Les négociations avancent-elles vraiment pour une alliance PTr/MMM/PMSD ?

Eclairages

Par A. Bartleby

Nous apprenons cette semaine que les négociations avancent entre le PTr, le MMM et le PMSD. Les partage des tickets a même été évoqué dans les journaux, avec un PTr acceptant 32 tickets sur les 60, et le MMM et le PMSD se partageant 28 tickets. Navin Ramgoolam a réagit dans l’après-midi même en affirmant qu’un tel accord n’avait pas été discuté, et qu’il s’agissait sans doute d’un leak dont l’objectif était de brouiller les négociations.

Cette hypothèse semblait de toute façon très peu crédible vu qu’elle ne traduisait en rien le statut de locomotive que Navin Ramgoolam confère au PTr dans cette alliance. De ce point de vue, il est difficile d’imaginer Navin Ramgoolam descendre sous la barre des 35 tickets qui serait une barre symbolique à ne pas franchir, mais il doit bien satisfaire ses partenaires actuels s’il souhaite faire avancer les négociations.

En fait, il est facile de se rendre compte que le PTr est en position de force dans cette négociation, et qu’il est capable de dicter certaines choses au MMM et au PMSD. Contrairement à ces deux partis, le PTr a une assise solide sur tout le territoire, et peut très bien faire élire des candidats dans les circonscriptions urbaines, alors que le MMM et le PMSD ne peuvent pas prétendre avoir la moindre influence dans les circonscriptions rurales.

À partir de là, le rapport de force est tout de suite posé. Mais Navin Ramgoolam se doit d’être conciliateur, puisque c’est l’image qu’il souhaite aujourd’hui diffuser, surtout que sa propre situation n’est absolument pas claire. En effet, il a fait une erreur monumentale en désertant la circonscription 5 après les élections de 2014, ce qui le place dans une situation extrêmement délicate puisqu’il n’est pas élu dans une autre circonscription. Ainsi se pose la question de son retour à la 5, à moins qu’il désire explorer une autre circonscription. Quoi qu’il en soit, nous devinons qu’il voudra être entouré de deux colistiers issus du sérail du PTr. Navin Ramgoolam a assez d’expérience politique pour savoir qu’une mésentente entre colistiers pourrait lui coûter une élection.

Cela signifie très certainement qu’il n’accèdera pas à la possible demande de Paul Bérenger d’avoir un candidat MMM dans chaque circonscription car c’est sans doute bien ce que demande actuellement Paul Bérenger, d’où le chiffre des 28 tickets avancé par les médias.

l‘illusion d’être un parti national

Le MMM aura à cœur de conserver l’illusion d’être un parti national en alignant au minimum 20 candidats, soit au moins un candidat par circonscription. Et ce, même si le parti au cœur mauve n’a plus de base solide dans les circonscriptions rurales, comme l’ont démontré les dernières élections générales.

Cette équation rural/urbain est en réalité assez complexe du côté des mauves. Il suffit, par exemple, d’observer la composition du bureau politique pour se rendre compte que ce parti conserve de nombreux candidats dont l’ambition est de conquérir les circonscriptions rurales, alors même qu’ils n’en ont pas les capacités politiques actuellement.

Mais mettre cette frange de côté afin de favoriser des candidats capables d’être élus dans des circonscriptions urbaines est tout aussi problématique pour Paul Bérenger même si ce serait une posture beaucoup plus réaliste politiquement.

En se rendant compte que la force réelle du MMM se limite aujourd’hui à 5 ou 6 circonscriptions, Paul Bérenger pourrait se donner de réelles chances de consolider des tickets, voire même de consolider des sièges à l’Assemblée nationale. Mais en faisant cela, il enverra également un signal sans ambiguïté quant à la réelle représentativité de son parti aujourd’hui. Est-il prêt à envoyer ce signal ? Il est le seul à le savoir, mais nous devinons facilement qu’il sera en face d’un grand dilemme qui déterminera la suite du MMM.

En effet, un MMM présent dans chaque circonscription donnera une certaine substance au parti si l’alliance l’emporte. Le MMM pourra tenter de consolider certaines postures qui permettront au parti de se reconstruire comme un parti vraiment national au cours des prochaines années. Le cas échéant, celui d’un MMM récupérant quelques tickets dans les circonscriptions urbaines, enterrera pour de bon les ambitions du parti, le condamnant à devenir la version bérengiste du PMSD : un parti qui pourra être de toutes les alliances mais qui n’aura aucun poids politique réel.

Cette équation que contemple Paul Bérenger, ils sont plusieurs à la contempler, ce qui pourrait expliquer que certains militants ne souhaiteraient pas entrer dans l’équation d’une énième alliance avec le PTr. Et nous devinons facilement quelle serait la frange du MMM qui trouverait son intérêt ailleurs, et notamment du côté du MSM. Cette frange est déjà surreprésentée au PTr et ces candidats MMM n’auront guère de chances d’être sur le front bench d’une alliance PTr-MMM-PMSD, alors qu’ils pourraient négocier des positions hautement avantageuses avec le MSM, qui souffre d’un défaut de représentativité de ce côté-là de l’électorat.

