‘Payé Mam’

Carnet Hebdo

Difficile rendez-vous hebdomadaire depuis quelque temps nonobstant le titre même de cette rubrique tout simplement par faute de temps lorsque, sans arrêt, des dizaines de choses à régler chaque semaine réclament du temps et de l’attention et ne vous laissent point de répit.

Et alors, c’est en tombant de sommeil devant le clavier qu’on essaie d’accoucher sur l’écran, à toute vitesse et au dernier moment, quelques lignes qui arrivent tant bien que mal à se suivre et à créer du sens. Au diable, ces ruminations !

Cozé mam, vous dit-on au téléphone, pour rigoler. C’est dire combien le bon peuple est d’humeur à plaisanter ces jours-ci, requinqué par un vent d’espoir et de changement qui souffle sur le pays, ingurgité comme une boisson tonique qui remet d’aplomb et éveille les sens.

Tenez ! Le téléphone sur écoute est une de ces énigmes à élucider depuis quelque temps : comment en reconnaître les signes et que faire dans une telle situation. On connaît le caractère répressif de gouvernance de ceux qui ont pondu des républiques en série et qui croient dur comme fer qu’ils ont inventé le meilleur système au monde dans une région qu’ils ambitionnent de transformer en une extension de leur projet impérialiste dom-tomien sous couvert d’une assimilation qui se prétend inclusive, véritable mépris pour l’autonomie des peuples, et non-communautaire sauf pour la communauté de la mère castratrice, dite métropolitaine qui prime, domine et étouffe toute autre prétention identitaire.

Vive la liberté du peuple de proposer et de disposer ! Nul besoin d’une deuxième République pour renforcer la démocratie et surtout nul besoin du copier-coller venant d’ailleurs par pur désir aveugle d’imitation servile. Il serait, d’abord, plus sage de faire son auto-critique et reconnaître comment les principes de la démocratie sont bafoués alors que les institutions dont nous disposons actuellement permettent d’en faire bon usage.

Quant à la proportionnelle qui permettrait d’introduire au Parlement les représentants des petits partis plébiscités par le peuple, une réforme du système westminstérien, adapté aux réalités locales, répondrait à nos besoins sans passer par un décompte de républiques…

Soulignons d’emblée qu’un modèle 100% occidental de démocratie et son corollaire, la laïcité à la française, n’est ni souhaitable ni possible ici et qu’on est capable localement, avec l’intelligence du cœur et de l’esprit, de trouver et de faire accepter un modèle qui répond à nos sensibilités. Ceci étant, il serait raisonnable que les nouveaux gouvernants limitent au strict minimum leur présence aux fêtes religieuses, médiatisées à outrance et la manipulation qui en découlerait inévitablement, car ils sont élus par tout un peuple et qu’il faut respecter la sensibilité des uns et des autres.

Avant d’aborder sur papier de grandes réformes, on gagnerait à opérer, pour commencer, un changement profond dans la mentalité de ceux qui ont pour mission de tenir les rênes du pouvoir politique. Dans un contexte post-colonial où on était, hier, les sujets de sa Majesté et, avant-hier, des quasi-serfs d’une oligarchie toute puissante, il convient de décoloniser les esprits des gouvernants et des gouvernés.

‘Payé Mam’

Ici, on ne peut pas exiger, comme aux Etats-Unis, un retrait de l’Etat et accorder aux patrons un laisser-faire total des projets économiques. De même, la posture simpliste qui consiste, comme en France, à diaboliser le patronat et à ériger la masse des travailleurs en victimes est à écarter. De nos jours, on n’est plus patron comme au 19ème siècle. Un chef d’entreprise prend des risques, s’éreinte au travail et passe des nuits blanches aussi. Sauf ici et dans d’autres anciennes colonies.

Les patrons d’aujourd’hui sont les héritiers des richesses générées par le travail gratuit des esclaves qu’il convenait de nourrir suffisamment pour renforcer les muscles afin de faire tourner les machines à l’usine et assurer la récolte dans les champs. Ces patrons ont fait perdurer une mentalité coloniale qui regarde les travailleurs de haut (comme une masse informe) et qu’un maigre salaire suffirait à tenir en forme physique pour faire tourner l’économie. Ils décident de les embaucher et de les licencier au gré des intérêts patronaux.

Les plus puissants ont su influencer les lois du travail en leur faveur et museler les revendications des travailleurs par des représailles anti-démocratiques. Ce qui explique l’importance de l’intervention du gouvernement pour promouvoir une justice sociale, et la qualité des gouvernants est justement évaluée par rapport à leur capacité de ne pas se laisser intimidés par la force des puissants et, de trancher, de juger et de décider en faveur du plus grand nombre.

D’autre part, il serait temps que les dirigeants se défassent d’une mentalité rétrograde qui finit par les enfermer dans une tour d’ivoire où ils s’enivrent du pouvoir, des privilèges et du luxe, en prenant le pays comme leur terrain privé, à dispenser au gré de leurs caprices et ceux de leurs proches, et de considérer le peuple comme leurs sujets.

Cessez le transfert arbitraire des fonctionnaires, enseignants, policiers et bien d’autres pour répondre à votre désir de vengeance et de représailles anti-démocratiques. Comme l’a suggéré le parti Mouvement pour la Justice Sociale, les fonctionnaires devraient pouvoir se porter candidats aux élections et réintégrer leur poste en cas de défaite. Il y a toute une série de mesures à prendre pour renforcer la démocratie, c’est-à-dire, la participation et le développement du peuple sans recourir à un changement radical des institutions dont personne n’en veut. Sab ka saath, sab ka vikash, comme le proclame Modi ji en Inde.

Ce qui compte dans l’immédiat, c’est le rehaussement du niveau de vie de la grande masse des travailleurs, hommes et femmes. Les profits se comptent par millions et, en milliards pour d’autres, à un tel point que le pays est trop petit pour leur compte bancaire et qu’ils sont obligés d’investir ailleurs.

Le public aspire à voir à l’œuvre une équipe qui a des convictions, qui ne tergiverse pas à prendre des décisions avec courage et à appliquer de la rigueur dans la gestion des ressources humaines, matérielles et budgétaires. La démocratisation de l’économie, c’est aussi répartir les profits et les richesses d’une manière décente et raisonnable, et de ne pas donner carte blanche à un capitalisme débridé.

Il est inadmissible de maintenir des salaires dérisoires dans certains secteurs, l’industrie hôtelière (dont on connaît l’historique et l’évolution), l’industrie du textile qui pourrait attirer plus de locaux avec un salaire décent, le transport public (où un chauffeur de 50 ans perçoit Rs 10000 à Rs 12000), la qualité des autobus, (pour certains, c’est un amas de ferraille et une véritable pollution sonore), le secteur agricole et bien d’autres. Qu’ils déboursent et paient !

Loin du souci de savoir si la scène du balcon à Venise se jouera en solo, bon pour les ragots au coin de la rue et dans les bureaux où on s’ennuie, le véritable souci des uns et des autres, c’est de vivre mieux.

* Published in print edition on 24 December 2014

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