Finalement c’est une question de moralité ou des Mangoustes et des Poules

J’avoue être parfois envahi par un sentiment de lassitude et de tristesse à constater le silence quasi général de mes compatriotes sur ce qui se passe chez nous en ce moment sur la question de la réforme électorale. On n’entend pas la voix du peuple, la voix des femmes, la voix des jeunes, la voix des universitaires. Ce que l’on entend hélas !, c’est surtout le chœur des approbations, par des encenseurs patentés, fort vocaux, partisans dont l’avenir politique repose sur le maintien du statu quo que nous impose la partocratie.

Je crois, qu’au lieu de désespérer, il faudrait faire l’effort de comprendre ce qui se passe. Je l’ai déjà écrit : tout le mal politique dont nous souffrons : communalisme, communautarisme, autoritarisme, nous vient de Banwell, responsable de la cassure de notre société non seulement en vainqueurs et vaincus, mais surtout entre dirigeants et dirigés. Ou mieux, entre mangoustes et poules.

Pourtant, il avait trouvé une parade aux 60-0 qui aurait pu empêcher la destruction des « entrenched clauses », mais il ne l’a pas inscrite dans la Constitution. J’affirme que c’est cette faute professionnelle de Banwell qui est à la base de la démission des citoyens mauriciens, qui a effectivement commencé en 1982 avec la chasse aux sorcières produisant la peur et le silence, et qui sont restés dans les habitudes, pour ne pas dire, ceux-ci sont devenus une seconde nature.

Le mal est si profond que l’on ne semble pas s’en rendre compte. Notre cancer politique n’est que le sommet de l’iceberg. Jetons un coup d’œil sur notre société. On ne peut pas cacher le fait qu’elle soit malade. Un bref coup d’œil sur la presse quotidienne nous interpelle chaque jour sur notre maladie : agressions, vols, viols, meurtres, et maintenant, violences faites aux cadavres sans défense…

Notre société est comme sans direction, sans gouvernail, sans boussole, En réalité, comme Mauriciens, nous n’avons pas le sentiment d’appartenance à une nation. Nous n’avons pas de projet qui fédère les Mauriciens, nous n’avons pas une vision commune, nous ne partageons pas un idéal national. Où allons-nous comme peuple mauricien?

Or, ce sont ceux qui crient le plus fort qui ont raison. Ce sont ceux-là, qui détiennent le pouvoir, qui ont raison. Pas étonnant si la majeure partie de la population mauricienne avec ses jeunes, ses pauvres, ses laissés-pour-compte, se détournent de toute la propagande politique que ne cessent de nous imposer les médias.

Que faire? Comme Lénine se posait la question… Effectivement je ne suis pas de ceux qui se complaisent dans la critique ou l’inaction. Or, il faut analyser, comprendre et agir !

Je ne me lasserai jamais de rappeler que tout le mal fait à notre société dont on constate aujourd’hui les blessures et les malaises, proviennent de notre Constitution. La circonscription à trois sièges a dépossédé l’électeur de son libre choix au profit des partis politiques. Elle a déresponsabilisé à la fois l’électeur et le député. Mais le mal ne s’arrête pas là. Il faut le dire, l’identifier, le reconnaître et le neutraliser. Il y a surtout beaucoup de frustrations. Osons le dire, une circonscription avec un électorat, celle du député et ministre Hervé Aimée avec 55,000 électeurs, sur une superficie immense, n’a droit qu’à 3 députés, alors que dans un partage équitable avec le même nombre de votants dans toutes les circonscriptions de l’île, cette circonscription aurait droit à 5 députés. Prenons Rodrigues. Si on nous dit qu’elle a plus de 40,000 électeurs, elle devrait avoir droit à trois députés élus. Il y a donc ici une injustice faite à ces communautés, et qui a duré assez longtemps, trop longtemps, et c’est ce qui produit des sentiments de frustrations longtemps cachés mais qui se révèlent par des comportements antisociaux. Nous passons par une phase d’auto-destruction.

Et en-dehors des scandales politiques et financiers, le dernier évènement qui a choqué toute la population mauricienne, respectueuse dans son ensemble de la culture des autres communautés, c’est la désécration ou la profanation des tombes de la communauté chinoise à Bois Marchand. Bien sûr, ces actes sont abominables et condamnables. Suffirait-il d’envoyer les coupables en prison et d’entourer le cimetière d’un mur ? Aura-t-on réglé le problème définitivement ?

Mais je voudrais approfondir l’analyse. Est-ce un problème de la misère ou de la drogue ? Qui sont-ils, ces gens, qui trouvent cela nécessaire d’ouvrir les caveaux le soir, en cachette, dans des conditions fort malsaines et dégoûtantes, pour chercher du plomb afin d’en vendre et gagner des sous ? Que peuvent donc gagner ces misérables au prix de tant de risques? Ce qui est certain, ce n’est pas le moyen le plus sûr de s’enrichir!