Navin Ramgoolam est bien évidemment au courant de toutes ces possibilités. Et il avance prudemment, ne dévoilant aucune de ses cartes. La réalité est que l’alliance est très loin d’être négociée. La question de la répartition des tickets est hautement stratégique et démontrera si cette alliance est crédible ou si elle ne sera qu’un château de cartes qui s’effondrera au premier coup de vent.

Attendons voir comment évoluent les rencontres futures, mais cette hypothèse de 32 tickets pour le PTr ressemble bien plus à un exercice de ‘spin’ dont l’objectif est de mettre la pression sur Navin Ramgoolam en interne afin qu’il se montre plus ferme avec le MMM et le PMSD.

* * *

Négociations pour le retour des Chagos

Un mémo du gouvernement britannique publié la semaine dernière a fait état de l’avancée des négociations entre les gouvernements mauricien et britannique sur le dossier des Chagos.

Il est désormais clair que les négociations avancent très bien et qu’une résolution devrait être trouvée assez rapidement si le rythme est maintenu.

Cela constituera une immense victoire pour tout le pays, qui sera enfin unifié un peu plus de 55 ans après son indépendance. Cet événement permettra également aux gouvernements mauricien et britannique de tourner une page de leur histoire commune afin de commencer à en écrire une nouvelle. Il est d’ailleurs clair que c’est exactement ce que souhaite Rishi Sunak.

Le Premier ministre britannique est face à un problème extrêmement complexe : donner toutes les chances à son parti de gagner les prochaines élections. Et il y a pour lui un seul moyen d’y arriver : en se tournant vers le monde afin de permettre à la Grande Bretagne de se positionner comme une force économique à travers la négociation de traités commerciaux avantageux pour l’économie britannique.

Il est certain que la région océan Indien représente pour Rishi Sunak un immense potentiel de coopération pour son pays. La Chine, l’Inde et la France sont déjà extrêmement présents, et le Royaume-Uni prend un retard certain. Or, une résolution rapide du dossier des Chagos enverrait un signal extrêmement positif en faveur du gouvernement britannique, et faciliterait indiscutablement certaines négociations qui sont actuellement très compliquées pour le gouvernement de Rishi Sunak.

Ce qui est sûr, c’est que Maurice est actuellement en position de force dans cette négociation et les efforts de certains membres de la diaspora pour faire capoter ces négociations en envoyant des lettres au 10, Downing Street pourraient être perçus comme rien de moins que de la haute trahison.

* * *

Reform Party: 80 propositions pour transformer Maurice

Le Reform Party a arpenté le pays depuis plusieurs mois, a animé des consultations avec certains stakeholders, est allé à la rencontre des Mauriciens avant de venir de l’avant avec son projet de réforme pour Maurice.

Les 80 propositions se lisent comme un condensé de propositions populistes qui n’ont aucune réelle direction idéologie et qui ne répondent à aucun projet de société unifié. Il y a, çà et là, quelques propositions valables, mais dans l’ensemble, c’est une daube dont l’objectif est bien plus d’exciter le peuple sur ses croyances que des réformes vraiment structurelles de l’économie, de la fiscalité, de la fonction publique ou des institutions.

Roshi Badhain aurait pu réaliser un joli coup avec cette approche, notamment grâce à son constat que les autres partis passent leur temps à parler du nombre de tickets dans une alliance et jamais de leurs projets pour Maurice. Mais il ne l’a pas développé avec le sérieux requis. Un projet de société ne se réduira jamais à un pamphlet populiste qu’un gamin pourrait gribouiller pour son General Paper, par exemple. De ce point de vue, l’exercice est un échec étant donné qu’il n’adresse aucune des problématiques actuelles à Maurice de manière profonde et sérieuse.

Mais Roshi Badhain n’est pas un abruti non plus. Il a bien vu comment Steven Obeegadoo a réussi à se positionner comme VPM, en formant sa Plateforme Militante et en proposant des politiques de réformes. Steven Obeegadoo s’est d’ailleurs souvent vanté d’avoir réussi à négocier son alliance avec le MSM grâce à ses propositions. Voilà quelque chose qui a sans doute dû inspirer Roshi Badhain : il avoue lui-même qu’il acceptera une alliance avec un parti ‘mainstream’ qui accueillera favorablement ses propositions.

Pouvons-nous imaginer qu’un parti ‘mainstream’ puisse mordre à cet hameçon ? A priori non, à moins bien sûr que les négociations entre le PTr, le MMM et le PMSD n’aboutissent pas et qu’un de ces partis doive avoir recours à une alliance de dernière minute afin de ne plus avoir à se présenter seul aux élections générales.

* * *

Rencontre de LPM avec le commissaire électoral

Le parti Linion Pep Morisien (LPM) ne rate jamais une occasion pour démontrer qu’il est une force de proposition dans un paysage politique qui devient de plus en plus médiocre… Sa dernière trouvaille en date, le décompte des bulletins de vote le jour même des élections.

