« Le MMM et le PTr survivront à Bérenger et à Ramgoolam respectivement »

Interview Avinaash I. Munohur, Politologue

Nous sommes dans un pays qui aime les leaders forts, courageux et charismatiques. Jugnauth aurait plutôt dû se positionner comme une alternative réelle à Ramgoolam’

L’institut « Mauritius Forward » est un « think-tank progressiste indépendant ». Le but de cet institut est de produire et de diffuser des idées pour alimenter le débat démocratique ; et ainsi de fournir et de transcrire les alternatives en solutions politiques innovantes à Maurice et dans la région océan Indien*. Mauritius Times a sollicité Avinaash I. Munohur, politologue et fondateur de cet institut, afin d’obtenir son opinion à propos des rassemblements du 1er Mai 2019, évènement qui ne jouit plus de la même popularité aujourd’hui étant donné le contexte contemporain et les nouveaux enjeux mondiaux. Il s’attarde sur les défis que Maurice doit relever par rapport à son système politique.

Mauritius Times : Les observateurs politiques soutiennent que l’enjeu de la guerre des foules du 1er Mai de cette année sera de taille pour les principaux politiques, en particulier pour le MSM et le PTr. Quels enseignements tirez-vous des différents rassemblements organisés par ces deux partis ainsi que celui du MMM ?

Avinaash I. Munohur: Je dois vous avouer ne pas accorder une grande importance à ces guerres des foules dans les contextes partisans car il y a, là, une grande illusion. Je pense que les élections de 2014 ont été la preuve, à Maurice, d’une tendance qui prend de plus en plus d’envergure à travers le monde, et qui est celle du désir de plus en plus visible et audible de l’émergence d’un nouvel ordre politique qui sache répondre aux défis sociaux, économiques, institutionnels et sécuritaires que produisent les dérégulations de la mondialisation et l’urgence climatique.

Ces nouvelles aspirations passent essentiellement par le médium des nouvelles pratiques communicationnelles que sont les réseaux sociaux et la virtualisation des médias qui nous informent aujourd’hui 24h/24 : il existe une forme d’omniprésence permanente de l’information.

Donc, aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de nous déplacer pour écouter un discours politique. Ceci a forcément un impact énorme sur la construction de l’opinion publique. Et les grands rassemblements populaires, comme le 1er mai, sont devenus en quelque sorte anecdotiques et n’ont plus le sens qu’ils avaient il y a de cela quelques décennies, à cause également de l’essoufflement des grands mouvements syndicaux.

Chaque observateur interprètera les foules présentes aux différents meetings de la manière qu’il le voudra, mais il ne me semble pas que nous puissions faire émerger des tendances électorales sérieuses à partir de cet évènement.

* Puisque c’est toujours le Premier ministre qui décide de l’agenda politique du pays, pensez-vous que le rassemblement au meeting de l’alliance MSM-ML et celui de son adversaire principal, le PTr, auront quelque impact sur son calendrier politique et sa stratégie en vue des prochaines législatives ?

Le Premier ministre a forcément un agenda précis en tête, avec des échéances et des objectifs à atteindre. Le meeting du 1er mai figurait certainement sur cet agenda, tout comme le seront le budget, les Jeux des Iles, la visite du Pape François ou encore le lancement du Metro Express.

Par-delà la bataille des foules, qui ne nous donne aucune indication réelle, nous avons pu sentir un certain engouement qui s’est produit mercredi dernier. Il y avait comme une atmosphère de campagne électorale sur les réseaux sociaux, les Mauriciens semblant déjà être dans les ‘starting blocks’. Est-ce que cela suffira pour motiver un chamboulement du calendrier électoral ? Je ne le pense pas.

Nous devons garder à l’esprit que l’actuel Premier ministre souffre d’un très gros déficit de légitimité, chose que tous ses opposants n’arrêtent pas de rappeler à travers le terme « l’imposte ». Il a donc besoin d’une succession d’évènements qui soient positifs pour lui et qui mettent en avant ses réalisations et son travail en tant que Chef du gouvernement avant d’appeler les Mauriciens aux urnes.

* En tout cas, le traitement biaisé accordé par la MBC-TV aux rassemblements de l’opposition, en particulier celui du PTr dans ses bulletins d’information, mercredi soir, traduit amplement les appréhensions de l’alliance MSM-ML à propos de son challenger principal – le PTr. Qu’en pensez-vous ?

