“La grande innovation de la ‘Rodrigues Regional Assembly Act’, c’est l’inclusion d’une dose de représentation proportionnelle…”

Interview Jean Marie F. Richard

* ‘Je ne vois aucun inconvénient de fond quant à nommer un espace public du nom d’Anerood Jugnauth… Mais il n’était pas le seul…’

* ‘ La question des terres a toujours été une question très sensible à Rodrigues.
Elle fait partie des zones de compétence où la ‘Rodrigues Regional Assembly’ a une autonomie totale’


Jean Marie F. Richard a régulièrement proposé ses opinions et réflexions sur des enjeux spécifiques à Rodrigues dans les secteurs socio économiques et culturels. Il a été le témoins de l’évolution institutionnelle de l’île depuis la création du ‘Rodrigues Local Council’ dans les années 90. Il nous livre dans l’interview qui suit son point de vue sur l’autonomie dont jouit cette île depuis 20 ans ainsi que ses perspectives d’avenir.


Mauritius Times : Rodrigues jouit depuis ces 20 dernières années d’une grande marge d’autonomie dans la gestion des affaires de l’île telle que prescrite par la ‘Rodrigues Regional Assembly Act 2001’. Quelle appréciation faites-vous de cette autonomie dans le cadre de la République de Maurice ?

Jean Marie F. Richard: La ‘Rodrigues Regional Assembly Act, au même titre que la ‘Local Government Act’, mise en place dans le sillage de l’accord de Medpoint, constitue un élargissement significatif de notre espace démocratique en termes de décentralisation des attributions des instances de prise de décision. La ‘RRA Act’ est, rappelons-le, une loi constitutionnelle, ce qui implique qu’il faut une majorité qualifiée pour tout amendement à ces dispositions.

Par ailleurs, la grande innovation de ce texte de loi, c’est l’inclusion d’une dose de représentation proportionnelle au cœur du système électoral, ce qui permet une meilleure adéquation sur le plan de la représentativité du pourcentage de votes et du nombre d’élus siégeant à l’Assemblée régionale. Et ceci, « à la virgule près », pour reprendre les mots de feu Robert Ahnee, rédacteur du texte de loi qui s’inspire du modèle en cours à Trinidad et Tobago.

Par ailleurs, la mise en place de ce texte de loi au niveau de son application au fil de ces 20 ans a permis d’apporter une plus grande sérénité décisionnelle au niveau des secteurs de compétences ayant fait l’objet de la dévolution des pouvoirs vers Port Mathurin, même si certains secteurs demeurent encore sous la juridiction du gouvernement central comme, par exemple, l’éducation, la santé, l’aéroport et la défense où Rodrigues n’est responsable que de l’administration sans véritables pouvoirs d’orientation décisionnelle.

Mais nous sommes au début d’un processus qui est appelé à évoluer et à s’élargir. Pour ce faire, il sera important de revoir certains fonctionnements de part et d’autre, notamment en matière de génération de revenus et d’autonomie économique et financière, tout comme en matière de connectivité avec la région et le reste du monde. Cela requiert une évaluation du modèle de fonctionnement et les potentiels d’amélioration du modèle.

* En quoi la ‘Rodrigues Regional Assembly Act’ et son application sont-elles importantes sur le plan des institutions au sein de la République de Maurice?

Déjà en permettant une plus grande responsabilisation au niveau de la gestion publique des affaires, il y a une meilleure aération et un élargissement de la scène politique, et une implication grandissante de la population à travers ses représentants dans le développement de l’île. La possibilité accordée aux Rodriguais d’être partie prenante de la gestion des options et des choix qui s’offrent à eux permet de mieux valoriser les compétences à tous les niveaux, ce qui en soi représente aussi une bouffée d’air stimulante.

Cela étant dit, il reste la grande question de l’autonomie économique et financière – le nerf de la guerre — tout comme l’amélioration de la connectivité aérienne et maritime de l’île au niveau du flux des échanges régionaux et internationaux. Outre d’occasionner un surcoût important des biens et services, le fait qu’il faille à tout prix tout transiter par Maurice est un archaïsme économique qui a un impact sur le coût des prestations. Rappelons le temps où les navires cargo qui desservaient les routes en Asie faisaient escale à Port Mathurin en route vers Port Louis…

Espérons que cela changera dans les années à venir permettant une plus grande ouverture de et vers les marchés étrangers permettant aux productions de toute nature d’être exportées tout en garantissant l’autosuffisance qui – aujourd’hui – fait défaut sur l’île, de même qu’une redynamisation des secteurs traditionnels: la pêche, l’élevage, l’agriculture, aux côtés de nouvelles activités liées à la technologie, source d’accélération de développement et d’amélioration de la qualité de la vie quotidienne.

* L’autonomie a-t-elle aidé à raffermir les liens d’appartenance à la République de Maurice malgré sa spécificité particulière ou existe-t-il toujours, selon vous, des menaces qui risquent de vider ces liens de leur substance?

Il est certain que les choses ont été rendues plus sereines et adaptées aux réalités et aux besoins de l’île au sein de la République. L’autonomie est un processus dynamique. Cela requiert un élargissement en matière des moyens économiques et financiers afin de donner plus de flexibilité dans la disposition et l’allocation de revenus générés à partir de la production locale et le développement du tourisme.

Cela passe à travers une relance du développement économique et des échanges de et vers Rodrigues à tous les niveaux tout en permettant de créer des emplois qui font aujourd’hui défaut, encourage l’exode vers Maurice et à travers un système de taxation locale qui générerait des revenus pour le financement des initiatives de l’Assemblée régionale (qui aujourd’hui dépend au niveau budgétaire majoritairement de Maurice).

* Plus en phase avec l’actualité entourant les 20 ans de l’autonomie, Justar Tolbize du mouvement Indépendantiste Rodriguais (MIR), a décidé de suspendre sa participation au sein de toutes les instances du gouvernement régional en raison, parait-il, de la décision de nommer la place principale publique à Port Mathurin ‘Sir Anerood Jugnauth Square’. Le MIR pèse-t-il d’un grand poids dans le paysage politique rodriguais?

J’espérais que ces 20 ans de l’autonomie véhiculerait le nécessaire apaisement entre les clivages politiques qui divisent la communauté insulaire. Malheureusement, cela n’a pas été le cas au point où l’exécutif régional et l’opposition OPR ont célébré chacun de son côté l’événement: à Port Mathurin en présence du PM, et à Malabar devant le monument de l’autonomie en présence des élus et du leader historique de l’OPR, Serge Clair.

Il y a eu aussi la manière de faire en catimini pour annoncer l’initiative consistant à nommer après Anerood Jugnauth la place centrale de Port Mathurin, événement dont nous avons pris connaissance à travers un communiqué du Conseil des ministres. C’est dommage qu’à ce niveau, il y a eu ce cafouillage, lequel à mon avis reflète un état d’esprit. Read More… Become a Subscriber


Mauritius Times ePaper Friday 14 October 2022

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