Kwet Chan

Mauritius Times – 60 Years

Par Joseph Tsang Mang Kin

Kwet Chan, instituteur au Collège Bhujoharry, est peut-être le seul poète populaire que nous avons à Maurice. Sa poésie échappe aux classifications. Par aucune ascendance ne s’attache-t-elle à la tradition littéraire. Car Kwet Chan est avant tout non un poète des mots, mais de la vie même.

Comme certains surréalistes, il professe la foi que la poésie doit être faite par tous et pour tous. Pour lui, il n’y a pas de sujet qui soit ridicule ou méprisable, puisque le monde a place pour le bien comme le mal, pour le beau comme le laid. Il saisit toutes les sensations, les espérances et les douleurs humaines et les dépeint dans un langage primitif.

Kwet Chan ne s’adresse pas à une classe particulière. Pour comprendre son but, écoutons encore une fois Mao Tse-toung, développant certaines idées du Dr Hu Shih, dans son discours du 4 mai 1919: “Les auteurs et les artistes… doivent aller aux masses. Ils doivent aller au milieu des masses des ouvriers, des paysans, des soldats constamment, sans réserve et de tout cœur. Ils doivent aller vers la lutte de ces masses et en faire leur source la plus grande, la plus riche, la plus remarquable afin d’observer, étudier et analyser les individus, les classes et les masses ainsi que toutes leurs formes de vie et de lutte qui sont l’art et la littérature à l’état naturel.”

Donc, sa poésie étant faite des émotions que ressent chaque être humain, Kwet Chan est le seul poète qui soit le plus près de nous, le plus humain. Et qui s’abaisserait (sic) à parler des joies et des chagrins d’un modeste travailleur, d’un “commis” par exemple?

“Mon domaine, c’est la boutique
où l’on respire l’air des grains.
La balance a le son des cymbales.”

Dans cette poésie sincère et réaliste, il y a place pour tout le monde : les amoureux et les malheureux, l’humble artisan et le parvenu.
Il ne s’enferme pas dans une tour d’ivoire pour jouer à l’incompris, mais il est bien vibrant de vie parmi nous, sachant goûter de nos petits plaisirs :

“Jouer au ma-jong la nuit
à l’heure où tombe la pluie
entouré d’amis intimes…”

ou bien:
“Devant la table des Sapriwais
tous près de celle des quatre quatre…”

Ce langage net et sans fioritures n’a rien pour attirer les yeux: il parle au cœur. Pourquoi nous dit ce disciple de Tao, pourquoi devons-nous ériger des sphinx, des casse-têtes? Pourquoi être surréaliste ? N’en avons-nous pas assez avec nos “phynances” et nos constitutions? Disons simplement ce que nous avons à dire. Pourquoi se débattre lamentablement avec des “parthénogenèses” et des surmots ? Et quoi ? goûter un poème avec un dictionnaire entre les mains.

Kwet Chan ne fait pas la poésie pour s’évader; et pourquoi s’évaderait-il? Il lutte et il sourit, détestant le ridicule des conventions, mais aimant la liberté et

“Tout ce que je désire ici-bas
c’est un doux sommeil et un bon plat.”

Dans “la fin d’une illusion”, il nous parle de “ses peines, ses soucis et sa solitude”, mais jamais il n’est une cigogne larmoyante — heureusement. Si nous étions du siècle dernier, nous aurions pu accuser Kwet Chan de manque de beauté littéraire, mais ceci n’a rien à faire avec la poésie telle que nous entendons ce mot aujourd’hui. Sinon, que dirons-nous de “Sens Magique” ou de “Chant de Maldoror”? Non! notre critère ne sera pas la beauté mais la sincérité. La forme viendra après puisqu’en poésie la fin justifie les moyens. Par son style sans mystification, sans clinquant, mais simple, clair, enfantin parfois (car qui a jamais guéri de son enfance?) et surtout sincère, nous comprenons que le style ne peut qu’être l’homme.


Mauritius Times ePaper Friday 1 July 2022

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