Jooneed Jeeroburkhan

La gauche et le communalisme : retour aux références de base

 

— Jooneed Jeeroburkhan 

J’essaie, depuis Montréal, de m’impliquer dans les débats d’idées de nos médias en ligne, surtout que l’interactivité rend possible le commentaire direct et spontané. Mais ça ne marche pas toujours. En fait, deux fois, coup sur coup, ces derniers jours, mes interventions sur le site de l’express semblent s’être égarées dans le cyberespace. Je suis probablement mal branché.

Je sollicite ainsi l’hospitalité du Mauritius Times pour communiquer mes remarques et tenter d’élargir un peu plus le cercle des échanges.

Le premier article qui m’a fait réagir était signé Iqbal Kalla, intitulé « Et l’avenir du Cœur? » et posté, brièvement, sur le site de l’express le 6 mai 2010 après que le pays eut pris connaissance des résultats des élections législatives.

Constatant que le MMM a fait fausse route avec sa stratégie de « communalisme scientifique », devenue le « frangisme » dans sa cuvée 2010, l’auteur se demande, honnêtement, « si la logique ethnique dans laquelle le MMM s’est enfermé n’a pas eu comme effet de contraindre la communauté majoritaire – pour utiliser un euphémisme — à se serrer les rangs pour éviter que le pouvoir ne lui échappe. »

Exhortant fortement ce parti à tourner la page sur la « petty politics habituelle, avec son lot d’ingénierie sociale, de calculs communaux, de cynisme politicien, d’opportunisme insupportable », il estime que « tout n’est pas perdu pour ceux qui n’ont pas voulu abandonner leur idée d’une île Maurice différente ». Et il précise : « des idées simples : le respect des autres plutôt que les divisions ethniques, un pays auquel chaque Mauricien s’identifierait et où chacun aurait les mêmes chances selon ses capacités … »

Son espoir, Iqbal Kalla le fonde sur ce qu’il appelle l’« optique profondément progressiste » des nouveaux élus, y compris ceux du MMM, « qui ne seraient pas encore dominés par le cynisme de carriéristes politiques. »

Et là, l’auteur fait un grand saut : « Ashok Subron de Rezistans & Alternativ l’a dit hier : ces élections pourraient bien être les dernières pour lesquelles des candidatures auront été rejetées pour des raisons communales. »

« C’est peut-être autour de cette idée, de ce combat, que pourraient se rallier les forces du progrès de ce pays. Dans la lutte contre le Best Loser System ainsi que dans l’engagement de certains écologistes et citoyens contre, par exemple, le projet d’incinérateur à La Chaumière », poursuit-il, en ajoutant : « Certains au MMM, dont l’engagement reste profondément ancré dans des idées de gauche, pourraient s’employer à réorienter leur parti, au lieu d’attendre les échéances de 2015 en continuant à jouer les différentes articulations de l’ethnicité à Maurice. »

Et Iqbal Kalla conclut en les interpellant : « Est-il vraiment trop tard pour un front uni de gauche ? »

Comme vous, j’ai sursauté, ne croyant pas ce que je venais de lire. Et j’ai aussitôt cliqué sur le lien « Commentaires » pour écrire grosso modo :

« Cet article signale-t-il le ton nouveau que l’express et les autres médias de La Sentinelle entendent adopter dans le débat mauricien? Il serait salutaire pour tous que l’express renoue avec ses racines progressistes et se souvienne que ce quotidien a été fondé par le Dr Guy Forget et ses amis pour soutenir le combat de l’indépendance du pays ».

J’émettais une réserve toutefois : « J’espère cependant que l’appel à un front uni de gauche ne représente pas une tentative cynique de phagocyter et de cannibaliser les vraies forces de gauche à Maurice pour renflouer l’épave du MMM ».

L’autre article, intitulé « Communaliste comme un… Américain», était signé Jean Claude de l’Estrac. Il a tenu l’affiche plus longtemps sur le site de l’express, mais là encore mon input a rebondi dans l’espace virtuel.

Par souci d’être bref, je m’en suis tenu à quatre remarques essentielles :

1. Le mot « communalisme » n’a pas « été créé par les Mauriciens ». Il est d’origine anglaise et s’applique depuis le 19e siècle aux sociétés sud asiatiques colonisées par les Britanniques, et s’est appliqué — par extension — à Maurice. Insister de nos jours sur « communautarisme » relève d’une francophilie bornée qui n’apporte rien, ni ne change quelque chose à la réalité.

2. Il est vrai que l’identité « états-uniennes » s’est enrichie de l’apport de vagues d’immigrants, mais elle a été forgée DANS LE MOULE (le fameux melting pot) imposé par l’élite régnante des WASP (White Anglo-Saxon Protestants), avec l’anglais comme langue officielle, et le militarisme, le patriotisme, le sport professionnel et Hollywood comme des vecteurs décisifs.

3. Comment peut-on continuer de débattre du communalisme en 2010 à Maurice sans jamais parler du « communalisme de notre oligarchie historique », la mère de tous les communalismes chez nous? Dès le début, l’oligarchie, renfermée et exclusiviste, a monopolisé tous les pouvoirs à Maurice. Sous les Anglais, un certain nombre de Mulâtres se sont posés en challengers. Quand « les hordes indo-créoles » de Pezzani font irruption dans l’espace politique, au nom du droit de vote et du pouvoir majoritaire, les membres de l’oligarchie s’approprient l’appellation « Mauriciens » et leur psychose les amène à diviser la majorité et à opposer les minorités ethniques, religieuses et linguistiques non-hindoues à la communauté hindoue (« Malbar nou pa oulé, langouti nou pa oulé » ). Un débat, sans ces références de base, fait écran et ne mène nulle part.

4. Tout aussi importante est la reconnaissance que les membres de l’oligarchie incarnaient, tout à la fois, une COMMUNAUTE et une CLASSE; en fait, la classe régnante. Au 20e siècle, c’est elle qui va, NMU aidant, diviser et subdiviser la classe des dépossédés et des exclus en autant de communautés, injectant le puissant poison du communalisme dans le tissu social mauricien.

Voilà. La bouteille est à la mer. À vous de réagir.

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