“La possibilité d’un Labour Revival à la veille des élections est dans le domaine du possible”

Interview: Jocelyn Chan Low, Historien

* ‘Tout jugement négatif pour Pravind Jugnauth provoquerait un tsunami sur l’échiquier politique à Maurice’

* ‘Ce n’est que le regroupement des forces de l’opposition sous un leadership crédible qui pourra faire partir le gouvernement’


Comme d’habitude, ces derniers temps, la conversation quotidienne tourne autour du football et de la politique. Jocelyn Chan Low, historien et observateur de la politique locale se tourne vers le Parti Travailliste, locomotive d’une alliance de l’opposition pour les prochaines élections municipales. Mais notre invité affronte aussi la dure réalité et nous livre ses impressions d’après ses analyses des derniers évènements locaux sur tous les fronts.


Mauritius Times : L’Entente de l’Espoir et le Parti Travailliste ont annoncé leur décision d’affronter ensemble les municipales si le gouvernement décide de tenir ces élections. Compte tenu des circonstances actuelles, l’on ne s’attend pas à ce qu’il le fasse. Le pensez-vous également?

Jocelyn Chan Low: Évidemment une cuisante défaite aux élections municipales pourrait sonner le glas du régime en place si elle est suivie d’une dynamique en faveur d’une alliance en devenir entre le Parti Travailliste et les partis de l’Entente de l’Espoir, et qui gagnerait aussi les régions rurales.

De même, une victoire des partis traditionnels aux élections municipales marginaliserait les divers partis extraparlementaires déjà fragilisés par l’affaire Bruneau Laurette et rendrait plus crédible – et plus facile à conclure – une alliance de ces partis pour les élections générales.

En fait, les municipales agiraient comme un « trial run » ou un premier essai pour cette alliance. Il faut ajouter à cela que, du fait que c’est le régime actuel qui contrôle toutes les municipalités, l’opposition apparaît comme un « challenger », et que tout siège remporté serait perçu comme une victoire pour l’opposition. Il faut ajouter à cela le fait que les dernières élections ont démontré clairement que cette même opposition dispose de solides assises dans les régions urbaines.

Ainsi pour Pravind Jugnauth et ses alliés, les risques à prendre sont énormes. Mais, de l’autre côté, ces élections sont « long overdue », et avec la fin des restrictions sanitaires, comment trouver une justification pour renvoyer ces élections ? En outre, tout renvoi serait un aveu de faiblesse de la part du régime, ce qui fragiliserait la position de ses députés en régions urbaines.

Attendons de voir ce que fera le gouvernement. Dans tous les cas, un nouveau renvoi des municipales serait une grave entorse à la démocratie par un gouvernement déjà critiqué à Maurice et ailleurs pour ses tendances dites autoritaires.

* On ne voit pas le PTr et l’Entente de l’Espoir affronter les élections générales séparément dans le sillage d’une victoire aux municipales. Mais une telle victoire aux municipales produira-t-elle automatiquement le même résultat aux élections générales pour cette même alliance, à votre avis?

Tout dépendra d’un grand nombre de facteurs, notamment de la personnalité de celui qui sera présenté comme premier ministre alternatif – est-ce qu’il y aura un partage de pouvoir à l’israélienne entre deux personnalités issues du PTr ? La composition du « front bench » sera importante aussi.

A ce propos, une des causes majeures de la défaite de l’alliance MMM-MSM en 2005 avait été un piètre calcul à ce niveau par rapport à celui de l’alliance sociale présentant Rashid Beebeejaun comme numéro 2 du gouvernement…

Beaucoup dépendra aussi de la campagne électorale qui sera menée. Aujourd’hui, avec l’élargissement de l’espace public, l’émergence des réseaux sociaux – Facebook, Tik Tok, etc., – et les grandes transformations sociologiques, une campagne électorale ne peut être menée avec succès sans l’aide de professionnels de la communication politique et non par des amateurs, fussent-ils des vétérans ou des agents de marketing commercial…

* Le plus important toutefois, c’est la question de leadership de cette alliance et éventuellement du gouvernement – c’est ce qui déterminera si cette alliance obtiendra l’adhésion d’une grande majorité d’électeurs pour constituer une majorité gagnante, n’est-ce pas?

Depuis quelque temps, les sondages d’opinion sont unanimes sur un point: la population est indécise par rapport à son allégeance politique et témoigne d’une grande méfiance vis-à-vis du personnel des partis politiques traditionnels. Les noyaux durs de ces partis ont depuis longtemps fondu comme neige. Mais attention! Cela ne profite guère aux partis extraparlementaires en dépit de leur agitation bruyante.

Vu que les élections générales à Maurice ont été quelque peu « présidentialisées », évidemment l’identité de celui qui se présentera comme premier ministre alternatif est crucial. Bien sûr, il ne pourra pas rallier l’ensemble des votes de l’opposition vu que les bancs de cette opposition sont très encombrés.

Mais s’il se projette comme une personnalité forte, compétente, capable de réformer les travers du système, et de mener le pays à bon port dans un monde instable où une crise économique internationale majeure est derrière la porte, et s’il est entouré d’une équipe dynamique, rajeunie avec des vétérans comme mentors, c’est jouable.

Il est évident que cette personnalité ne peut être issue que des rangs du PTr, qui serait sans nulle doute la locomotive de cette alliance.

* Par contre, si on vous dit qu’une défaite aux municipales pour le MSM ne produira pas automatiquement le même résultat aux élections générales, que diriez-vous?

Une cuisante défaite aux municipales fragiliserait les assises du gouvernement dans les régions urbaines et on sait que tout recul à ce niveau pourrait être fatal dans la poursuite d’une majorité parlementaire. Quelles seraient les répercussions dans les régions rurales où dans ce qu’on on décrit comme le hindu belt ? Difficile à dire.

Certains diront que le MMM avait bien raflé les élections municipales de 1985 mais avait perdu ensuite les élections générales de 1987. Mais cette fois-ci, ce serait le MMM allié au PMSD et surtout au PTr. Et on sait qu’à Maurice, petit pays, un glissement d’environ 5% de l’électorat peut entraîner une victoire de 60% et que toute victoire a sa propre dynamique.

Il faut ajouter, en outre, qu’une analyse fine des résultats des dernières élections générales démontre qu’à la différence du MMM, le PTr ne s’est guère effondré dans les circonscriptions rurales. Au contraire, le PTr dispose de solides assises dans ces régions, faisant même élire quelques députés.

Suivant le principe de vases communicantes entre l’électorat du PTr et du MSM qui partage le même profil sociologique, la possibilité d’un « labour revival » ou un renouveau travailliste, à la veille de ces élections, est dans le domaine du possible. Mais tout dépendra des choix du parti en faveur d’une alliance crédible, à travers le choix de ses candidats et à travers un programme de mesures concrètes, proposés à l’électorat. Read More… Become a Subscriber


Mauritius Times ePaper Friday 18 November 2022

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