Son Altesse, Le Mari

 Par Nita Chicooree-Mercier

Mère protectrice et généreuse qui engendre le fils divin de ses entrailles, épouse fidèle et aimante, énergie cosmique et créatrice, parée de multiples attributs de son compagnon, vénérée récemment par des milliers des fidèles pendant une semaine de jeûne et de poojas, la représentation féminine du divin est bien présente dans l’imaginaire religieux du bon peuple. Hélas ! dans l’union terrestre des deux sexes, l’image que nous renvoie le rapport homme-femme apparaît souvent comme un grand malentendu.

Inconsciemment, on reproduit encore le même schéma comportemental qui caractérise les rapports au sein du couple et de la famille. Un rapport marqué par des facteurs socioéconomiques depuis des millénaires qui a établi une prédominance des valeurs masculines dans toutes les instances de la vie sociale, économique et politique de nos sociétés. A l’exception de quelques rares sociétés matriarcales où subsiste un rapport équilibré entre l’homme et la femme, partout ailleurs si tant est qu’on veuille bien se pencher sans complaisance sur ce point crucial qui est le fondement même de la société, le mode de fonctionnement et une certaine manière d’être ressort comme une différence certaine et inévitable dans le meilleur des cas, et au pire, on ne peut qu’observer au quotidien les dérives du tout-pouvoir masculin qui persiste dans les mentalités.

Depuis la nuit des temps, la femme est censée faire des concessions à l’homme pour le bien-être de ce dernier, pour sa propre survie et pour le maintien de son statut familial et social. Les temps ont bien changé depuis que la femme occupe une place de plus en plus active dans la société mais persiste encore sous multiples formes cette tendance masculine à vouloir dominer et s’imposer à tout prix au sein du couple en faisant souvent fi du bon sens, de l’intuition et de l’intelligence féminine. Ainsi, de nos jours, on assiste à cette inanité où la femme bat en retrait, préfère garder le silence et avale ses propos afin de ne pas froisser la susceptibilité du mari, éviter son ire et lui laisser intact son ego surdimensionné.

Dans un passé pas très lointain, la naissance du mâle était accueillie comme un premier lot, véritable bénédiction du ciel, élevé comme un prince, il se comportait comme un roi à l’âge d’adulte. Omniscient, tout-puissant, monarque irascible, comme son frère jumeau au ciel… qu’il faut apaiser par des prières, plusieurs fois par jour dans certains cas. Toute ressemblance… est indépendant de notre volonté (!).

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La Tyrannie du Gros Lot

Harcèlement psychologique, violences verbales aboutissant au crime dans le plus tragique des cas, les faits médiatisés ou passés sous silence au sein des foyers, les exemples ne manquent pas. Un peu partout, le mari, le devta demi-dieu ne suit pas l’évolution de son temps. Ainsi, se croyant tout permis, ce jeune marié a pris l’habitude de faire tout un boucan dans la maisonnée en allumant la radio et en s’excitant sur son portable tôt le matin sans penser au nécessaire repos de son épouse encore au lit et qui a travaillé comme lui la veille. Excédée, elle finit par prendre un balai et l’assène de coups en le poursuivant sur la route. La jeune génération bien éduquée, pourtant, n’a que faire des que-dira-t-on. Secoué par cette expérience inimaginable pour lui, issu d’une famille traditionnelle, Raj cherche à comprendre. Le respect de l’autre, ça existe.

Malgré son rendez-vous quotidien avec les pigeons et les moineaux sur la plage et son regard intense fixant le coucher du soleil, et ses traits fins crispés, Mahmoud transforme sa jolie jeune femme en véritable punching ball dans ses excès de colère, et idem, au vu et au su de tout le monde en humiliant la malheureuse dans les rues du lotissement. Plus éduquée que lui, simple ouvrier qui évoque son Créateur toutes les deux minutes dans une conversation, on imagine bien la séduction d’un beau parleur sur une jeune fille trop romantique il y a quelques années.

Le visage défait dès le matin en allant au travail, Marie se confie. Elle recueille chez elle son père malade et s’occupe de lui depuis quelque temps. Le mari en prend ombrage. Exaspérant pour une femme. Suivent des menaces et expulsion de la chambre conjugale, occupe la chambre de ton père ! Et maintenant, harcèlement sur son physique; quelques boutons au visage suite à une allergie, elle s’entend dire qu’elle n’est pas terrible à regarder, regarde-toi dans la glace. Demande lui si, lui, se prend pour Apollon.

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Notre ancêtre, l’animal

Faut-il s’interroger ce qui est advenu à la jeune femme ramenée par son père chez son mari à St Pierre où elle a rendu l’âme une semaine plus tard? La cause de sa mort, suicide ou meurtre? Elle avait fui les violences conjugales. Une autre femme divorcée dans une région urbaine est sauvagement poignardée par l’ex-mari lors d’une discussion chez elle sous les yeux de sa fille de six ans. La femme au service de l’homme, le service signe d’amour pour l’être aimé est perçu au fil des siècles comme une obligation, un dû, règle sacrée, d’où l’abus du bénéficiaire de ce service, la patience et la tendresse féminine interprétées comme un signe d’infériorité. On se souvient de cette femme qu’on a laissée mourir seule dans son salon, les entrailles en bouillie à coup de pied et de marteau parce qu’elle n’a pas répondu immédiatement à l’appel de Son Altesse.

D’autres cas de meurtres sauvages quand la femme refuse de cautionner une mauvaise gestion du patrimoine financier et son refus de se porter garante sur les aventures affairistes ou encore lorsqu’elle devient encombrante dans les liaisons extra-conjugales du conjoint. De la souffrance psychologique engendrée par les tiraillements quotidiens et la grande détresse infligée par la violence à la sauvagerie des assassinats, on ne peut pas continuer que de trouver des solutions pratiques et matérielles sans remettre en cause ce qui empêche certains mâles de se comporter en personnes civilisées.


* Published in print edition on 12 November 2010

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