Cette proposition flotte depuis un moment déjà et avait été suggérée par tous les partis ‘mainstream’ au lendemain des élections générales de 2019. La pression était d’ailleurs tellement forte sur le commissaire électoral, que ce dernier avait mis en place un dispositif permettant de faire le décompte des voix le jour même pour les élections villageoises. Cet exercice avait été conduit avec succès, ce qui avait convaincu Irfan Rahman que ses officiers pouvaient le faire pour les élections générales.

Le décompte des voix, dans chacun des centres de vote, le jour même des élections, devient un exercice urgent pour dissiper tout doute que les partis politiques peuvent avoir concernant le ‘tampering’ des urnes utilisées lors des élections. Et il serait judicieux que le commissaire électoral joue le jeu aux prochaines élections.

* * *

Xi Jinping à Moscou

Le symbole est puissant et ne manquera pas de faire monter la nervosité en Occident : le président chinois Xi Jinping était en déplacement à Moscou pendant trois jours cette semaine-ci afin de s’entretenir avec Vladimir Poutine. Les officiels chinois ont d’ailleurs décrit ce voyage comme capital afin de guider les relations bilatérales, renforcer la stabilité mondiale et faire progresser l’amitié, la coopération et la paix entre la Chine et la Russie.

A travers ce voyage, Xi Jinping démontre deux choses : premièrement, le fait que l’axe Chine-Russie reste fort et, deuxièmement, que la Chine est devenue une puissance diplomatique incontournable capable de régler les conflits du monde. Cela s’inscrit à la suite du réchauffement diplomatique entre l’Arabie saoudite et l’Iran, où la Chine aura joué le rôle de médiateur. Le président chinois enchaine donc les démonstrations symboliques mais aussi les démonstrations de force, envoyant des signaux forts au monde.

Il sera question, entre la Chine et la Russie, de plusieurs dossiers brûlants. Le cas ukrainien, forcément, et notamment la coopération militaire entre ces deux pays, mais aussi les dossiers énergétiques et commerciaux, la Chine étant devenue le premier acheteur du pétrole russe et la Russie important la majorité de ses denrées agroalimentaires de la Chine.

Nous assistons ainsi, un peu plus chaque semaine, à une transformation profonde des rapports géopolitiques. Et tout cela alors que les États-Unis s’embourbent un peu plus chaque semaine dans des crises politiques internes. La dernière en date, une arrestation potentielle de Donald Trump…

* * *

Le Bar Council réagit aux propos du PM

Les propos tenus par le PM lors d’une réunion à Surinam continuent à faire des vagues. Après avoir affiché sa solidarité avec le commissaire de police dans ses attaques contre le DPP, Pravind Jugnauth en a remis une couche en commentant le ruling de la magistrate dans l’affaire Bruneau Laurette.

Le Bar Council s’est dit profondément inquiet des attaques du groupe Facebook Sun TV à l’encontre du DPP. Nous nous souvenons tous que ce groupe avait posté des images et des vidéos de très mauvais goût, suggérant qu’un lien existerait entre l’office du DPP et Bruneau Laurette, ce qui pourrait découler des propos tenus par le PM quand il avait commenté que certaines institutions étaient infiltrées par les mafias.

Les différents représentants de la profession légale n’ont pas tardé à réagir. Ces derniers ont rappelé au PM qu’il y a des précédents contre les outrages à un magistrat et que la loi est claire à ce sujet. Guy Rozemont avait d’ailleurs écopé d’une peine d’emprisonnement pour des faits similaires alors qu’il était le leader du PTr.

Les avocats du PM ont réagi en affirmant que cette loi, pénalisant les outrages à magistrat, était archaïque et qu’un citoyen devrait pouvoir commenter et critiquer un jugement d’une Cour de justice. Peut-être qu’il faut effectivement moderniser certaines lois, mais il est choquant qu’un PM en exercice se permette de tels commentaires. Il ne s’agit en aucun cas des commentaires d’un citoyen lambda dont les prises de position n’ont aucune influence sur les affaires de l’État, et le PM se doit d’exercer un devoir de réserve ne serait-ce que pour démontrer qu’il respecte la séparation des pouvoirs.

Ce qui devient de plus en plus évident, du moins dans la perception populaire, c’est que le PM adopte là une posture d’autocrate, se permettant de critiquer ouvertement les institutions dont les actions ne correspondent pas à ses intérêts politiques.

Cette méthode est bien connue et a été éprouvée par Donald Trump aux États-Unis. C’est une manière de mobiliser ses partisans et de faire circuler un doute qui peut devenir un soupçon sur le bon fonctionnement des institutions.

Nous ne pouvons que spéculer, mais Pravind Jugnauth devrait avancer avec prudence, surtout en voyant ce qui se passe avec Donald Trump aujourd’hui.


Mauritius Times ePaper Friday 24 March 2023

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *