Le tourisme, une assurance tout risque

By Nita Chicooree-Mercier

Une embellie dans le secteur touristique si la classe moyenne aisée, entre cent et deux cent mille roupies par mois, prend du bon temps dans les hôtels à travers l’île, du nord au sud et de l’ouest à l’est. La détente personnelle, le plaisir familial allant de pair avec l’injection revigorante dans l’économie, le client-pigeon des centres commerciaux y trouve son compte à défaut de voler vers d’autres destinations car la pandémie reste la carte maîtresse qui régule la mobilité des bipèdes Sapiens sur la planète Terre.

Le pilier du tourisme vacille et fait trembler tout un pays. Emplois directs et indirects sont durement touchés comme personne n’aurait imaginé dans son pire cauchemar. L’Homo Mauricianus est contraint de prendre la mesure de son insularité et, en pleine figure, les limites de son développement économique si d’autres secteurs innovants tardent à pointer le nez. Source de son malheur par l’exigüité même du territoire qui impose une révision des ambitions à la baisse, mais également de son bonheur de par la convivialité tant appréciée d’une population de villes et villages à taille humaine.

“Le pilier du tourisme vacille et fait trembler tout un pays. Emplois directs et indirects sont durement touchés comme personne n’aurait imaginé dans son pire cauchemar. L’Homo Mauricianus est contraint de prendre la mesure de son insularité et, en pleine figure, les limites de son développement économique si d’autres secteurs innovants tardent à pointer le nez. Source de son malheur par l’exigüité même du territoire qui impose une révision des ambitions à la baisse, mais également de son bonheur…”


Un atout insulaire orné des côtes de sable fin, de filaos et mangroves, et encerclé, générosité du ciel et de l’océan, des eaux du bleu clair virant au bleu turquoise au gré de la lumière du soleil présent quasiment toute l’année. Convivialité humaine et des paysages doublement attrayants à ceux qui viennent des contrées où le soleil leur fait faux bond toute l’année et où ils sont soumis à l’anonymat et l’étouffoir de fortes populations, ou alors, de conditions climatiques extrêmes.

L’Europe et l’Asie se font attendre tant persiste l’incertitude du scénario de déconfinement et reconfinement, ce qui est alarmant chez nos principales sources d’arrivée touristique. Le peuple latin indiscipliné est sommé au port de masque obligatoire par la force des choses en France, en Italie et en Espagne. Acharné pour l’instant à faire remonter son taux de croissance et à reconfiner en série, maintenant dans le Xing Xiang, le dragon en Chine se fait discret sur la scène internationale. L’immense classe moyenne ravale son appétit pour le voyage. De même, son équivalant en Inde est assigné à domicile à une période où elle cherche à fuir la chaleur accablante tant le principal souci du pays est de sauver des vies et à reprendre le confinement au nord et au sud.

L’espoir de retrouver des touristes d’Asie ? C’est une épreuve de patience qui risque de durer un an. Ici, on appréhende toute arrivée en provenance d’Europe en mesurant l’ampleur des dégâts au cas où la moindre contamination imposerait une organisation matérielle impossible de quarantaine pour les visiteurs.

L’Europe, peu motivée à se soumettre à des contraintes sanitaires ou toute autre contrainte tant la liberté individuelle est sacralisée, suscite une méfiance quant à la garantie d’un risque zéro de ses ressortissants. Un certificat médical remis avant le départ pourrait peut-être apaiser la méfiance…

Le malheur en série, l’urgence de redorer le blason du pays est palpable. C’est poussé au pied du mur qu’on se débat avec toute son énergie. Le tourisme en berne, et le pays fiché sur la liste aux couleurs sombres des instances internationales, et Londres mise sur le Rwanda comme centre financier, l’ère des tergiversations est terminée. C’est une question de survie. En témoigne ainsi la série des lois proposées pour sortir Maurice de ce bourbier où il est pointé du doigt pour le blanchiment d’argent et d’autres délits que le pays a feint d’ignorer en fermant les yeux sur les investissements dans les secteurs juteux des individus douteux. Espérons que ces mesures enlèveront le pays de la liste des malfrats.

La souffrance résultant de la précarisation et des pertes d’emplois dans le secteur touristique est enrobée de pudeur dans les régions côtières plus prospères qui favorisent une orientation diversifiée d’activités commerciales tandis que la possibilité de rebondir a atteint ses limites à l’intérieur de l’île.

Mais cela étant, c’est aussi l’occasion de se découvrir d’autres compétences, de suivre diverses formations et de se munir d’une polyvalence qui permet de mener sa barque sur les vagues houleuses à l’avenir.

Trop d’assurance, voire une certaine arrogance assumée par la fierté d’un secteur qui a été une manne financière mais aussi une ouverture sur le monde, a confiné dans le tiroir des oubliettes une modestie et un sens de retenue qu’on ferait bien de retrouver. Le slogan idiot contre toute règle de la bienséance de ‘Welcome to Paradise island’ – à flatter l’ego de l’île – a circulé sans gêne pendant des années. A profiter pendant ce temps d’un exercice d’autocritique sur la laideur des villes qu’il vaudrait mieux cacher aux visiteurs, hormis un certain cachet historique de la capitale, et la monotonie des villages, en bref, dès qu’il y a une conglomération d’habitats. A se demander s’il y a bien des architectes dans le pays : question pertinente posée par un architecte français…

Reste le tourisme régional, principalement de la Réunion, qui peut se rabattre sur Maurice et Rodrigues faute de choix et par sécurité. Une ouverture prochaine des frontières détournera les voyageurs de l’île voisine de ses habitudes récentes d’escapade en Thaïlande ou au Vietnam. Ils retrouveront avec plaisir les magasins et les marchés où ils font leurs courses pour l’année, et la tendance de réserver d’avance la pêche au pied des débarcadères à Grand Gaube et à Mahebourg, coût nettement moins cher ici. Et bien sûr, un éventail des lagons accueillants autour de l’île.

Quant aux rentiers locaux et détenteurs des comptes bancaires hyper gonflés de 300 à 500 mille roupies par mois, ne serait-ce par patriotisme, ils pourraient profiter de leur week-end à se prélasser dans les hôtels qui fonctionnent encore… Moins riches mais aisés, d’autres le font déjà. Les pieds sous la table, se laisser servir, se détendre au bord d’une piscine et, au lever du jour, se balader à pied dans les petits villages où on vit encore à l’ancienne et où le comportement social conserve une authenticité, loin des airs superficiels d’arrivisme social engendré par un sentiment également superficiel de classe sociale fondé sur le culte de l’argent.

Hormis les guest houses, les campements et les hôtels, les foyers à plus de 50 à 100 mille roupies de revenus et plus gagneront à soigner leur santé personnelle par la pratique des sports. Vu la pesanteur dans la démarche des Mauriciens, il y a matière à réflexion. Hommes et femmes bien installés dans le confort se déplacent – si on nous permet cette comparaison — comme des dindes suralimentées, une lourdeur désagréable à la vue des autres et, sans doute, aussi pour eux-mêmes.

Et profiter ainsi pleinement du week-end avec un bon livre ou en se consacrant à d’autres activités de détente, une sortie ou une randonnée à la découverte des lieux ignorés le reste de l’année au lieu de s’atteler à des corvées ménagères, ou de se restaurer ailleurs.

Le fondement de l’économie était calculé, dit-on, sur la circulation du sang. Comme une source d’énergie qu’est le sang, l’argent aussi doit circuler. Et tant d’autres moyens d’éviter l’asphyxie des comptes bancaires bien remplis, de déboucher les artères engraissées par l’entassement financier, et enfin, d’assurer la bonne santé économique pour que règne la paix sociale.


* Published in print edition on 21 July 2020

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