélien. Dans l’arène onusienne, le Canada est en compétition avec la Norvège et l’Irlande pour obtenir un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et ces deux pays solliciteront également le soutien des pays de l’Union africaine. Il reste à voir si la diplomatie de charme de Trudeau l’emportera finalement.

Les Chagos

Trudeau a sans doute plaidé la cause de son pays auprès de son homologue mauricien. Il est fort probable que Maurice soutienne la candidature canadienne en espérant que le Canada, à son tour, fasse preuve de réciprocité en lui accordant son appui à la revendication de souveraineté mauricienne sur l’archipel des Chagos.

Il faut souligner que le Canada est l’un des pays qui s’étaient abstenus lors du vote de la résolution de l’ONU réclamant la rétrocession des Chagos à l’Etat mauricien, avant l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) en faveur de Maurice dans le litige l’opposant à la Grande Bretagne. A ce moment-là, le Canada ne voulait sans doute pas prendre une certaine distance des Anglais et des Américains, qui sont ses alliés dans le groupe G7 et l’OTAN. Il avait adopté la même position que la France et l’Allemagne.

Aujourd’hui, la donne géopolitique a quelque peu changé dans le monde. Il y a, d’une part, le Brexit, lequel affaiblit l’Union européenne avec laquelle le Canada a négocié un accord de libre-échange commercial.

D’autre part, tous les pays se plaignent de l’isolationnisme politique des Etats-Unis, qui privilégient le désengagement américain dans le monde et parient sur la fin du multilatéralisme incarné par l’Union européenne, l’OTAN et l’ONU.

Sous un gouvernement libéral, le Canada est plus attaché à la pratique de l’approche multilatérale pour répondre aux défis du changement climatique dans le monde et des conflits régionaux, au même titre que les pays européens qui ont été les sources historiques d’immigration pour ce pays.

Bilatéralisme

Sous ce rapport, le Canada pourrait être plus sensible à la revendication de souveraineté mauricienne sur l’archipel des Chagos bien qu’il faille se garder de tout optimisme béat.

Les Anglais et les Américains sont les adeptes du bilatéralisme en matière de règlement des litiges entre Etats et ils préféreraient que le Canada s’abstienne de prendre parti dans le litige entre Maurice et la Grande Bretagne sur la question des Chagos.

D’ailleurs, la Grande Bretagne et les Etats-Unis ne reconnaissent pas la compétence de la CIJ et n’ont cure de ses jugements. Et les Anglais et les Américains ont déjà dit que la souveraineté sur les Chagos est une question bilatérale devant être réglée à la table des négociations. Malgré ses relations avec Boris Johnson et Donald Trump, Trudeau n’a aucune chance de ramollir leur position sur la question des Chagos car toute rétrocession des Chagos servirait de précédent pour les palestiniens et d’autres peuples qui ont été dépossédés de leur territoire et veulent les récupérer.

Diaspora mauricienne

Quelle que soit la position ultime du Canada sur la question des Chagos, Maurice a intérêt à se rapprocher du Canada, qui est le pays d’adoption d’un nombre croissant d’émigrants mauriciens. Les deux pays partagent certaines valeurs communes comme l’adhésion au Commonwealth et à la francophonie, et l’attachement à la démocratie libérale.

Historiquement, Maurice a privilégié les relations avec les pays de peuplement tels que l’Inde, la Chine, certains pays d’Afrique et aussi la France. Il est temps de sortir de ce carcan pour se rapprocher des pays qui sont les destinations préférées des émigrants mauriciens, dont le Canada et l’Australie.

Il existe au Canada une importante diaspora mauricienne qui fait honneur à son pays d’adoption avec son intégration entière dans la société multiculturelle canadienne et une présence non négligeable dans les affaires, l’administration publique et les professions libérales.

Il y a au moins trois générations d’immigrants mauriciens au Canada et l’appartenance à leur pays d’adoption se consolide chaque jour sans pour autant renier leurs racines.


* Published in print edition on 14 Feburary 2020

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