De la tartufferie et d’autres formes d’hypocrisie

By Nita Chicooree-Mercier

A peine commencés, les travaux d’asphaltage des routes sont interrompus ou alors, reportés, dit-on, aux calendes grecques encore une fois. Le budget pour ces travaux à travers l’île a été voté depuis belle lurette. Dans le lotissement résidentiel de la Pointe aux Canonniers, la première route parallèle à la nationale a été refaite et, en interrogeant les responsables des travaux publics, on apprend que toutes les routes du lotissement seront retapées.

Bonne nouvelle, on s’est dit, ça fait longtemps que les résidents du quartier qui ont acheté et construit à prix d’or attendent que les rues et ruelles toutes défoncées attirent l’attention des élus et des autorités publiques. Hélas! Toute l’équipe des travaux publics a plié bagage pour Grand Baie ou Pereybère, semble-t-il. Pourquoi ne pas avoir terminé un quartier d’abord?

Pour l’anecdote, rappelons qu’un des Princes du Transport Public, grand financeur des campagnes électorales, s’est installé récemment dans le nord du pays et illico presto, la rue où il a élu domicile a été restaurée en bonne et due forme. Encore plus cocasse, un autre ancien élu qui a séjourné à l’auguste Assemblée s’est octroyé, il y a plus de dix ans, le privilège de refaire la route longeant sa maison et celles de ses proches à l’occasion d’un mariage dans la famille. La partie de la route qui a accueilli le passage du cortège nuptial a été asphaltée. Et basta ! Au diable le commun des mortels !

Lorsqu’on voit cet ancien élu d’une collectivité locale, détenteur d’un Senior ‘craze-crazé’, sans doute, s’embarquer dans la politique, et gravitant dans l’orbite ministériel, menant grand train de vie, avec belles voitures de luxe, etc., acquisition de terrains dans les zones prisées, on s’interroge sur son hypothétique progrès intellectuel et ses véritables compétences. Il paraît qu’avec un bagage minimal, on peut être nommé ambassadeur. D’autres de niveau SC ou encore ceux qui n’ont pas connu les bancs de l’école mais qui ont bien su profiter de certains commerces illicites pour s’enrichir en toute impunité – tout en finançant les campagnes électorales – ont été récompensés au moyen des crown lands.

Ici et là, on converse sur le sens de l’Equal Opportunities, le principe d’égalité des citoyens devant la loi, le respect des lois faites pour les autres, sur les compétences des nominés de tous poils et sur le gaspillage des fonds publics. On s’interroge sur la pertinence des privilèges octroyés à certains fonctionnaires qui ne sont que des commis de l’Etat après tout. Voitures duty free, réduction sur les billets d’avion à leur conjoint et famille, etc. Un train de vie sans aucune mesure avec celle de leurs pairs des pays riches. Comment les simples employés de la compagnie aérienne obtiennent-ils des réductions sur les billets d’avion ainsi que leurs proches, voilà ce qui suscite bien des interrogations !

Ceux qui n’ont pas arrêté de rouler leur bosse pendant des décennies voient s’approcher l’âge de la retraite sans pouvoir s’accorder un petit voyage à l’étranger. Billets d’avion trop chers. Amers, ils se disent que ce n’est quand même pas normal qu’après tant d’années, ils ne puissent se permettre le loisir de partir en famille à l’étranger. N’importe quelle famille à faibles revenus dans un pays développé réussit, de temps à autre, à prendre des vacances dans les pays avoisinants. Doublement pénalisés par l’insularité, éloignée de destinations attrayantes, coûts élevés définis par le monopole d’accès aérien et une politique de bas salaires dans un système capitaliste à outrance… D’aucuns pensent que c’est immoral, indécent et injuste. Eternels enfants de Sisyphe, ils sont contraints de travailler encore quelques années pour survivre correctement. Sinon, comment vivre avec une retraite de Rs 4 000 ?

