Point sur la situation politique

Eclairages

Les choses ne sont pas encore totalement en place, que ce soit du côté de la nouvelle alliance de l’opposition ou du côté du MSM

Par A. Bartleby

Deux semaines après l’annonce de la finalisation de l’alliance PTr-MMM-PMSD, ces derniers organisent leur premier congrès en commun ce vendredi 28 juillet.

Une synergie positive du côté des leaders est primordiale à la mise en place d’une dynamique positive du côté des partisans

Ce premier congrès sera intéressant pour tâter la température de cette alliance. Pas tant du côté des partisans, que l’on imagine mobilisés, mais plutôt du côté de la capacité des différents leaders et des têtes d’affiche de ces partis à présenter un front unifié et aligné.

Bataille des foules à l’intérieur de l’alliance

En effet, une synergie positive du côté des leaders est primordiale à la mise en place d’une dynamique positive du côté des partisans. De ce point de vue, ce premier congrès devrait bien se passer puisque cette alliance a besoin d’un acte fondateur à partir duquel le travail de terrain, et la finalisation des conditions et des modalités de l’alliance peuvent avoir lieu.

En effet, il semble évident que rien n’est encore vraiment décidé. Nous avons juste appris que l’alliance a été conclue quelques jours après l’audience du Privy Council. Mais nous ne savons encore rien de la répartition des tickets, de la composition du front bench et du programme électoral pour la prochaine mandature.

Est-ce que ce vide est une stratégie de l’alliance de ne pas dévoiler ses cartes ? Ou bien est-ce la démonstration qu’il n’y a non seulement aucun accord sur ces sujets, mais que l’audience du Privy Council a forcé les trois leaders à annoncer une alliance dans la précipitation en vue de faire du ‘damage control’ ?

On n’en sait rien à ce stade, et il faudra attendre pour savoir réellement où ils en sont.

Ce qui est certain, c’est que l’alliance se doit de démontrer qu’elle est crédible. Et sans programme commun annoncé à ce stade, elle se doit de montrer qu’elle est capable de mobiliser une foule conséquente, ce qui ne devrait pas être difficile. Deux des plus grands partis politiques du pays et le PMSD devraient pouvoir rameuter une bonne foule. Mais il faudra interpréter cette foule et comprendre ce qu’elle signifie.

En effet, nous devinons facilement que chacun des trois partis soit en train de se mobiliser afin de démontrer sa force individuelle. Ainsi, il se pourrait bien que nous assistions à une bataille des foules à l’intérieur même de l’alliance, avec un MMM et un PMSD qui auraient pour impératif de montrer qu’ils sont capables de rameuter autant de partisans que le PTr.

  • Une foule trop rouge et pas assez mauve ou bleue poserait problème et ce serait un embarras pour les deux wagons que sont les mauves et les bleus en face de la locomotive rouge.
  • Bien plus même, une foule constituée de bien plus de mauves que de bleus, ou de bien plus de bleus que de mauves, pourrait également envoyer un signal fort à Navin Ramgoolam quant à la distribution des tickets et la composition d’un ‘front bench’.

C’est en fait le rapport de force entre les trois partis eux-mêmes qui sera testé ce vendredi, dans une région de l’île où le MMM et le PMSD n’ont aucune assise électorale réelle. Cela signifie que les artisans de ces deux partis viendront surtout des autres régions de l’île, et leur mobilisation sera un enjeu crucial pour les deux leaders qui n’auront que très peu de marge de manœuvre en face de Navin Ramgoolam s’ils ne réussissent pas à démontrer qu’ils représentent encore des forces politiques nationales.

De son côté, le MSM et ses alliés sont particulièrement tranquilles depuis quelques semaines. Tout semble même s’être tassé concernant les récents scandales et nous percevons un temps mort qui risque de perdurer. En fait, il semble de plus en plus certain que l’audience du Privy Council a changé la dynamique politique à l’île Maurice.

  • D’un côté, le PTr, le MMM et le PMSD ont annoncé leur alliance juste après.
  • De l’autre côté, les scandales qui gangrènent le gouvernement ont pris un certain recul dans les médias et dans les conversations.

Ce calme avant la tempête peut s’expliquer par le fait que le verdict du Privy Council, attendu d’ici septembre, pourrait signifier le début de la course électorale.

Il semble donc que nous soyons dans un entre-deux où chaque parti jauge ses forces et ses faiblesses, et peaufine sa stratégie.