Si les meetings du 1er mai ont été une bataille des images, elles ont également été une bataille psychologique. De ce point de vue, il me semble que l’alliance MSM-ML n’a pas eu l’impact qu’ils pensaient avoir, notamment à cause d’une démonstration du PTr.

Il y a forcément des questionnements et de l’appréhension. Ont-ils sous-estimé leur adversaire ? C’est fort possible. Mais n’oublions pas que les foules amassées pour les différents meetings ne représentent aucunement la majorité du vote à Maurice, et il serait vain de croire que l’idéologie communicationnelle, dans laquelle est enfermée la communication politique du MSM aujourd’hui, soit garante de la vérité des urnes. Les Mauriciens souhaitent qu’on leur parle de l’avenir de notre pays et ne sont pas dupes des stratégies politiciennes de la MBC.

D’ailleurs, nous constatons qu’il y a entre 40% et 45% d’indécision au niveau de l’électorat aujourd’hui. Ceci est dû à plusieurs facteurs, mais l’accès au vote de la génération née à partir de la fin des années 1990 change profondément la donne. Une récente étude du think-tank de Science-Po Paris a démontré d’ailleurs que plus de 65% des Mauriciens âgés de 18 à 35 ans ne se reconnaissaient plus dans les partis politiques traditionnels, et qu’ils souhaitaient voir émerger une autre classe de politiciens qui s’adresse enfin aux enjeux sociaux, économiques et écologiques qui sont les nôtres aujourd’hui.

* En 2014, le PTr et le MMM ont perdu les élections face à une alliance aussi hétéroclite et fragile que l’Alliance Lepep, cela pour diverses raisons dont celle de l’antagonisme de leur électorat respectif envers les leaders des deux partis. Mais on dit que l’annonce d’une augmentation de la pension de vieillesse a eu un impact considérable sur le résultat des élections. Pensez-vous que les mesures populaires – les ‘electoral goodies’ – qui vont sans doute venir avec le prochain budget et le PRB vont suffir pour que le MSM puisse sauver la mise ?

Je continue à croire que les élections de décembre 2014 avaient été un évènement politique majeur. Les Mauriciens avaient lancé un ultimatum à la classe dirigeante en lui exhortant de se moderniser et de prendre la mesure des attentes de la population. L’alliance Lepep avait été portée au pouvoir par défaut, c’était un vote sanction contre le copinage et contre la proposition d’une deuxième République dont personne ne comprenait les tenants et les aboutissants.

Il est normal que chaque parti politique propose des mesures phares dans un programme électoral, et l’augmentation de la pension de vieillesse s’inscrivait dans ce sens. Mais je ne pense pas que cette mesure avait été déterminante, car je suis de ceux qui pensent que les élections de 2014 avaient été un vote contre Navin Ramgoolam plutôt qu’un vote pour l’Alliance Lepep.

Pour revenir à notre présent, l’actuel Premier ministre prépare sans aucun doute un budget électoraliste – dans la mesure du possible du moins car les mises en garde du FMI par rapport à la dette nationale ne lui permettent pas une aussi grande marge de manœuvre que cela. Et je ne pense pas que cela suffira pour qu’il atteigne ses objectifs.

Encore une fois, Pravind Jugnauth souffre d’un immense déficit de légitimité en voulant projeter l’image d’un leader comme on en voit dans les pays du nord de l’Europe, alors que nous sommes dans un pays qui aime les leaders forts, courageux et charismatiques. Il aurait plutôt dû se positionner comme une alternative réelle à Navin Ramgoolam, démontrant qu’il est différent de ce dernier à tous les niveaux, à commencer par une lutte sans merci contre le népotisme, contre la corruption et pour la modernisation de l’État et de ses institutions – notamment à travers la mise en place d’une vraie méritocratie dans les nominations et les promotions au sein de la fonction publique.

* Le MMM maintient toujours sa décision de se présenter seul aux prochaines élections générales. L’énième affirmation de cela est venue de Paul Bérenger lui-même lors du meeting de son parti dans le cadre du rassemblement du 1er Mai. Vous, y croyez-vous ?