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A l’autre bout du lotissement résidentiel de la Pointe aux Canonniers, dans l’angle d’une ruelle, deux maisons et une boutique sont abandonnées, enveloppées dans une tristesse infinie sous le ciel gris. Décès d’un père suivi, un an plus tard, de l’assassinat de son unique fille. On l’avait félicité et encouragé lorsqu’il avait ouvert sa boutique et que les commandes pleuvaient de toutes parts. Vente de macramé, abat-jour, hamac : on est toujours fier d’un compatriote qui monte son propre commerce.

Ayant grandi au Canada, il avait cru bon de rentrer au pays. Enième histoire d’un Mauricien qui a franchi les frontières et qui a appris à vivre et travailler dans les grands pays développés et qui décide de se retrouver parmi les siens. Ces derniers sont restés à vivoter au pays en imaginant que leurs proches à l’étranger roulent sur l’or, que tout leur est facile et que la moindre des choses, c’est qu’ils versent généreusement une part de leurs gains ici. Lorsque la jalousie se mêle à la convoitise et empoisonne la vie au quotidien, certains doivent amèrement regretter le retour au pays. Il paraît que le jour de ses funérailles, ses proches ainsi que le futur meurtrier de sa fille avaient versé des larmes de crocodile. Wills laissait derrière lui sa fille et sa tante dont il s’est occupé pendant des années.

Certaines personnes trouvent mystérieux le décès du père et de la tante. Encore un cas de retour au pays qui a une fin fatale. Wills aurait dû rester au Canada, serait-on tenté de penser.

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Observez autour de vous, n’importe quel malfrat, escroc et énergumène sans scrupule s’affiche dans la religiosité. Cela ne représente qu’une formalité, un rituel mécanique à accomplir le temps d’une célébration religieuse, dépourvu de pensée, de remise en question ou de quête spirituelle. Ces Tartuffes retournent ensuite à leur besogne et continuent à mentir, tricher, voler et pire encore, ils demeurent sans état d’âme. Une grande hypocrisie caractérise notre prétendue religiosité nationale.

Tiens! On devrait inventer une autre fête religieuse et la rendre nationale, du moins pour ceux qui se disent ‘religieux’. Et l’appeler le Fête de la Vérité. Elle consisterait à donner un miroir à tout ce beau monde pour que chacun s’y contemple pendant quelques jours. Une contemplation qui forcerait à se dévoiler la face, à enlever le masque et à se regarder tel que l’on est. Leur véritable être, livré à leur regard, dépouillé de tout statut superficiel, vernis social ou subterfuge du langage.

* * *

Là où les rouleaux compresseurs des Travaux Publics ne sont pas prêts à goudronner les ruelles, à l’autre bout du lotissement, une mère âgée se plaint de son fils de plus de 40 ans qui squatte chez elle et grignote sa maigre pension. Vaurien, oisif, joueur aux courses hippiques, ce dernier lui a cassé le bras. Motif: il ne supportait plus les remarques de sa mère qui lui reprochait de piquer ses sous, de jouer aux courses et de discuter des chevaux avec ses copains dans le salon. Et la famille a conseillé à la mère de ne pas porter plainte. Pourtant, la police se trouve à quelques mètres de ces maisons bâties sur les crown lands pour pauvres.

  • Voulez-vous m’acheter des pommes d’amour?
  • Auriez-vous du repassage à me donner à faire ?
  • Regardez ces magazines, que des chevaux et des courses.
  • Il a emmené une femme qu’il a trouvé dans la rue à la maison.
  • Ki pou fer, gé béti?

Faut-il le virer, la femme et lui ? Faut-il le laisser empoisonner la vie de sa mère ? Faut-il une association qui protège les mères veuves de leurs enfants, adultes parasites et indignes ?

Sous le manguier, dans ce petit bout du lotissement, un petit autel sert de lieu de prières…


* Published in print edition on 19 October 2012

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