C’est exactement ce que semble faire le MSM depuis quelques semaines du reste. Il semble que les agents orange ont été extrêmement présents sur le terrain depuis quelques temps, et notamment celui des circonscriptions rurales. Les retours seraient mi-figue mi-raisin, avec un glissement certain pour l’alliance au pouvoir.

L’accumulation des scandales et le problème de la cherté de la vie s’additionnent pour produire une situation complexe pour l’alliance gouvernementale. Le récent budget aurait semble-t-il réussi à atténuer un peu cette situation, mais il n’a pas suffi pour faire taire les mécontents.

Est-ce que ce glissement se poursuivra pendant les prochains mois ou bien est-ce que le MSM réussira à renverser la tendance ? Seul l’avenir nous le dira. Ce qui semble clair pour l’instant, c’est que ce glissement n’est pas en train de se faire au profit de l’opposition. Mais cette situation pourrait changer et les prochains mois seront déterminants pour le MSM.

Tout comme Navin Ramgoolam qui met en place sa stratégie pour les prochaines élections, Pravind Jugnauth semble aussi avoir également une stratégie clairement définie en place. Et les sondages de terrain effectués récemment serviront à peaufiner cette stratégie.

Ce qui est sûr, c’est que les choses ne sont pas encore totalement en place, que ce soit du côté de la nouvelle alliance de l’opposition ou du côté du MSM. Et il faudra observer leurs différents positionnements dans les mois à venir afin d’avoir une meilleure indication des rapports de force qui s’affronteront lors des prochaines élections générales.

Ce qui est certain, c’est que le round d’observation a bel et bien commencé, et que les choses risquent d’aller très vite à partir de là. 

* * *

Sommet Russie-Afrique: vers un nouveau partenariat entre le continent et Moscou ?

49 pays et 17 chefs d’État africains seront présents à Saint-Pétersbourg en fin de semaine pour un sommet important qui devrait conduire à une reconfiguration des relations entre la Russie et un certain nombre de pays du continent africain.

C’est la première fois qu’un tel sommet est organisé depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes, ce qui témoigne du fait que les relations internationales et diplomatiques se normalisent autour de la Russie. Et puis, ceci était particulièrement visible lors du dernier sommet de l’OTAN, où, malgré le fait de devoir condamner l’attaque russe, les pays membres de l’OTAN ont été extrêmement prudents, au grand désarroi de Volodymyr Zelensky, à ne pas franchir la ligne rouge, ce qui aurait démontré qu’un dialogue avec Vladimir Poutine était devenu impossible…

L’objectif principal de ce deuxième sommet Russie-Afrique sera ainsi de faire un bilan des accomplissements de ces dernières années. Un porte-parole de Moscou a d’ailleurs précisé que ce sommet sera l’occasion de redéfinir le cadre de travail entre la Russie et ses partenaires africains au sortir de ces trois dernières années qui ont vu de grands bouleversements mondiaux.

Il semble ainsi clair que la Russie souhaite redéfinir ses objectifs de coopération avec le continent africain, ce qui est particulièrement pertinent actuellement. En effet, les autorités russes ont récemment affirmé que la milice Wagner allait être redéployée sur le continent africain, terrain où ils s’étaient fait connaître du reste.

Le dossier qui risque toutefois de se trouver au cœur de ce sommet est la conséquence du non-renouvellement de l’accord sur les céréales entre la Russie et l’Ukraine. Cette situation plonge potentiellement plusieurs pays de l’Afrique de l’est, soit à peu près 60 millions de personnes, dans une situation d’insécurité alimentaire.

L’annonce de la non-reconduction de cet accord a d’ailleurs immédiatement fait grimper le prix des céréales de près de 25% sur le marché international. Vladimir Poutine a tenu néanmoins à rassurer certains partenaires de la Russie que cette dernière assurera les livraisons de céréales.

Ce sommet Russie-Afrique aura ainsi lieu dans un contexte extrêmement favorable à la Russie, qui se trouve dans une capacité de négociation puissante en face de plusieurs pays africains. Il faudra suivre de près les décisions prises lors de ce sommet, car elles risquent d’avoir des ramifications importantes quant aux jeux de pouvoirs de la géopolitique régionale.

* * *

L’Inde bloque l’exportation du riz blanc

Le gouvernement indien a bloqué cette semaine l’exportation du riz blanc (non-basmati) jusqu’à nouvel ordre. Cette décision fait suite aux inondations qui ont plongé plusieurs régions du pays dans une situation d’urgence sanitaire et a pour objectif d’aider à stabiliser le prix du riz sur le marché local, prix qui se sont envolés à cause de l’inflation et des spéculations qui ont suivi les intempéries.