Je pense, comme beaucoup, que le MMM a une meilleure carte à jouer si elle se présente seule aux élections. Dans un jeu à trois, ils pourront profiter de la dilution du vote et capter une partie des indécis. Il ne s’agira pas d’un raz-de-marée, mais les élections se jouent parfois sur de petites marges, et quelques centaines de voix peuvent faire une grande différence à l’arrivée. A mon avis, le problème surgirait après les élections.

Dans une élection à trois, il est très peu probable qu’un parti puisse dégager une majorité solide pour gouverner ce qui forcerait à contracter des alliances post-électorales. Dans cette configuration, Paul Bérenger pourrait devenir un faiseur de roi, si vous voulez bien pardonner l’utilisation de cette expression.

Or n’oublions pas que nous avons la tendance à Maurice à voter pour un Premier ministre et non pour nos députés. Nous avons beau avoir un système wesminstérien au niveau de la représentation à l’Assemblée nationale, la pratique du vote est plutôt de type présidentiel car nous votons pour le leader d’un parti à travers le député qui se trouve sur la liste électorale de ce parti.

Dans ce cas de figure, le choix d’alliance de Paul Bérenger après les élections pourrait avoir des implications profondes car nous pourrons nous retrouver dans une situation où le MMM ferait alliance avec un parti qui obtiendrait un nombre moins important de sièges qu’un autre, ce qui installerait au PMO un Premier ministre qui ne serait pas le premier choix de la majorité des Mauriciens.

Il n’y a là rien qui soit anti-constitutionnel, mais je pense que dans le contexte de la sociologie du vote à Maurice, un jeu à trois pour les élections peut produire des conséquences qui n’expriment pas la volonté majoritaire. C’est pour cela que je suis un fervent croyant de la déclaration des alliances avant les élections parce que les Mauriciens doivent savoir pour quel Premier ministre et quelle(s) alliance(s) ils votent.

* La question qui se pose toujours, toutefois, c’est de savoir si le MSM parviendra à convaincre le MMM des mérites d’une alliance pré-électorale entre les deux partis. Voyez-vous cela réalisable ?

Très honnêtement, je dois vous avouer que je vois surtout dans ces tractations d’alliance des partis politiques à bout de souffle, qui sont à cours d’idées, et qui ont besoin de s’allier afin de contrer l’érosion de leurs bases historiques. Je suis de ceux, comme 45% des Mauriciens, qui croient que notre système politique a besoin d’un nouveau souffle et d’une autre vision.

La République de Maurice de 2019 n’est pas Maurice de 1968, de 1975 ou encore de 1982. Le monde a changé. Nous faisons face à d’autres défis, et nous avons besoin d’une autre manière de faire de la politique si nous souhaitons relever les défis qui nous guettent.

La question des alliances me semble ainsi relever plus d’une question pour la cuisine respective des différents partis, que d’une stratégie fondée sur le débat des idées et ayant pour objet l’avenir du pays. Donc, pour vous répondre directement, qu’une alliance MSM-MMM soit réalisable ou non, cela n’a aucune importance à mes yeux. Ce qui m’intéresse, c’est le projet de société qu’ils souhaitent défendre et appliquer.

 * Steven Obeegadoo nous disait la semaine dernière que les perspectives d’avenir pour le MMM sont sombres, et que « dans ces circonstances, il se pourrait bien que l’établissement d’une dynastie politique soit sa seule chance de survie lorsque Bérenger ne sera plus en position de le diriger. » Il est probable qu’il ne le disait pas méchamment… Quelle opinion faites-vous du MMM version 2019 et de ses perspectives d’avenir ?

J’ai cru à un moment que le MMM avait la capacité de se métamorphoser. Les départs d’un nombre important de cadres du parti, avec toute une suite de militants, avaient été perçus comme un affaiblissement de l’appareil du MMM. Mais j’ai pensé qu’il s’agissait en fait d’une grande opportunité pour eux. Je crois profondément qu’il n’y a que deux vrais partis politiques à Maurice, le PTr et le MMM. Ce sont les deux seuls partis à avoir une base électorale historique traversant toutes les souches de la population, se fondant dans une certaine idéologie de l’émancipation, et avec des relais occupant tout le territoire. Comparativement, le MSM et le PMSD relèvent plus d’une logique clanique que de réels partis politiques.

Ceci signifie que l’appareil du MMM et du PTr respectivement restent solidement enracinés dans la société mauricienne, et survivront à Paul Bérenger et à Navin Ramgoolam respectivement. Personne n’est éternel, et l’après-Bérenger, tout comme l’après-Ramgoolam, devrait déjà être en train de se préparer, surtout que la majorité des Mauriciens ne veulent plus de dynasties et souhaitent plutôt voir des propositions s’adressant à nos problèmes. Ce ‘shift’ me semble d’ailleurs inévitable dans le long terme. Voyons donc comment les choses vont évoluer à l’avenir…

* Le leader du PTr a évoqué une politique de rupture, sans pour autant en dire davantage. Que faites-vous de cela ? Slogan ou vaste chantier ou programme politique ?

Slogan ou non, il renvoie à un immense chantier à entamer. D’ailleurs, il est étonnant que le terme « rupture » soit associé à Navin Ramgoolam, mais il faut avouer qu’il y a quelque chose d’intéressant dans son appropriation de cette rhétorique car elle vise précisément la pratique politique.

Sans être partie prenante, ou partisan, je pense que Navin Ramgoolam comprend très bien que c’est la notion de politique elle-même qui doit retrouver du sens aujourd’hui. J’appartiens à une génération qui n’a connu que des héritiers en politique à Maurice, et je ne peux m’empêcher de penser que la faillite morale et intellectuelle de nos politiciens trouve également sa source dans cette claustrophobie systémique de la sphère politique.

Encore une fois, nous voyons ce questionnement émerger dans beaucoup de pays à travers le globe. D’ailleurs, il n’est pas difficile de constater que beaucoup de sociétés post-industrielles souffrent aujourd’hui d’un manque de sens et d’une crise de leadership. Pourtant, les enjeux et les défis sont clairement visibles. Ils sont essentiellement économiques, sociales, sécuritaires, institutionnelles et climatiques. Et, si nous y regardons de plus près, nous verrons que ces enjeux sont tous liés.

* Les choses ne sont pas radicalement différentes chez nous, non ?

Tout à fait. Nous sentons de plus en plus que la sphère politique – qui a pris naissance dans le contrat-social de l’indépendance, et qui s’était assise sur une économie sucrière -, peine à trouver des solutions aux problèmes sociétaux qui sont relativement nouveaux pour nous – comme c’est le cas pour le fléau de la drogue synthétique, par exemple.

D’une certaine manière, l’assise sucrière qui a fondé la sphère politique à Maurice est toujours opérationnelle dans sa dimension idéologique, et les partis comme le MMM ou le PTr évoluent toujours dans ce paradigme. Il n’y a rien d’étonnant à cela car ces partis ont émergé au travers de luttes historiques bien précises et ont cristallisé une époque et un moment précis. Mais aujourd’hui, celles-ci ont fait place à d’autres enjeux.

Le basculement de notre économie vers les services, en parallèle à l’effondrement de l’industrie sucrière, produit forcément d’autres impératifs politiques. Et, nous sentons bien que les partis historiques ont du mal à se renouveler en intégrant ces nouveaux impératifs à leur stratégie.

De ce point de vue, Navin Ramgoolam a raison lorsqu’il parle de rupture car c’est bien de cela dont nous avons besoin. Nous devons rompre avec un système politique fondé sur la cartographie sociale des années 1970, et qui nous a menés jusqu’au début des années 2000. Mais ce système politique là est aujourd’hui dépassé et déconnecté de la réalité des Mauriciens. Il ne s’agit pas ici de réinventer le système, mais plutôt de repenser le mode de l’action politique, ses objectifs et sa visée.

Pour être plus concret, il me semble que nous sommes dans l’obligation de transformer notre manière de faire de la politique,

  • face aux immenses défis de la mondialisation ;
  • face au besoin pressant de rénover l’État et sa protection ;
  • face à l’obligation de moraliser et de moderniser les institutions publiques ;
  • face à l’impératif d’enrayer la spirale infernale de l’insécurité ;
  • face à l’urgence écologique de la protection de notre territoire océanique et de la conservation de notre patrimoine agricole ;
  • face également à l’exigence d’entamer la transformation énergétique en faveur des énergies renouvelables ;

pour ne citer que quelques enjeux majeurs qui nous guettent.

Le défi est immense, mais sans cette transformation, nous risquons de perdre les acquis sociaux et économiques durement obtenus depuis l’indépendance. Il s’agirait là d’une immense régression.

Est-ce que Navin Ramgoolam envisage tout cela lorsqu’il parle de « rupture » ? Nous verrons bien s’il alliera l’action à la parole.

* Le MMM aussi fait état, par la voix de son président Rajesh Bhagwan, du désarroi des Mauriciens devant la chose politique : « Les Mauriciens sont fatigués du népotisme, des scandales, des députés poursuivis devant la justice, des inégalités… Les jeunes veulent un changement. » Il a tout à fait raison, mais on ne voit pas de changement intervenir de sitôt. Il viendra d’où, selon vous ? Et quand ?

Je crois que le changement est en marche. Nous voyons se multiplier à Maurice des manifestations, que ce soit pour des causes sociales ou des urgences humanitaires. Il y a encore quelques années, nous n’aurions peut-être pas vu ces petits soulèvements qui témoignent d’un ras-le-bol en incubation. Parallèlement à cela, nous pouvons constater la multiplication des initiatives citoyennes et des ONG qui viennent trouver des solutions là où la classe politique semble être à court d’idées.

Tout ceci témoigne d’une société en mouvement, en ébullition même et qui cherche d’autres manières de faire. Nous voyons aussi, je pense, une opposition claire émerger entre d’un côté une société civile à l’avant-garde de l’engagement – notamment sur les enjeux sociaux et écologiques -, et de l’autre une classe politique qui, elle, reste campée dans ses archaïsmes. Cette disjonction continuera à s’accentuer, et pourrait forcer les partis politiques à intégrer certaines de leurs nouvelles pratiques.

On pourrait également voir se former d’autres collectifs qui sachent se saisir de ce potentiel créatif qui transforme déjà notre pays. Je suis personnellement très optimiste de ce point de vue, les choses bougent et vont dans le bon sens, même si cela prend du temps.

* Pour rester dans la sphère politique, faut-il admettre que les alternances politiques ont souvent été des déceptions, et beaucoup de ces jeunes qui ont rejoint les partis existants, comme chez l’Alliance Lepep, ont déprécié le ‘standard’ de notre politique. Jack Bizlall est plus direct et même très sévère dans son opinion des jeunes : « Il faut faire attention. Les jeunes qui s’intéressent à la politique ne savent rien et ne veulent rien savoir de ce qui les attend d’ici 15 ans, soit 2033. Ce sont pour la plupart des technocrates sans vergogne et sans pudeur qui croient tout savoir sans avoir vécu et appris… » Qu’en pensez-vous ?

Je rejoins Jack Bizlall sur sa critique de la technocratie. Certaines personnes, parfois au sommet de l’État, semblent avoir assimilé la croyance que la politique pouvait entièrement être ramenée à la sphère de l’économique, et que l’État pourrait être géré selon la logique de l’entreprenariat – d’ailleurs, c’est une grande croyance néolibérale.

Comme j’aime à le rappeler, l’État ne se gère pas, l’État se gouverne. Il y a dans ces deux termes – « gérer » et « gouverner » – deux logiques qui s’affrontent et deux visions radicalement différentes de ce que doit être la politique. La sphère politique et la sphère économique ont un lien intime, mais ne sont pas la même chose, contrairement à ce que souhaite nous faire croire la culture technocratique.

Néanmoins, j’adopte un point de vue plus mesuré que Jack Bizlall, pensant que la technocratie a un rôle important à jouer du moment qu’elle soit tempérée et qu’elle serve le développement de tous les Mauriciens. En d’autres termes, la technocratie peut être un moyen et un outil de gouvernement puissant, mais elle n’est jamais une fin en soi.

Concernant les jeunes, encore une fois, Jack Bizlall n’a pas totalement tort lorsqu’il critique le culte du « jeunisme » – cette croyance dans le fait que la jeunesse possède les remèdes à tous les maux de la société. Ce n’est bien évidemment pas le cas. Mais nous constatons un vieillissement des cadres politiques, et nous voyons également que les jeunes de 20-30 ans ne s’engagent pas. Or, il est essentiel qu’ils le fassent car ils doivent faire entendre leur voix et leurs revendications. De ce point de vue, un rajeunissement de la classe politique est définitivement souhaitable.

 

* Pour plus de détails concernant ‘Mauritius Forward’, voir www.mauritiusforward.org


* Published in print edition on 3 May 2019

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