Ce qui me pousse à penser à ces dizaines de milliers de travailleurs, domestiques et autres petits employés qui touchent à peine Rs6,000 par mois. Alors que les plus habiles, touchent Rs 200,000 ou même Rs1,000,000 dans certains secteurs… N’est-ce pas notre société injuste et inégalitaire qui pousse les plus démunis aux actes que nous condamnons?

Que faisons-nous pour ces catégories de nos concitoyens ? Que faisons-nous pour réduire l’écart entre le riche et le pauvre de notre société? Le candidat François Hollande, lors de sa campagne, avait annoncé un ratio de 1 x 20. Et, à l’île de la Réunion, il y a le smic qui assure plus de 1,000 euros aux plus petits. Comment se fait-il que nos partis politiques et nos hommes politiques n’adressent pas ces questions qui sont en train de détruire notre société ? Il y a comme un tabou qui nous interdit d’aborder certaines questions.

•       Pourquoi aucun parti politique ne pose-t-il pas ces questions fondamentales ni ne cherche à trouver des solutions aux problèmes d’injustice tellement évidentes dans ce pays ?

•       Pourquoi n’avons-nous pas encore débattu de la question d’un salaire minimum pour tous les employés ? Surprenant n’est-ce pas que les syndicats et autres responsables de notre société qui, s’ils y ont pensé, n’ont rien fait pour le réaliser. On se demande à quoi servent les partis politiques si ce n’est justement que pour se maintenir au pouvoir !

On méprise les pauvres. On méprise les faibles. On méprise les sans-voix. Et quand on a le pouvoir, on fait ce que l’on veut, au mépris du droit des autres. Est-il admissible, en régime démocratique, que ce soit deux hommes, deux chefs de deux partis différents qui décident de la réforme électorale qui concerne tous les habitants de ce pays, d’aujourd’hui et de demain ? Oui ! Les deux partis, s’entendent sur une reforme qui les arrange, et vous, vous n’avez rien à dire à ce sujet… A-t-on jamais vu une conversation se dérouler entre mangoustes et poules ? On croit entendre : Content pas content, c’est ca qui nous oulé! Ou lé ou pas lé, nous va ajoute 16 ou 28 députes dans Parlement couma nous lé. Guettez ki ou capave faire?

Bien sûr, le peuple ne peut rien faire. Nous restons donc prisonniers des abus ! Encore des injustices, encore plus de frustrations ! Et c’est ainsi que Maurice est conduite à la morte lente, c’est ainsi qu’elle consent à son suicide dans le silence…

Bien sûr, valeur du jour, comme on le dit chez nous, personne ne peut stopper les deux partis politiques tout-puissants. Et rappelons, encore une fois, en passant, que leur toute puissance est l’œuvre bancale de Banwell ! En alliance, les deux partis feront ce qu’ils voudront, et, nous, le peuple admirable, nous ne pourrons qu’assister, impuissants, au spectacle du viol de notre souveraineté nationale ! Oui ! Ils peuvent faire et ils vont faire ce qu’ils veulent.

Les mangoustes ont le droit de bouffer des poules et les poules doivent se laisser faire !

Mais disons très haut que ce nous pensons pour que tous l’entendent.

D’abord, ce sera un abus de pouvoir. Il n’y a pas de respect de l’autre. C’est donc dire que la raison du plus fort est toujours la meilleure. Mais cet abus de pouvoir demeurera à jamais un acte déshonorant dont aucun homme politique ne pourra jamais s’en glorifier. Déjà, les nouvelles générations ne pensent pas grand chose de la chose politique ou des hommes et femmes politiques. Ce qui est certain, c’est que cet acte de prédation sera immédiatement condamné par toute la population, quoique silencieuse. Et surtout par les faibles, les moins de 10%, les sans voix.

Ensuite, ce sera une erreur historique, qui ne manquera pas d’être condamnée par les générations à venir. On pourrait rétorquer : Fout pas mal, nous pas pou là. C’est vrai ! Mais ceux qui en sont responsables ne pourront jamais être reconnus dans nos livres d’Histoire de demain comme ceux qui auront été de leur vivant, de véritables tribuns, défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme. Loin de là !

Et surtout, ce sera un acte immoral. Comme le viol des caveaux. Ce qui nous ramène aux faits divers de notre quotidien de vols, de viols et de meurtres. Nous sommes dans le même registre. Les décisions prises au mépris des autres, de façon arrogante, c’est peut-être légal, mais toujours immoral !

Face à ce spectacle d’immoralité politique, les jeunes sont désorientés, ils perdent leurs valeurs, et se détachent de notre conscient collectif. Quel modèle suivre si l’exemple ne vient pas d’en haut ?

Que faire ? Mettons en place une Commission pour la Réforme Electorale ! Prenons le temps qu’il faut, plusieurs années s’il le faut, à l’exemple de l’Inde, pour rédiger une nouvelle Constitution, et nous serions tous fiers de l’avoir construite ensemble, et celle-ci servira à bâtir une véritable nation mauricienne.

Prenons le temps qu’il faut : Il y va certes de la survie de notre démocratie, mais il y va surtout de notre santé morale nationale !


* Published in print edition on 18 April 2014

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