Cette décision a tout de suite provoqué une réaction en chaîne dans le monde, avec une augmentation immédiate du prix du riz blanc indien sur les marchés mondiaux. Il s’agit là d’un mécanisme naturel de la loi de l’offre et de la demande. Lorsque l’offre diminue et que la demande reste identique ou augmente, alors le prix d’une marchandise augmente.

Par-delà l’inflation et l’augmentation des prix, cette interdiction à l’exportation pourrait produire une situation de pénurie sur différents marchés, augmentant encore plus l’insécurité alimentaire dans certains pays.

Il est clair que la priorité du gouvernement indien est de s’assurer que le stock et le prix du riz blanc restent accessibles et abordables pour le marché intérieur. Mais ce même gouvernement doit faire attention à ne pas produire une situation où les pays importateurs du riz blanc indien se tournent vers d’autres sources d’approvisionnement. Néanmoins, cela semble peu probable car le Vietnam et la Thaïlande, les deux autres plus grands producteurs du riz blanc au monde, se trouvent également en posture délicate avec une augmentation du prix de leur riz.

En tout cas, le FMI a appelé le gouvernement indien à lever ce blocus le plus rapidement possible afin de ne pas créer un vent de panique qui pourrait avoir des conséquences dramatiques sur le marché mondial du riz. Qui plus est, certains pays, comme le Canada, se sont mis à acheter le maximum de riz afin de constituer des réserves au cas où l’Inde ne débloque pas la situation rapidement.

Nous sommes dans une situation dont on pouvait se passer à Maurice, au moment où les prix semblaient se stabiliser pour la panier de la ménagère. Est-ce que le prix du riz augmentera à Maurice à la suite de cette décision du gouvernement indien ?

Difficile à dire pour l’instant car nous ne savons pas si la fourniture en sera affectée. Il faut donc observer cette situation de près car il est clair que ce genre de débalancement est capable de produire des effets extrêmement néfastes sur le pouvoir d’achat des Mauriciens.

Nous devons également nous préparer à ce que d’autres denrées puissent se raréfier dans les semaines à venir, encore une fois à cause des inondations en Inde qui ont touché de grandes parties des terres agricoles.

 * * *

Israël : amendement constitutionnel

Après plusieurs mois de débats et de protestations, le parlement israélien vient de passer une loi qui permettra un amendement de la constitution israélienne. Des amendements qui devraient permettre au gouvernement d’obtenir une plus grande autonomie d’action au prix de l’élimination de certains garde-fous.

La population israélienne est profondément divisée sur ce texte de loi avec, d’un côté, les nationalistes qui soutiennent l’amendement et, de l’autre côté, les progressistes qui y voient un danger pour l’avenir de la démocratie israélienne.

Ainsi Israël, un pays où les institutions démocratiques ont toujours été extrêmement fortes, s’approche un peu plus vers un régime autocratique. Ce phénomène n’est pas isolé, loin de là même, puisque plusieurs pays à régime démocratique sont sur une pente similaire.

Cet amendement, qui consolidera l’assise du Likoud (le parti conservateur mené par Benjamin Netanyahou), n’annonce rien de bon pour l’avenir d’Israël et la stabilité de la région.

Mais par-delà les implications politiques et géopolitiques, il est curieux de constater que cette tendance de certaines démocraties vers l’autocratie devient de plus en plus commune. Ainsi il est important de tenter de comprendre les raisons de cette tendance qui se profile, en réalité, depuis la fin de la Guerre froide.

Maurice, par exemple, n’est absolument pas exempte de ce phénomène comme l’affirme le V-Dem Institute, qui étudie les démocraties dans le monde.

Un tel questionnement doit reposer sur une analyse précise et fine des phénomènes politiques actuels. Mais il est intéressant de noter ici que les textes d’Alexis de Tocqueville peuvent s’avérer extrêmement instructifs pour les lecteurs curieux et avides de réponses à ces questions.

Tocqueville a analysé l’avènement de la démocratie au sortir des révolutions qui ont bouleversé le 18ème siècle. Son constat est simple. Le temps de régime démocratique était arrivé et ce même régime démocratique allait non seulement se généraliser mais allait également produire des formes diverses et variées de régimes politiques, allant du progressisme au conservatisme.

Or, c’est exactement cela qui semble aujourd’hui évoluer et il nous importe de nous poser une autre question que celle de Tocqueville : est-ce que le temps du régime démocratique est révolu et, si oui, vers quel autre régime de pouvoir nous dirigeons-nous ?


Mauritius Times ePaper Friday 28 July 2023

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *